REFLEXes

Ach, Gross Mahler !

23 avril 2002 International, Les radicaux

Le courant nationaliste-révolutionnaire français a toujours été fasciné par la lutte armée menée par les groupes révolutionnaires, sans doute par dépit de ne pas avoir eu le même phénomène dans son camp. Cela ne lui est d’ailleurs pas spécifique puisque c’est une démarche politique largement héritée de théoriciens comme Jean Thiriart[1]. Cela s’est en général traduit par des appels du pied appuyés auprès des supposés représentants de ces organisations, que ce soit sous forme de services de presse pour les prisonniers ou d’utilisation de dénominations usurpées comme «nos camarades». Mais par le passé, ces tentatives s’étaient toujours traduites par des fins de non-recevoir fermes et définitives. L’un des soutiens, par ailleurs critique, des prisonniers d’Action directe, Guerilla, avait même mis les choses au point dans une petite brochure, renvoyant dos à dos fascistes et antifascistes. Même les déclarations tapageuses et provocatrices du marxiste-léniniste Frédéric Oriach dans les années 1980 n’avaient pas été réellement exploitées par les NR de l’époque. Les NR français en étaient réduits à diffuser la petite brochure De Jeune Europe aux Brigades rouges forcément assez limitée.

Or, à la fin du printemps 1999, Résistance !, bimensuel d’Unité radicale, titrait sur «Horst Mahler, du gauchisme au nationalisme». Le nom de Horst Mahler n’est pas inconnu pour tou(te)s ceux et celles qui se sont documentés sur la lutte armée en Allemagne dans les années 1970. Issu de parents profondément nationaux-socialistes, Horst Mahler a rapidement rejoint le Sozialistischer Deutscher Verbund[2] (SDS), organisation socialiste étudiante largement impliquée dans la contestation politique des années 1960. Même si son principal porte-parole Rudi Dutschke est alors le plus connu, le SDS compte une multitude de militants radicalisés qui trouveront dans la lutte armée un exutoire à la pesanteur politique de l’Allemagne d’après-guerre. Pour ce qui est de Horst Mahler, il s’engagea comme avocat de la RAF et fut condamné à une peine de prison ferme pour ses activités. Or, après une assez longue période de retrait de la vie politique allemande, Mahler a donné à partir de 1998 un certain nombre d’entretiens tapageurs à la grande presse allemande, dans lesquels il soutenait des positions nationalistes sous un angle «de gauche». Son interprétation de la contestation politique de la fin des années 1960 est celle d’une révolte nationale anticapitaliste prenant la suite de celle des années 1920-1930 incarnée dans le nationalisme et, partant, dans le national-socialisme. Son interprétation n’est pas complètement incongrue au regard de ce qui a pu se passer dans les pays de l’est européen après-guerre : le léninisme est en effet potentiellement nationaliste à partir du moment où la condition nécessaire à la révolution est la conscientisation de la classe ouvrière et que cette conscientisation peut prendre de multiples formes, comme la lutte de libération nationale par exemple. Ce caractère «ouvert» de l’idéologie léniniste a parfaitement été exploité par Staline et ses disciples, pour arriver à des régimes nationaux-communistes comme en Roumanie. Il n’est donc pas surprenant que certains militants étudiants allemands des années 1960 se soient engagés sur cette équivoque. Horst Mahler pousse finalement à son terme une démarche intellectuelle engagée il y a 30 ans et qui l’amène aujourd’hui à être adhérent du Nationaldemokratische Partei Deutschlands[3] (NPD). Même s’il s’en défend en affichant la carte du «Ni droite, ni gauche», il rejoint ainsi la droite radicale, comme ont pu déjà le faire quelques autres militants comme Günter Maschke, aujourd’hui correspondant en Allemagne d’Alain de Benoist.

Quel intérêt pour les dirigeants d’Unité radicale de monter en épingle ce parcours qui n’a attiré que tardivement l’attention de la grande presse française et qui a finalement peu captivé les milieux d’extrême gauche français ? Celui d’illustrer la possibilité d’un rapprochement par delà droite et gauche sur des principes d’anti-impérialisme américain et de résistance nationale et sociale. Même si la phraséologie du «front anti-système» a globalement été abandonnée, l’idée et l’objectif demeurent, et tous les moyens sont bons pour montrer qu’un tel objectif politique est possible. En outre, la démarche de Horst Mahler a l’autre avantage pour les NR de pouvoir démontrer que les vrais révolutionnaires n’étaient pas ceux que l’on croyait. Ce qui explique que chaque numéro de Résistance ! comporte un article sur le sujet. Bref, beaucoup de bruit pour quelque chose qui n’a finalement rien de bien nouveau… L’état de l’extrême gauche française laisse en tout cas peu augurer de convergences de ce type ! À l’ouest, rien de nouveau…

  1. Théoricien nationaliste européen, né en 1922 et décédé en 1992, fondateur de l’organisation Jeune Europe en 1960 et du Parti communautaire européen en 1965. Très anti-américain, Thiriart a toujours soutenu tous les mouvements pouvant s’inscrire dans cette perspective.[]
  2. Union socialiste allemande.[]
  3. Parti national-démocrate allemand contre lequel une demande d’interdiction a été déposée le 30 janvier 2001 par le gouvernement allemand auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Horst Mahler a été leur avocat jusqu’à sa radiation du barreau allemand le 22 janvier 2001.[]
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