REFLEXes

De l’apéro saucisson-pinard au rassemblement du 18 juin : retour sur une manipulation réussie du Bloc Identitaire

25 juin 2010 Les radicaux

Le buzz connu sous le nom d’apéro saucisson et pinard à la Goutte d’Or ayant débouché sur un rassemblement Place de l’Étoile et les différentes réactions qu’il a suscité ayant été publiées, on peut enfin tenter un bilan de cette opération médiatique.

- Consternation. C’est évidemment le premier mot qui vient à l’esprit quand on voit la facilité avec laquelle le Bloc Identitaire a su manipuler les media, sous toutes leurs formes, qu’il soit « anciens » – la presse – ou « nouveaux » – Internet. Non pas que nous ayons la moindre illusion sur le professionnalisme d’une bonne partie de la CSP « journaliste » mais nous aurions pu attendre un minimum de curiosité ou de méfiance concernant la drôle de figure de « Sylvie François » avec ses références culturelles d’une autre époque. Dès le 31 mai, nous émettions des doutes sur la réalité de l’initiatrice de l’apéro. Si nous n’attendions pas que notre article soit lu par le Tout-Paris médiatique[1], du moins pouvions nous espérer que les journalistes intéressés par cette affaire poussent un peu plus loin l’enquête que ce que Bruno Larebière et Fabrice Robert voulaient bien leur servir en pâture. Par exemple sur l’impossibilité de rencontrer la dénommée «Sylvie François» ou encore sa présence continuelle en province. En lieu et place, rien. Pas un doute, pas une remise en cause à l’exception du blog d’Abel Mestre et Caroline Monnot qui développait l’idée d’un pseudonyme et de un ou deux papiers à la veille de la manifestation du 18 juin. On ne peut qu’applaudir devant la maestria de Larebière qui à l’évidence connaît bien le milieu professionnel qui est le sien et qu’il a donc pu manipuler à qui mieux mieux. Le Bloc n’aura eu qu’à sortir de son béret une militante sachant s’exprimer dans les media, ce qui n’est pas hors de sa portée. Même si nous ne savons pas qui a endossé ce rôle, certaines pouvaient parfaitement le faire comme Hélène Richard-Saint-André, militante normande, membre de la direction du Bloc, Isabelle Crépin, militante du Nord ou même Suzanne Collas, militante parisienne du Projet Apache et intervenante sur Novopress sous divers pseudonymes. Comme un buzz chasse l’autre, il n’y aura évidemment aucun retour critique de ces journalistes sur leur propre travail et la porte est donc grande ouverte à une nouvelle manipulation[2].

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- Exaspération. C’est évidemment le deuxième mot qui vient à l’esprit quant on voit la façon dont ont été travesties les motivations originelles de « l’apéro » au profit du discours que les Identitaires et leurs idiots utiles « néo-cons » ont voulu diffuser. Soyons clairs et brefs : les militants qui animent le collectif REFLEX sont issus d’un courant politique qui a toujours revendiqué le devoir de blasphème[3]. Les religions, et singulièrement les religions dites monothéistes, sont pour nous des idéologies de la soumission et de la fatalité sociale qui en tant que telles nous consternent. L’Islam, comme orthopraxie, c’est-à-dire comme religion de la Loi qui exige de ses fidèles une religiosité basée sur des rituels exigeants et des interdits pesants, n’échappe donc évidemment pas à la règle[4]. Cependant, pour plagier une boutade célèbre, peut-on tout blasphémer ? La réponse est évidemment oui. On peut porter le blasphème contre n’importe quelle religion… Mais pas avec n’importe qui ! Or « l’apéro » n’était pas un geste de critique anti-religieuse, c’était une opération de communication menée par l’extrême droite, en l’occurrence les Identitaires, pour tester le support Facebook et accroître leur notoriété à peu de frais grâce à l’effet buzz. Cet aspect des choses étant masqué, cela a permis aux Identitaires d’embringuer de pseudo-laïcs comme caution de « gauche » et surtout à certains de développer un discours ahurissant sur la prétendue islamisation du XVIIIe arrdt de Paris dans lequel il ne serait plus possible de trouver un morceau de cochon et un verre de gros rouge qui tache. C’est en particulier le cas des seconds couteaux du discours identitaire, du type Ivan Rioufol ou Eric Zemmour qui ont, à peu de frais, escamoté la nature réelle de la manifestation en la transformant en une simple revendication de respect de la légalité laïque face au débordement de fidèles musulmans le vendredi midi rue Myrha. Quand on sait qu’Eric Zemour a rencontré Guillaume Faye par l’entremise d’Alexandre Del Valle il y a de cela un an et demi, cela en dit évidemment long sur l’épaisseur qui sépare cet excité cathodique des Identitaires. Nous sommes bien face à des individus qui jouent consciemment le rôle d’idiots utiles de l’idéologie identitaire, se croyant plus malins que les dirigeants de ce qu’ils considèrent sans doute comme un groupuscule parmi d’autres. Ils ont été en cela bien épaulés par le crétinisme de certains journalistes, en particulier de France Info insistant sur le fait que l’apéro serait « discriminatoire » car reposant sur une « viande interdite aux juifs et aux musulmans ». Tout était donc fait pour choquer le citoyen lambda peu informé de l’affaire et ne comprenant pas les tenants et aboutissants de la manipulation.

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- Perplexité. C’est évidemment le troisième mot qui vient à l’esprit quand on constate au final les points marqués par le Bloc dans cette affaire. Ce ne sont pas tant les organisations ralliées pour l’occasion qui posent problème – une galaxie de sous-groupuscules souveraino-gaullistes et de « laïcs » autoproclamés dont le nombre de militants n’excède pas une division papale – que la possibilité ainsi acquise de se revendiquer parti de « droite populiste » et de faire oublier le fondement raciste ethno-différencialiste du Bloc. Doit-on le rappeler : les Identitaires sont pour une Europe blanche car, à l’instar de tout le courant volkisch, ils considèrent que le sang porte la culture, ce qui se traduit en termes choisis par « l’identité ethno-culturelle ». Les individus issus de la communauté juive et qui, aveuglés par une haine née de l’autre communauté de la Méditerranée, croient trouver dans les Identitaires de nouveaux alliés auraient quelque raison d’y réfléchir plus de 3 secondes. Les déclarations de Fabrice Robert se revendiquant de la République et de la laïcité – rapportées par ailleurs ici – confirment simplement que le président du Bloc Identitaire est prêt à toutes les contorsions idéologiques pour développer son organisation[5]. Il est en cela bien aidé par les autres courants de l’extrême droite nationaliste dont les attaques aident le Bloc a démontrer sa pseudo-rupture avec ce courant.

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Heureusement, le Bloc est encore loin du compte. Certes la foule était nombreuse vendredi dernier mais sa diversité était très relative, d’Alexandre Gitakos à Odile Bonnivard en passant Edouard Klein, soit une infinité de nuances droitières au final. Il n’y certes pas eu d’incident majeur[6] mais des tensions étaient palpables entre certaines composantes, en particulier de la part de hools dont la référence majeure semble être devenue l’English Defense League, à travers la Ligue 732. Le « grand rassemblement populiste » appelé de ses vœux par les Identitaires n’est donc pas exactement à la veille de se matérialiser. Surtout le raout du 18 juin ne dit rien en lui-même sur la capacité de mobilisation du Bloc à partir de Facebook. Nous persistons en effet à penser que la tenue de l’apéro dans le XVIIIe aurait tourné à la bérézina. La « réunion festive » aurait sans doute réuni infiniment moins de résistants saucissonneurs que les courageux manifestants de la place de l’Étoile et les 50 « apaches » que comptent les Identitaires sur Paris[7] n’auraient pas été capables d’encadrer une telle manifestation à haut risque d’affrontement.
Bref, il va falloir suivre de très près ce qui va suivre ce qui s’identifie finalement à un test.

Au fait, pas la queue de cheval d’une Sylvie François n’était évidemment visible vendredi soir. Étonnant non ?

  1. Nous avons bien trop d’humilité pour cela. Réflexes est un petit site avec 15 000 à 20 000 connections uniques par mois, soit une goutte d’eau dans l’océan de la Toile.[]
  2. La manipulation est décidemment une seconde nature chez les Identitaires comme nous l’évoquions ici.[]
  3. Pour reprendre ironiquement le titre d’un ouvrage de Pierre Gripari, un temps revendiqué par la Nouvelle Droite.[]
  4. Nous n’entrerons pas dans le débat Islam modéré / Islamisme qui est un non-sens conceptuel. Une religion est toujours une totalité dans laquelle certains fidèles pour diverses raisons font un tri et n’appliquent pas tous les principes ou préceptes. Cela n’ôte rien à la nocivité intrinsèque de l’idéologie religieuse.[]
  5. À moins que l’atmosphère de vendredi soir l’ait amené à des déclarations inconsidérées et dépassant sa pensée, ce qui ne serait pas une première comme en témoignent certaines saillies passées. Par ailleurs, il est à noter que l’on peine ainsi de fait à distinguer le discours des Identitaires de celui du FN dans sa version Marine Le Pen sur cette question.[]
  6. Les seuls accrochages sont en effet les algarades initiées par Frédéric Chatillon et Serge Ayoub et déjà rapportées sur le blog d’Abel Mestre et Caroline Monnot, sur lesquelles nous ne nous étendrons donc pas.[]
  7. Il y a bien une section du Bloc en Ile-de-France mais elle restée totalement absente de la mobilisation précédent le 18 juin, tant médiatique que sur le terrain.[]
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