REFLEXes

Editorial

7 décembre 2006 ... Et les autres

Les mois s’écoulent et se ressemblent depuis quelques temps sans que la morosité qui les caractérise ne semble vouloir prendre fin. Cela explique que les éditoriaux de REFLEXes apparaissent calqués d’un numéro sur l’autre. Or, est-il possible de sortir de ce pessimisme ambiant (et justifié…) lorsque l’on constate que même les personnages les plus ridicules de la farce démocratique libérale ne nous font plus rire, même jaune ?

Ainsi en va-t-il de C. Pasqua lorsqu’il pratique un comique de répétition qui n’amuse que lui. Aux crimes sécuritaires de 1986 ont répondu ceux d’avril-mai 1993, à la mise en scène «Black War» et la rafle qui l’avait suivie a répondu la mise en scène «H.B» et la rafle parmi nos camarades de l’APEL et de Quilombo. Seule innovation : E. Schmitt, abattu lors de la prise d’otages de Neuilly… Mais la logique est la même : «Force doit rester à la Loi» dixit un ministre de l’Intérieur badin, satisfait puisque «Tout s’est bien fini : les enfants ont été libérés, l’homme est mort !».

En tout état de cause, tous ces crimes, toutes ces manoeuvres d’intimidation ne font que traduire à l’échelle nationale un renforcement sécuritaire et policier qui est l’un des piliers de la construction européenne. Ainsi les très médiatiques tirs à balles réelles par la police sur des manifestants au Danemark (11 blessés graves) ou lâchers de chiens d’attaque aux Pays-Bas (35 blessés graves) ne font-ils que masquer des évolutions plus profondes et significatives. C’est le cas du principe de libre circulation des personnes qui, dans le traité de Schengen, était censé non seulement équilibrer les mesures de renforcement policier, mais surtout servir de gage progressiste pour le dit traité. L’annonce par M. Lamassoure, ci-devant ministre chargé des Affaires européennes, que cette clause de libre circulation était suspendue jusqu’à nouvel ordre signifie que désormais la seule lecture possible du traité sera sur-répressive ; la forteresse Europe que nous dénonçons depuis des années n’est plus un fantasme : les policiers en ont rêvé, les politiciens l’ont faite… Première catégorie touchée : les populations immigrées d’origines extra-européenne qui, aussi bien en Allemagne qu’en France profitent dans leur vie de tous les jours des bienfaits de l’harmonisation des législations : droit d’asile, regroupement familial, droits sociaux… (Il n’y a pas que la forme des concombres ou la chasse à la palombe qui sont touchées par ce phénomène !). Toutes ces mesures n’ont finalement qu’un seul objectif : faire avaler aux populations autochtones la vaste offensive antisociale dont l’aspect le plus spectaculaire est la suppression du salaire minimum préconisée par l’OCDE à l’échelle européenne…

De fait, à partir de tous ces éléments, notre réflexion ne saurait échapper à cet aspect répétitif : poussée de fièvre fasciste, climat sécuritaire, citoyenneté… Citoyenneté, climat sécuritaire, poussée de fièvre fasciste. Il nous faut concilier urgence et long terme. Ainsi citoyenneté et nationalité, en rejoignant le thème de l’identité, entrent-ils dans ce type de démarche. L’émergence du principe de la nationalité au siècle dernier qui culmine avec la loi de 1889, s’est faite à partir de la notion non d’identité, mais d’intérêt, en particulier économique et social, aussi bien pour les Français de souche que pour l’État. Or un siècle plus tard, on observe un mouvement similaire : les politiciens tentent de préserver l’unité du tissu social sur le dos des populations immigrées, la préférence nationale revendiquée ou sournoise remplaçant ainsi une véritable réflexion sur les problèmes d’identité française ou étrangère, sur qu’est-ce qu’être français lorsqu’il est clair qu’il existe un gouffre entre un urbain et un rural, français tous les deux, au regard des références communes unissant deux urbains, français et étranger.
Or, il se pose un problème de public susceptible d’être touché par ces thèmes. On assiste à une situation d’hégémonie culturelle des valeurs libérales (économie) et autoritaires (politique) dans la société civile, hégémonie relayée par l’État. Les 60 % d’étudiants envisageant les prochaines années comme un avenir radieux en est un signe on ne peut plus manifeste !

Tous ces problèmes doivent nous stimuler… Comme on disait à une époque : « Ce n’est qu’un combat, continuons le début ! »

Mis en ligne le 7 décembre 2006

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