REFLEXes

EXPO Antifascistiskt nyhetsbald

26 février 2003 International, Les radicaux

Nouvelle collaboration au livret Europe de REFLEXes, la chronique d’un journal antifasciste suédois, EXPO.
Aux élections de 1994, le Sveridgedemokraterna (SD)[1] a obtenu à peu près 14 000 voix, soit 0,25% des suffrages. Le parti populiste Ny Demokrati (NyD)[2] a disparu du Parlement, obtenant 70 000 voix, soit 1,23% des suffrages. Avec quelques autres groupes, les partis racistes de Suède ont obtenu environ 100 000 voix (1,74%).

Sveridgedemokraterna (SD)

À l’exception du SD qui a triplé ses voix depuis 1991 et qui est passé de deux à cinq élus aux élections municipales, la plupart de ces partis ont chuté. Le SD fait suite au Bevara Sveridge Svenkst (BSS)[3] et au Sveridgepartiet (SvP)[4], et représente le fascisme parlementaire suédois depuis 1988. Avec environ 5000 membres selon leurs propres sources (vraisemblablement plutôt un millier), et peut-être quarante groupes locaux, le parti a obtenu 1100 voix en 1988 et 4900 en 1991, remportant ainsi leurs deux premiers sièges municipaux. Jusqu’au mois de mars de cette année, le SD était dirigé par Anders Klarström, originaire de Göteborg et ancien bonehead, qui a été membre du Nordiska Rikspartiet (NRP)[5], un parti ouvertement nazi. Il a été remplacé au 7e congrès du parti, qui s’est tenu au mois de mars de cette année à Örebro, par Mikael Jansson, un ancien membre du Centerpartiet[6], principal mouvement de droite suédois. Le passé «normal» du dirigeant nouvellement élu aura probablement une influence sur la popularité du parti auprès des groupes néo-nazis. Le SD a toujours eu comme modèle le Front national, mais Klarström n’est jamais parvenu à «effacer» de manière crédible l’empreinte nazie de son parti. En tout cas, pas durant les manifestations et les meetings du SD où la présence nazie a été très frappante, en particulier la présence bonehead. Le SD a son quartier général à Stockholm et il publie irrégulièrement le SD-Kuriren[7] et le SD-Bulletinen[8] à peu près chaque mois. Les détournements de fonds de Klarström et une campagne électorale onéreuse ont poussé le parti à réduire ses activités.
Le SD a organisé le 29 avril sa cinquième marche d’Engelbrekt (d’après un héros du folklore suédois du Moyen-Âge, Engelbrekt Engelbrektsson) qui a réunit 250 participants à Stockholm, ce qui est beaucoup moins que l’année précédente où le parti avait pu rassembler environ 400 personnes. Le 6 mai, le SD a tenu un meeting dans la petite ville de Borlänge, qui a réunit 40 personnes dont la moitié venait d’autres villes. Le jour de la fête nationale, le 6 juin, le SD voulait organiser un meeting à Stockholm et dans d’autres villes. Pour cet automne, le parti prévoit une campagne de sensibilisation autour de son nouveau dirigeant.

Le mouvement skinhead néo-nazi

Le mouvement bonehead réussit actuellement à se développer par le biais de la musique, appelée «vikingarock»[9]. Les braquages de banque et les vols d’armes du Vitt Ariskt Motstånd (VAM)[10] des années 1991-1992 ont depuis 1993 été remplacés par des concerts de rock «white power» qui réunissent des centaines de participants. Le mouvement néo-nazi suédois vit du succès atteint par le groupe de musique skinhead Ultima Thule depuis le printemps 1993 (plus de 200 000 disques vendus et entrée aux hit-parades du pays). Les membres d’Ultima Thule n’ont jamais proclamé être des néo-nazis, mais ils ont été le fer de lance du mouvement bonehead suédois et du SD. Tout cela grâce au financement de Bert Karlsson, l’un des dirigeants du NyD, et au soutien moral d’un homme appelé Anders Carlberg, un puissant social-démocrate de Stockholm qui travaille sur les projets de la jeunesse skinhead. Ultima Thule a créé une vaste mode skinhead en popularisant le crâne rasé et le drapeau suédois. Le résultat de la percée incroyable de ce groupe : des milliers de boneheads dans le pays, des bandes de crânes rasés dans chaque ville et un mouvement néo-nazi grandissant.

En 1993, la plupart des actions et manifestations violentes ont cessé, remplacées par des concerts mensuels ; le meilleur exemple étant le concert qui a eu lieu le 30 avril 1994 dans Sollebrunn à Alingsås, et qui a peut-être réuni 600 participants. Il y a aujourd’hui quatre maisons de disques rien que pour la musique néo-nazie, et de nombreuses chaînes de distribution, certaines suffisamment riches pour avoir de la publicité dans les grands quotidiens du soir. Les concerts sont organisés par une nouvelle génération plus jeune et plus idéologique, le meilleur exemple étant Donald Hansson à Göteborg. Ce «mouvement musical» rapporte des milliers de couronnes et occupe des centaines de personnes à travers tout le pays. L’organisation politique de cette sous-culture est le Riksfronten[11], qui possède des groupes locaux comme le Nationalsocialistisk Front[12] de Karlskrona et le Västra Aros SA de Västerås. Le Riksfronten a été créé en 1990 en tant que Foreningen Sveriges Framtid[13], et a été réorganisé en 1994 par Torulf Magnusson et plus tard par Jonas Ledin. Le Riksfronten doit avoir environ un millier de membres et sympathisants.

Les actions violentes ont continué mais de façon moins organisée. Elles y impliquent ceux que l’on appelle les «bébés skins», c’est-à-dire de jeunes boneheads âgés de 11 à 16 ans qui sont pires que leurs aînés et surtout plus brutaux. Le jour de la Saint-Sylvestre, un «bébé skin» de 16 ans a été tué au Fryshuset, fréquenté par les boneheads à Stockholm et appartenant à Carlberg.

Un autre «bébé skin» a été entendu au sujet de ce meurtre extrêmement brutal (l’une des deux mains de la victime avait été arrachée), et tout laisse à penser qu’il s’agit d’une histoire intrinsèque à cette violente culture de la jeunesse. Ce meurtre, un concert le 2 février et les nombreuses innocentes victimes d’actes violents ont conduit à un débat sur Carlberg et ses skinheads, ainsi que sur l’inquiétante situation de Stockholm où les contribuables doivent payer pour l’alcool des skinheads (Carlberg vend de l’alcool aux boneheads) et pour les cours militaires (il existe une coopération entre le Fryshuset, Carlberg et les militaires suédois !) donnés aux skinheads. Le 11 mars, Mitri Lehto, un bonehead du Västra Aros SA, a tué un joueur de hockey sur glace homosexuel, Peter Karlsson, à Västerås. La cour l’a condamné à huit ans de prison et, pour ce qui est des poursuites judiciaires, Lehto se préoccupe seulement de ses propres affaires depuis qu’il est en prison ; car elles ne doivent surtout pas tomber entre les mains d’immigrés ! Le même mois, le meurtre d’un homosexuel assyrien datant de 1991 a été résolu et trois néo-nazis ont été appréhendés par la police à Uddevalla. La violence des boneheads est très étendue et souvent mortelle en Suède : juste pour Stockolm, 107 actes de violence ont été commis par des boneheads entre septembre 1994 et mai 1995. De plus, les attaques d’habitations d’immigrés se sont transformées en affrontements entre bandes de boneheads et d’immigrés dans les rues.

Les sociaux-démocrates ont repris le pouvoir aux élections de 1994 après trois années d’un gouvernement bourgeois très impopulaire. Leif «Bloomman» Blomberg[14] est devenu le nouveau ministre de l’immigration en récupérant les voix du NyD grâce à sa rhétorique agressive. Les anciens partis populistes suédois tels que le Framstegspartiet[15] et les Centrumdemokraterna[16] sont encore puissants au niveau local dans le sud de la Suède. Un nouveau phénomène est apparu en Suède, qui se caractérise par un glissement à droite et par l’apparition d’un réseau raciste intellectuel appelé Fri Information[17]. Les représentants de la haute société suédoise se rencontrent, et de leur réunion ressort un mélange d’hostilité envers les immigrés, de peur d’une société multiculturelle, d’antisémitisme et de crypto-nazisme. Fri Information a commencé en 1992 comme journal : il circulait parmi des personnes des Moderaterna[18], le principal parti conservateur. Il est devenu aujourd’hui une organisation indépendante qui influence la politique suédoise de l’immigration sous le règne de «Bloomman».
En résumé, le mouvement antifasciste suédois doit faire face à une culture de la jeunesse néo-nazie grandissante et à un mouvement vers la droite de l’establishment politique. L’extrême droite parlementaire n’est plus nécessaire, et la guerre raciale du VAM a été remplacée par des concerts.

Paru dans REFLEXes N°47, oct./nov. 1995

  1. Démocrates suédois.[]
  2. Nouvelle Démocratie.[]
  3. Garder la Suède suédoise.[]
  4. Parti suédois.[]
  5. Parti national nordique.[]
  6. Parti du Centre.[]
  7. Le Courrier du SD.[]
  8. Le Bulletin du SD (interne).[]
  9. Rock viking.[]
  10. Résistance aryenne blanche.[]
  11. Front national.[]
  12. Front national-socialiste.[]
  13. Société de l’Avenir de la Suède.[]
  14. Surnommé «la fleur».[]
  15. Parti du Progrès.[]
  16. Démocrates du Centre.[]
  17. Information libre.[]
  18. Modérés.[]
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