REFLEXes

Facho must go on !

4 octobre 2005 International, Les radicaux

La comédie autrichienne continue…

Les dernières élections qui ont eu lieu en Autriche, les élections régionales, ont révélé ce que d’autres élections, depuis les succès électoraux qui ont porté le FPÖ au pouvoir en 1999, avaient déjà annoncé : une usure précoce du parti d’extrême droite par le pouvoir. Dans la région de Haute-Autriche, au Tyrol et plus récemment à Salzbourg, le FPÖ a ainsi perdu plus de 10% par rapport aux dernières élections, se retrouvant avec des scores tournant autour de 8%. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir employé toutes les méthodes possibles et imaginables : en Haute-Autriche, certains électeurs ont ainsi eu la surprise de se voir proposer 20 euros pour assister à une réunion électorale du FPÖ… mais rien n’y fit : l’ÖVP a remporté dans ces deux régions la majorité absolue et le FPÖ a été supplanté à la deuxième place par le SPÖ ou par les Verts. Malgré tout, le FPÖ a remporté un succès électoral inattendu en Carinthie, où il reste le premier parti et devance les conservateurs de l’ÖVP (42,5% pour le FPÖ contre 11,6% pour l’ÖVP). Jörg Haider projette donc une coalition avec le SPÖ (qui n’a pas l’air de vouloir faire la fine bouche et sera certainement reconduit dans ses fonctions de ministre-président de la région le 1er avril prochain.
Quant à Haider, depuis qu’il a décidé de ne plus être « qu’un militant de base du FPÖ » , la valse-hésitation à la tête du FPÖ se poursuit : Susanne Riess-Passer, l’ex-vice-chancelière, est définitivement hors concours, et Herbert Haupt, le nouveau vice-chancelier et chef du parti (et accessoirement ministre des Affaires sociales), est assis sur un siège éjectable dont les commandes sont aux mains de Haider.
Tant et si bien qu’il devient difficile de savoir qui est responsable de quoi au sein du FPÖ, Haupt ayant quitté en novembre 2003 ses fonctions de vice-chancelier pour être remplacé par Hubert Gorbach, également ministre des Transports ; il a malgré tout conservé la direction du parti, non sans s’être vu adjoindre une collaboratrice de choix… Ursula Haubner, la propre sœur de Haider.

Haider par ci, Haider par là
En mars 2003, Haider a commencé à opérer un retour sur le devant de la scène politique nationale, « à l’appel du vice-chancelier Haupt », encore en fonctions à l’époque. Il a donc réintégré la coalition FPÖ-ÖVP. De là à ce que Haupt le supplie de le décharger de ses fonctions de président du FPÖ pour que Haider reprenne les rênes du troupeau… Le dernier bon mot de Haider à ce sujet n’est autre que la citation d’un poème nazi dont l’auteur était membre du NSDAP et de la SA : « Lorsque l’un de nous est fatigué, alors un autre se lève et veille pour lui. »
Finalement, il s’est avéré que Haupt était plus attaché qu’il n’y paraissait à ses fonctions de dirigeant du FPÖ : il a été jusqu’à grenouiller pour être maintenu dans ses fonctions en profitant de l’absence d’un bon nombre de proches de Haider, et ce jusqu’au prochain congrès du parti qui a eu lieu au début de l’année 2004. D’après Haider, il s’agit là d’une « faute grave » qui l’a poussé à annoncer son intention de se réimpliquer dans les affaires du FPÖ au niveau national. Il a ainsi déclaré en septembre 2003 être à la disposition du parti pour reprendre ses fonctions de dirigeant au niveau national, tout en restant ministre-président de Carinthie , devant la satisfaction de ses administrés.
Depuis novembre 2003 donc, Haupt a cédé devant les critiques que Haider envoyait de Carinthie au gouvernement de coalition FPÖ-ÖVP : il n’est plus vice-chancelier et a été remplacé dans ces fonctions par Hubert Gorbach, le ministre des Transports. Il reste malgré tout ministre des Affaires sociales et chef du parti au niveau national, assisté de la sœur de Haider, Ursula Haubner. Au sujet du changement intervenu au sein du gouvernement, Haider ne s’est pas privé de l’annoncer aux médias avant même que Haupt ou le chancelier Schüssel lui-même aient fait une quelconque déclaration à ce sujet.
Quant à Gorbach, on ne sait pas encore à quelle sauce Haider compte le manger : une chose est sûre, c’est Haider qui est chargé des négociations au sujet de la réforme des impôts, ce qui va lui donner l’occasion de renouer avec Karl-Heinz Grasser, son ancien disciple aux dents longues, qui a quitté le FPÖ au début de l’année 2003.

Nouvelles de l’extrême droite radicale autrichienne
Pendant ce temps-là, l’extrême droite radicale autrichienne prospère : que ce soit au sein du gouvernement en lui-même ou bien à l’occasion de fêtes où des jonctions entre membres du FPÖ (gouvernementaux ou pas) et néo-nazis se font ou encore lorsque certains néo-nazis négationnistes et violents cherchent protection auprès des cadres du FPÖ, les liens existant entre les deux composantes de l’extrême droite autrichienne sont chaque jour un peu plus évidents.
Ainsi, un certain M. Sailer, nommé au secrétariat du directeur de cabinet au ministère des Transports a été promu en mai 2003 à la direction des Transports de proximité, sans que son appartenance passée (mais relativement récente) à l’Aktion Neue Rechte (ANR), interdite dans les années 1990 parce qu’elle mettait en avant les idées nazies, pose aucun problème ; de même, ses déclarations plus récentes au sujet du ministre de l’intérieur Strasser (connu pour sa politique très dure à l’égard des immigrés et des demandeurs d’asile), qui aurait selon lui été « vendu à la gauche » du fait de sa « politique très laxisteà l’égard des demandeurs d’asile », et au sujet du chancelier Schüssel qui « se serait incliné devant les potentats de la côte orientale » (= Juifs dans le lexique FPÖ) n’ont choqué personne visiblement.
En octobre 2003, on a pu noter, en plus des participants habituels au « Jour de la Patrie », qu’organise tous les ans la Sudetendeutsche Landsmannschaft Österreichs (SLÖ : regroupement d’Allemands des Sudètes qui vivent en Autriche), la présence de Herbert Haupt, qui était alors encore vice-chancelier et chef du FPÖ : emballé par l’atmosphère, il a promis aux « Vertriebene » (ceux qui ont été chassés de leur terre natale) un soutien financier plus important, alors que l’année dernière déjà, un fonds de 7,3 millions d’euros avait été accordé à la SLÖ pour financer toutes sortes de projets revanchistes. Le 20 octobre 2003, le FPÖ et la SLÖ ont organisé conjointement dans les locaux du Parlement une heure en mémoire de la contribution apportée par les Allemands des Sudètes à la création de la République autrichienne : les orateurs conviés à cette festivité appartenaient au FPÖ (Herbert Scheibner, chef du groupe parlementaire FPÖ) et à la SLÖ, mais aussi à la « Maison de la Patrie » où se trouve le centre de documentation et d’archives de la SLÖ : il s’agissait d’un certain Horst J. Mück, qui a l’habitude d’intervenir dans les réunions d’organisations néo-nazies comme l’AFP (Arbeitsgemeinschaft für demokratische Politik, Groupe de travail pour une politique démocratique), qui, au niveau international, invite régulièrement les huiles du Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD) ou des Republikaner (REPs) allemands.
Témoin cette réunion germano-autrichienne organisée entre les 17 et 19 octobre 2003 en Styrie, à laquelle participèrent entre autres intervenants de marque, un cadre des Republikaner allemands, Mathias Bath et Holger Apfel (vice-président du NPD et rédacteur en chef de l’organe du parti, Deutsche Stimme, La Voix allemande), venu s’exprimer sur le thème de l’identité nationale et l’opposition à l’élargissement de l’UE en général et à l’adhésion de la Turquie en particulier,. D’autres participants, autrichiens ceux-là, étaient proches du FPÖ, de par leurs fonctions, comme Leo Gans qui fut un temps conseiller culturel du FPÖ.
Après avoir fort opportunément « disparu » pendant plus de dix ans, Wilhelm Christian Anderle, un néo-nazi du Burgenland, a fait sa réapparition il y a peu : considéré comme la tête pensante de la profanation d’un cimetière juif en 1992 (plus de 80 tombes graffitées de croix gammées et autres slogans néo-nazis), revendiquée par une lettre qui se terminait par « Heil Haider ! » et qui parlait de la confiance que la « Rassischsozialistische Arische Wiederstandsbewegung » plaçait dans le FPÖ, il avait pu bénéficier de la protection de l’actuel ministre FPÖ des Sports, Karl Schweitzer, car il faisait partie du Ring Freiheitlicher Jugend (RFJ, Cercle de la Jeunesse libérale) et avait déjà été candidat FPÖ aux élections municipales dans sa région. Depuis, Anderle a avoué les faits ; il a passé les dix dernières années en Afrique du Sud, d’où il a animé un site internet d’extrême droite. On ne sait pas encore s’il va endosser la responsabilité des faits perpétrés en 1992 ; en tout cas, il n’a pas été placé en détention préventive par les autorités autrichiennes .

Le FPÖ ment et manipule…
Pendant ce temps, le FPÖ continue son petit bonhomme de chemin, au gouvernement comme en campagne, sans s’embarrasser beaucoup de vérité. Le meilleur exemple est la campagne anti-étrangers pour laquelle le parti a prévu de sortir tout un lot d’affiches à placarder dans les rues autrichiennes : il s’agit d’affiches qui montreront des immigrés qui ont acquis la nationalité autrichienne et se prononcent contre le droit de vote pour ceux et celles qui ne sont pas Autrichiens. Parmi ces derniers, on trouve Cetin Babayigit, qui, sous le nom de Kenan, se fait le porte parole de la propagande du FPÖ. Or, Babayigit assure qu’il n’a jamais donné son accord pour participer à une telle campagne, d’autant qu’il est personnellement pour le droit de vote des étrangers. L’agence de publicité lui aurait dit qu’il s’agissait d’une action de la communauté pour les droits des immigrés ; ce n’est que lorsque les affiches ont été tirées qu’il a pu se rendre compte à quoi allait servir son portrait.
Depuis, Babayigit a essayé, par le biais de son avocat, de rectifier le tir ; seul résultat : le FPÖ lui a proposé 2000 euros « en échange de son silence », ce qu’il a bien sûr refusé. Pour autant, il ne pourra se permettre financièrement de porter plainte contre le FPÖ, parce qu’il n’a pas d’assurance juridique et qu’un procès contre le FPÖ le mettrait financièrement trop en danger. Voilà qui arrange bien le FPÖ…
En Autriche aussi, les politiques commencent à préparer les élections régionales qui auront lieu en mars 2004 : et il se pourrait bien que pour Haider en Carinthie, il s’agisse d’une échéance d’importance, susceptible d’aplanir (en cas de succès du FPÖ) ou d’accuser (en cas de défaite du FPÖ) les difficultés de la coalition gouvernementale ÖVP-FPÖ (deuxième édition) qui dirige l’Autriche. Dans le deuxième cas, la défaite possible de Haider, aussi bien le FPÖ que les conservateurs de l’ÖVP se retrouveraient dans une situation difficile.
C’est ainsi qu’ont eu lieu des discussions préliminaires secrètes (et démenties vigoureusement des deux côtés) au sujet de l’élection du ministre-président de Carinthie : le pacte secret conclu entre les deux formations donnerait à Haider le poste de ministre-président, même si le parti de ce dernier n’arrivait pas en tête aux élections régionales, ce qui semble bien se profiler pour l’instant. En échange, Haider devrait porter la politique de la coalition gouvernementale dans sa région, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent, trop content qu’il était de fustiger la coalition gouvernementale du fond de sa Carinthie.
Bien entendu, les deux partis ont opposé un démenti formel à ces informations, même si Haider a confirmé dans une interview que l’ÖVP avait bien tenté quelques avancées en ce sens que lui, bien sûr, avait catégoriquement refusé. Il reste qu’une défaite électorale du FPÖ le 7 mars 2004 pourrait bien entraîner toute la coalition ÖVP-FPÖ à sa suite, ce qui, pour le parti du chancelier Schüssel, serait une raison suffisante pour donner un coup de pouce à son partenaire…

Quelques propos et propositions saugrenus
À côté de ces histoires politiciennes somme toute assez banales, on se laisse prendre, à la lecture de la presse autrichienne, à la joie de lire quelles propositions excentriques peuvent germer dans les esprits malades des différents acteurs de la coalition gouvernementale autrichienne (car l’ÖVP est loin d’être en reste).
Ainsi, à la fin de l’été, le ministre de l’économie, Martin Bartenstein (ÖVP) a proposé de mettre en place un suffrage familial, qui donnerait aux parents une voix supplémentaire par enfant. Bartenstein, qui a été ministre de la famille, espère bien emporter l’accord des autres partis élus au Parlement : les seuls à s’être déjà distingués par leur assentiment sont bien entendu les élus du FPÖ .
Toujours dans le même ordre d’idées, l’ÖVP justifie la différence qui continue d’exister au regard de la loi autrichienne entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels par le fait que les relations susceptibles d’aboutir à la naissance d’enfants ont davantage besoin de promotion et d’aide financière. L’ÖVP se place ainsi dans la lignée du message que délivre le Vatican, selon lequel le « mariage est sacré tandis que les relations homosexuelles enfreignent les lois morales » .
Les politiciens autrichiens, et cette fois-ci le FPÖ met son grain de sel, débattent à l’envi des problèmes que pose le taux, trop faible, de fécondité en Autriche. La ministre de l’éducation, Elisabeth Gehrer (ÖVP) s’interroge sur le sens de la vie des jeunes Autrichiens : « Pour moi, la génération précédente a rempli son devoir envers les autres générations : elle a pris soin de ses parents et elle a eu des enfants. Les enfants sont la meilleure assurance par rapport à l’avenir, et il faut parler de cela aujourd’hui. [...] Qu’est-ce qui donne un sens à la vie ? Quand même pas l’ivresse qui fait courir les jeunes de soirée en soirée ? » Et chacun d’y aller de son petit laïus sur les valeurs à défendre, certains faisant même preuve, à leur corps défendant, d’un certain sens de l’humour. Témoin Johann Gudenus, le président du Ring Freiheitlicher Jugend, qui a proposé de lever un impôt sur les contraceptifs afin de relever les taux de naissance : il semblerait qu’il n’ait pas rencontré l’assentiment de beaucoup au sein de sa propre organisation.
Côté antisémitisme, l’Autriche est toujours à la pointe, y compris en ce qui concerne les propositions saugrenues émanant des négationnistes les plus inattendus. Cette fois-ci, il s’agit d’un certain Ronnie Seunig, propriétaire d’un duty free qui s’appelle « Excalibur City » : Seunig, qui voue une admiration sans bornes à Hitler, a déclaré vouloir construire un parc à thèmes dans son centre de duty free, qui aurait pour nom le « pays des mensonges » : c’est ce qu’il a déclaré aux journalistes de la revue trend, après leur avoir exposé ses théories historiques au sujet de celui qui est pour lui une des plus grandes figures de l’Histoire, Hitler, « parce qu’il a changé tellement de choses. » Pour lui, ce qu’on raconte sur Hitler n’est que « propagande et exagération », car un homme qui a rencontré une adhésion aussi massive ne peut pas avoir été entièrement mauvais. Et d’ailleurs, le IIIe Reich n’aurait pas été si mauvais, selon lui, en terme de politique de l’emploi. Voilà qui rappelle étrangement un des dérapages contrôlés de Haider il y a quelques années …
Les autorités autrichiennes ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de racisme : ainsi, l’actuel ministre de l’Intérieur, Strasser (ÖVP), n’a pas hésité à se servir d’arguments racistes pour justifier la brutalité des descentes de police qui ont eu lieu dans le camp de réfugiés de Traiskirchen. En effet, pour répondre à une lettre de protestation solennelle envoyée par un organisme indépendant, Strasser balaie les reproches faits aux forces de police qui ont purement et simplement maltraité les réfugiés en refusant par exemple de leur donner à boire, en argumentant comme suit : étant donné que les réfugiés hébergés à Traiskirchen « étaient tous, sans exception, originaires de pays d’Afrique où il fait très chaud et devaient, de ce fait, n’avoir ressenti que très faiblement le besoin de se désaltérer », ils n’ont « pas osé boire. »
Accusé de racisme après que cette réponse au courrier de protestation a été rendue publique, le ministre s’est défendu en disant qu’il n’en était pas l’auteur. Quoiqu’il en soit, ce genre de théorie raciste semble être de celles qui ont cours au ministère de l’Intérieur autrichien .

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