REFLEXes

Marine Le Pen fait le ménage au FN ?

Vendredi 25 mars une photo circule de rédaction en rédaction, montrant Alexandre Gabriac, candidat FN aux élections cantonales, en train de faire le salut hitlérien derrière un drapeau nazi. A peine contactés par les journalistes, Steeve Briois, Louis Aliot et Marine Le Pen, pourtant d’habitude si prompts à défendre les militants frontistes, condamnent immédiatement le candidat et annoncent sa suspension. Jusque là tout paraît simple : Marine Le Pen, comme les média aiment à nous le répéter, n’est pas aussi extrémiste que son père. Elle ne tolère plus aucun dérapage dans son parti et n’hésite plus à faire le ménage. Mais en y regardant de plus près, cette histoire, qui sent l’opération manipulation à plein nez, laisse à penser que Marine Le Pen a décidé de faire la chasse aux membres de l’Œuvre Française infiltrés au FN. Une très bonne opération pour la fille Le Pen qui affaiblit en interne Bruno Gollnisch, très entouré par les membres de l’OF, et qui se débarrasse dans le même temps de certains militants qui, potentiellement, pourraient venir ternir l’image lisse qu’elle tente de se construire pour la future campagne des présidentielles de 2012. Si Marine le Pen et Louis Aliot ont pu berner certains journalistes en leur faisant croire qu’ils n’étaient pas au courant des orientations du jeune Grenoblois, pour toute personne suivant un peu le Front National depuis plusieurs années, les options politiques d’Alexandre Gabriac ne sont pas mystérieuses. Acteur majeur d’un FN grenoblois historiquement très radical[1] (on y retrouvait des anciens du SAC dans les années 1980 puis des nationalistes révolutionnaires dans les années 1990), Alexandre Gabriac est un pur produit du FN des années Jean-Marie Le Pen en comparaison de militants plus présentables comme David Racheline ou Julien Sanchez, mis en avant par Marine Le Pen.

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A. Gabriac (lunettes noires) et C. Georgy derrière lui (avec son gilet jaune et son Talkie-Walkie de S.O.)

Alexandre Gabriac n’est pas un obscur candidat frontiste. Adhérent au FN depuis 2007, encarté à l’Œuvre Française (on peut le voir faire le service d’ordre de ce groupuscule le 9 mai 2010 à Paris au côté d’Yvan Benedetti et Christophe Georgy ou participer à des initiatives liées au groupuscule de Pierre Sidos), c’est le plus jeune conseiller régional de France.
Secrétaire Départemental FNJ de l’Isère et secrétaire régional FNJ Rhône-Alpes, il a également été élu au comité central du FN lors du congrès de Tours du FN en 2011. Alexandre s’est également construit une réputation de petite frappe en n’hésitant pas à faire le coup de poing dans les facs grenobloises ou lors de contre-manifestations anti-homosexuels. Il fut également entendu dans une obscure affaire de vol d’armes commis par des sympathisants d’extrême droite qui se solda par la mort d’un gendarme en 2007.

Le site Contre-info, « agence de presse indépendante » directement liée au Renouveau Français (à l’instar de Novopress et des Identitaires dont C-I est une pâle copie) et proche de l’Œuvre Française, a bien tenté dans la nuit de samedi à dimanche de démontrer, montages à l’appui, que les photos du Nouvel Obs étaient des faux, mais sans convaincre. On attend avec impatience leurs prochaines explications quand à la présence au côté d’A. Gabriac sur la photo publié par le site « infonacional.com » et illustrant l’article « Les bonnes œuvres de Bruno », de Jérôme Guigue. Lui aussi militant de l’Œuvre Française, il a rejoint le FN en 2006 et devient le responsable DPS pour la région Rhône-Alpes. Il sera candidat (malheureux) au Comité Central du Front en janvier dernier lors du Congrès de Tours et soutiendra la candidature de B. Gollnisch à la présidence du FN.

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Présentation officielle de J. Guigue pour sa candidature au Comité Central du FN lors du Congrès de Tours de janvier dernier

La chasse aux sorcières des adeptes de l’Eglise de Sidologie[2]

Au delà des déclarations à l’attention des médias dans lesquelles Marine Le Pen rejette la radicalité de certains groupuscules comme l’OF, la présidente du FN fait d’une pierre deux coups. Elle apparaît comme plus présentable et règle ses comptes en se débarrassant d’individus sur lesquels elle n’avait aucune prise et qui avaient soutenu son concurrent.
La présence dans les rangs du FN de militants de l’OF inquiète de plus en plus la nouvelle direction frontiste (mais la réciproque est tout aussi vrai) qui semble craindre les débordements et les activités de ces militants un peu particuliers. Ce n’est pas pour rien qu’Yvan Benedetti, président de Jeune Nation (avatar lyonnais de l’OF et successeur désigné de son chef Pierre Sidos), numéro deux de Bruno Gollnisch lors de sa campagne pour l’élection à la tête du FN, fut traduit devant la commission de discipline du parti pour cause de double appartenance au Front national et à l’Œuvre française. Une vaste blague quand on sait que l’OF avait la main mise sur le FN Lyonnais et que Benedetti avait déjà été candidat pour le FN par le passé. Histoire de bien faire passer le message par voie de presse, Steeve Briois n’hésitera pas à parler d’entrisme en évoquant L’Œuvre Française, rappelant qu’il n’y avait pas de place pour des personnes qui « … seraient tentés de venir au Front national pour faire de l’entrisme, et je pense à l’Œuvre française ».

Un avertissement répété par Marine Le Pen sur les ondes de 90 FM – Israël[3] où elle a clairement accusé l’Œuvre Française d’avoir fait adhérer certains de ses militants pour influencer le vote lors du Congrès de Tour et tenter de prendre le contrôle du parti.

Au passage elle en a profité pour se désolidariser de Christian Bouchet, pourtant fervent supporter de Marine Le Pen, en affirmant qu’elle ne l’avait croisé qu’à deux reprises et qu’elle était fatiguée que le FN soit victime d’un certain nombre de personnes s’amusant à nourrir la suspicion d’antisémitisme au sujet du Front National.

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Marine Le Pen en cie de Christian Bouchet et Brigitte Neveux

Marine Le Pen en cie de Christian Bouchet et Brigitte Neveux

Christian Bouchet qui était récemment au centre de tous les intérêts dans une interview de Rémi Boyer dans la revue occultiste HISTORIA OCCULTAE[4] et pour qui cette déclaration sent le sapin, puisqu’il avait déjà été la cible de nombreuses attaques durant la campagne pour le Congrès de Tour par les milieux catholiques.

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Mais ces déclarations peuvent également sonner comme un signal d’alarme pour un autre trublion mariniste, Thierry Maillard responsable FN à Reims. Cet ancien de l’Œuvre Française n’est pas vraiment dans la ligne officielle du parti version Marine avec ses hommages appuyés à Jacques Doriot, François Duprat ou Saddam Hussein. Il aura marqué les esprits en détournant, avec son « Réseau France Nationaliste », l’affiche du FNJ « Ici c’est chez nous », changeant profondément le sens et la cible de ce message sans appel et un brin menaçant.

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Pourtant l’homme n’a pas ménagé ses efforts pour se faire bien voir de la nouvelle présidente, puisqu’il a attaqué Yvan Benedetti en décembre 2010. Mais il y a fort à parier que ses débordements lors des manifestations officielles du FN et ses cortèges de boneheads ne vont pas cadrer avec la nouvelle image que Marine souhaite donner à son parti.

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Paris, le 22 septembre 2007, manif contre le traité européen à l’appel du Collectif France Indépendante et à laquelle participera le Réseau Nationaliste mais aussi le F.N., l’Action Française…


On pourrait à vrai dire multiplier les exemples de ce type au risque de lasser. Pour finir en beauté, on n’a pas entendu Marine Le Pen s’exprimer sur un autre cas, tout aussi amusant, d’un militant FN occupant son temps libre à grenouiller dans des milieux folkloriques. On veut bien sûr parler de Pierre-Olivier Sabalot, directeur de campagne du secrétaire départemental du FN Laurent Comas à Marseille. Ce garçon, qui signe généralement ses articles sous le pseudo de Klaas Malan, est un ancien collaborateur de la revue Réfléchir & Agir ainsi que de la revue belge Devenir, et s’est distingué à plusieurs reprises. En 2004, un jardinier municipal à Marseille déterre un sac dans un parc. Jetant un œil pour vérifier son contenu, il juge plus prudent de le confier aux services de police qui découvrent une kalachnikov, un bidon de chlorate de soude, des revues sur les explosifs. Les flics n’ont pas à chercher bien longtemps pour découvrir le nom de son propriétaire, ce dernier ayant oublié d’effacer son nom sur le sac.
Pierre-Olivier Sabalot a logiquement droit à une perquisition à son domicile où la police aurait mis la main sur un disque dur comportant des images à caractère pédophile. À son procès, Sabalot avouera qu’il s’agissait bien de son sac et qu’il l’avait enterré en apprenant qu’une vague de perquisitions touchait le milieu bonehead[5], milieu qu’il fréquentait assidûment puisqu’il leur organisait les solstices. Malgré des explications scabreuses, par exemple sur la détention d’explosifs[6], Sabalot sera condamné à 2 ans fermes[7]. A sa sortie de prison, il écrira une biographie sur le fondateur de l’apartheid en Afrique du sud, Verwoerd et a par conséquent été copieusement invité par de nombreux groupes nationalistes pour évoquer l’assassinat d’Eugène Terreblanche au printemps 2010, y compris par le site Nations Presse Info sous la signature de Loïc Baudoin[8], alias Christian Bouchet.
Suite à l’évocation dans la presse des exploits oubliés de Sabalot , ce dernier va rapidement disparaître des rangs du FN marseillais, le candidat FN en profitant au passage pour se désolidariser de Sabalot, puisqu’allant jusqu’à nier ses fonctions de bras droit sur le terrain[9] : « je n’ai pas de directeur de campagne ou de communication. Je fais tout, tout seul. Des militants comme monsieur Sabalot qui n’est même pas adhérent au FN me donne un coup de main mais je ne le connais pas plus que cela et je ne peux d’ailleurs pas savoir qui sont les militants avec qui je fais ma campagne et je ne peux pas connaitre leur passé… ».
Des propos étonnants pour un secrétaire de la fédération départementale qui visiblement ne connait pas ses adhérents et qui tracterait avec n’importe qui. Ou peut-être connaît-il trop bien certaines obsessions de Sabalot… L’une d’entre-elles étant gênante à l’heure où Marine Le Pen tente par tous les moyens de se rendre en Israël, faisant profil bas sur la question de l’antisémitisme. En effet Sabalot est aussi connu de certains pour régulièrement faire suivre des mails dénonçant la présence de journalistes d’origine juive dans les médias français, une obsession qui fleure bon les années 1930 !

Une question demeure : le FN nouveau débarrassé de ses éléments «radicaux » deviendrait-il pour autant un parti « républicain » c’est-à-dire « démocratique » ? À l’évidence non ! Les idées et le programme du FN sont là pour nous le rappeler. Encore faudrait-il que certaines télés et radios françaises arrêtent d’occulter cette réalité en lui « servant la soupe » ! Depuis de nombreux mois il est incontestable que les média sont tombés sous le charme de Marine Le Pen en la présentant comme plus moderne et moins extrémiste que son père ou Bruno Gollnisch, au point qu’aujourd’hui le FN n’a plus vraiment besoin de faire campagne. Omniprésente sur les plateaux télés et radios, Marine le Pen, qui reste « une bonne cliente » comme on dit dans le métier, n’a plus besoin de provoquer ou de hausser le ton, comme le faisait son père par le passé pour attirer l’attention : elle se contente d’attendre que les journalistes français viennent chercher ses commentaires à chaque
nouvelle provocation de la droite parlementaire sur les questions d’immigration et de sécurité, la plaçant ainsi dans la position de référence sur ces questions, les seules d’ailleurs sur lesquelles le FN s’exprime vraiment.

Au final cette nouvelle image du FN et cette surexposition permettent de pallier la faiblesse persistante d’un appareil militant décapité par des décennies de scission et de purges. Le FN serait dans l’incapacité totale de gérer les affaires publiques et tout le monde le sait. Mais sa fonction n’est de toutes façons pas là…Parmi les victimes collatérales de cette nouvelle donne, on trouve les Identitaires. Tous leurs choix stratégiques (Candidature jeune à la présidentielle, tentative de dédiabolisation de leur image, discours populiste, instrumentalisation du thème de la laïcité
pour développer des thèmes islamophobes) se sont retrouvés invalidés par la nouvelle tactique médiatique de Marine Le Pen et nous aurons l’occasion d’y revenir sous peu. La marge de manœuvre à droite du FN reste par ailleurs faible. Comme le montre l’interview dans Rivarol des anciens de Pro Patria, reconverti en MAS (Mouvement d’Action Social) ou le communiqué de Pierre Vial le 12 mars dernier, si l’extrême droite radicale reste attentive à l’évolution du FN, elle ne peut rivaliser avec lui. Il reste alors deux solutions, attendre dans l’ombre un (plus qu’) hypothétique déclin du FN (cf la Nouvelle Droite Populaire) ou l’intégrer. Mais aux vues des dernières évolutions, il semble évident que les militants d’extrême droite devront accepter de se soumettre à la
ligne définie par l’héritière Le Pen, ou prendre leur bâton de pèlerin et entamer une nouvelle traversée du désert, en attendant une éventuelle opportunité pour tenter à nouveau leur chance. Charmante perspective…

  1. À l’image d’André-Yves Beck, aujourd’hui membre du bureau directeur du Bloc Identitaire et ancien pilier de Troisième Voie sur Grenoble.[]
  2. Surnom donné à L’Œuvre Française par les militants NR des années 80 et 90 devant le fonctionnement quasi-sectaire du mouvement fondé par Pierre Sidos.[]
  3. En lire le cr fait par le très sioniste Jonathan-Simon Sellem sur son site. Site sur lequel « JSS » reprend les communiqués et les comptes-rendus d’actions de la LDJ, mais qui pour une fois exprime là une opinion bien différente de la leur : en effet il ne semble pas être prêt à se contenter du départ d’individus tels que C. Bouchet ou F. Chatillon dans l’entourage de Marine Le Pen, comme le réclame régulièrement Carlisle sur le site de la LDJ, pour en faire un interlocuteur comme les autres[]
  4. qui a visiblement laissé plutôt un bon souvenir dans le petit milieu occultiste français[]
  5. La police menait à l’époque une enquête dans le milieu bonehead marseillais suite à la profanation d’un cimetière juif.[]
  6. Il tentera d’expliquer qu’il formait un groupe de réservistes à la manipulation d’explosifs, mais il sera désavoué par leur chef, Luc Poussel, ancien candidat MNR à Gardannes et responsable local du CNI.[]
  7. À noter que l’individu avait déjà eu maille à partir avec les autorités en Espagne.[]
  8. Mort de la sentinelle, un entretien avec Pierre-Olivier Sabalot – 6 mai 2010[]
  9. Sabalot à l’automne 2008 avait déjà proposé ses services à la mairie d’Orange, en particulier pour le service Communication, mais A-Y Beck avait dressé immédiatement un pare-feu…[]
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