REFLEXes

MP 88 : quand les fafs chantent le web…

29 novembre 2004 Les radicaux

Le web a attiré toutes les tendances de l’extrême droite française sans pour autant réussir à toujours en tirer profit. Qu’en est-il dans le domaine musical ? On a vu apparaître ces dernières années une pléiade de sites spécialisés sur le Rock Identitaire Français (RIF) ou le Rock Against Communism (RAC), des sites de groupes musicaux (Fraction Hexagone, 9e Panzer Symphonie pour les plus anciens, Basic Celtos, Brixia, Elendil pour les plus récents), des labels ou distributeurs (rock en stock, Bleu Blanc Rock), des pages perso…
qu’en est-il réellement ?

Dans le domaine musical, l’utilisation d’Internet par l’extrême droite s’est développée avec l’apparition du RIF et s’est surtout accentuée ces deux dernières années. Si, jusque dans les années 1997-1998, la musique nationaliste en France tournait principalement autour du RAC, se caractérisant par une musique puissante voire violente (oï ou hard-core) et suivie par un public composé de boneheads primaires et de néo-nazis dégénérés, ces dernières années furent plus axées sur la création et le développement du RIF, censé être plus «présentable». Les deux scènes ayant beaucoup de mal à se côtoyer, on a eu le plaisir d’assister pendant quelques années à différentes embrouilles entre les anciens, partisans d’une ligne dure, et la nouvelle tendance ne rêvant que de télé et de radio. C’est dans ce contexte mouvementé que s’est développé Internet pour eux.
Si la question principale est de savoir si l’activité sur Internet est bien le reflet de leur présence sur le terrain, on peut sans difficulté répondre par l’affirmative. La pauvreté de la scène musicale faf (si on peut parler de scène) est semblable à celle de leur présence sur Internet. En effet le bilan après quelques années n’est pas brillant. Les concerts réunissent rarement plus d’une centaine de personnes, tournent autour d’une dizaine de groupes, il n’existe pas ou peu de fanzines sur la musique, bref, malgré tous les efforts pour rendre plus «fréquentables» leurs concerts et plus abordable leur musique (puisque maintenant la musique identitaire comprend aussi bien du rock que de la techno, de la variété, voire même du rap), le RIF n’a pas réussi à s’attirer un nouveau public ni à augmenter le nombre de ses concerts.

Le roi des animaux

Pourtant l’outil Internet n’a pas été négligé, et rapidement, plusieurs acteurs du milieu RIF s’y sont intéressés. Parmi les sites plus anciens et les mieux faits dans ce domaine figurait le Lion des Flandres, site disparu depuis le début de l’année 2001, probablement suite à la mise en lien des Carnets de Turner (publication interdite, ce qui déclencha l’ouverture d’une instruction judiciaire), l’adresse renvoya un moment sur le site du groupe RIF Elendil, puis finalement sur celui du Gud Lille. Depuis le Lion semble s’être mis au vert.
On trouvait sur le site du Lion des Flandres ce qui constituera la composition classique d’un site RIF, à savoir :
- une description des groupes RIF avec photos, textes, fichiers MP3, discographie et interviews, les groupes RAC, trop marqués, étant souvent oubliés ;
- l’actualité musicale : sortie de K7, CD, démos des groupes, comptes rendus de concerts ayant eu lieu, publications liées au RIF ou en parlant ;
- une liste de diffusion contrôlée : annonce des mises à jour du site, des dates de concerts ;
- une liste de liens vers des sites «amis», souvent très complète ;
- parfois, pour les sites les plus complets, des éditoriaux ou autres textes sortis de la mouvance NR.
Le Lion des Flandres fut certainement un pionnier sur Internet dans le domaine du RIF.

Les deux pieds dedans

Depuis deux ans environ sont apparus ceux qui vont devenir les nouvelles références en matière de RIF sur Internet : le Coq gaulois (en mai 1999) et Bleu Blanc Rock (en mars 2001).
Le Coq gaulois, d’abord hébergé sur Angelfire, qu’il quitta début 2001 suite à un «problème de déontologie», est maintenant propriétaire de son nom de domaine depuis mai 2001. Il l’a acheté à l’étranger, ce qui permet de ne pas déclarer son identité ou d’en déclarer une fausse, en l’occurrence Jean Dupont résidant 88 rue de Vichy à Paris (on notera l’humour très particulier du webmestre).
Ce site assez bien fait et mis à jour mensuellement est animé par une seule personne qui se fait appeler le Coq gaulois. Présent depuis longtemps dans tous les concerts fafs, il n’hésite pas à faire des aller-retour dans toute la France et fait un peu figure d’ancien dans le microcosme du RIF. Il suit aussi de près l’évolution d’Unité Radicale (UR) et autres «mouvement de jeunesse» (on a pu le voir cette année au 1er mai d’UR directement débarqué de son fief lyonnais), le but étant d’amener un maximum de jeunes nationalistes autour de la musique.
Comme sur celui du Lion des Flandres, on trouve sur son site un descriptif de tous les groupes RIF de la scène actuelle : Aion, Basic Celtos, Brixia, Elendil, In Memoriam, Kaiserbund, le Ksan, Vae Victis…
Il est aussi le seul à s’être ouvert à l’étranger avec des liens vers des groupes espagnols (Celtica, Estirpe Imperial), suédois (Hel, Ultima Thule), italiens (Lon-dinium SPQR, Sottofasciasemplice, Zetazeroalfa), allemand (Carpe Diem), québécois (Trouble Makers) et slovène (Laibach). La plupart peuvent être commandés chez Memorial Record à Paris.
Le site du Coq gaulois est malgré tout beaucoup plus complet que celui du Lion des Flandres ou d’autres sites musicaux puisqu’on y trouve aussi des rubriques «Lectures», «Tribunes Libres» et «Fanzines» : dans la première, on retrouve les derniers ouvrages d’auteurs d’extrême droite, avec un lien vers l’Orphéon (ancien bimestriel où l’on peut lire les signatures de Roland Gaucher ou Jean Mabire et dont les sujets de prédilection sont l’islam et l’immigration ou la Seconde Guerre mondiale et les Waffen SS) ; dans la seconde rubrique, des tribunes libres de Philippe Schleiter, directeur national du MNJ, de Marguerite Bastien ou de Georges-Pierre Tonnelier du FNB (Front Nouveau de Belgique) ou encore de Guillaume Luyt, membre du comité directeur d’UR et animateur de la CoordiNation, par ailleurs ancien directeur national du FNJ ; et enfin côté fanzine, il n’y a plus que Fier de l’Être (de la banlieue sud parisienne) à figurer sur le site depuis la disparition de Tribune musicale (éphémère revue consacrée au RIF, dont seul six numéros sont parus courant 2000-2001). Enfin, annoncé pour le mois d’octobre sur le site, un nouveau magazine «culturel», Quartier libre (proche du MNJ, à la même adresse que Mémorial Records), n’est toujours pas sorti.
Quatre autres rubriques complètent le site sans briller par leur contenu : elles n’ont quasiment jamais été mises à jour depuis l’ouverture du site. L’une s’appelle «Quelques interrogations légitimes» : elle fait le tour des questions racistes les plus primaires ; l’autre regroupe des «propos politiquement incorrects» (ceux de Chirac sur le bruit et l’odeur ou ceux de Rocard sur toute la misère du monde que l’on ne peut accueillir, bref, rien de bien neuf), la troisième nous dévoile «quelques infos sur F. Mitterrand», là encore pas de scoop, la jeunesse française de Mitterrand ayant déjà fait couler beaucoup d’encre. La dernière rubrique, la plus risible, nous rappelle notre «culture nationale», à savoir le coq gaulois, la Marseillaise et le drapeau tricolore : pauvre de nous !
Bizarrement, le forum du site ne figure pas sur la page d’accueil mais dans une sous-rubrique du chapitre consacrée au RIF, comme pour axer les discussions autour de la musique et éviter tous risques de considérations politiques de bas étage. On retrouve dans ce forum tous les acteurs du milieu musical d’extrême droite actuel, des groupes musicaux au simple spectateur, tout ce petit monde débattant des grandes questions existentielles de la scène RIF : comment sortir de l’isolement médiatique, comment réussir l’union autour du RIF après la scission FN-MNR, doit-on investir tous les styles musicaux au risque de se couper d’une partie du public (celui qui a le bras tendu n’étant pas toujours compatible avec la recherche de respectabilité)…
Depuis quelques mois, le site du Coq gaulois organisait également un concours RIF où l’on pouvait gagner les CDs de nos groupes détestés, malheureusement la réactivation du plan Vigipirate l’a contraint à suspendre le jeu, car il n’est plus possible actuellement d’expédier par la poste des colis anonymement, et le webmestre se refuse à divulguer son identité. À noter aussi dans la série parano sa page d’accueil, sur laquelle, si l’on clique sur l’écusson du Coq, apparaît le dessin d’une personne que l’on cherche à faire parler et qui déclame «Mais puisque j’vous dis que je ne sais pas qui c’est le coq gaulois !!!». Aurait-il honte de ses opinions, ou bien de la musique qu’il écoute (ou qu’il vante en tout cas) ?
Une liste de liens vient compléter le site avec une trentaine d’adresses, pour moitié consacrées à la musique, pour le reste à des organisations politiques (FNJ, MNJ, FNB) et autres associations militantes (AGIR, Unité radicale, Nation française).
Depuis peu figure sur sa page d’accueil un lien direct avec Canal RIF, une radio via Internet créée au début de l’été qui diffuse des concerts (comme le concert d’In Memoriam à Vitrolles en novembre 1998) ou qui donne des «cartes blanches» à des groupes (Aion en septembre et Basic Celtos en octobre). Le site n’est pas assez ancien pour en voir réellement l’utilité, mais cela a au moins le «mérite» de combler une lacune puisque même sur Radio Courtoisie, le RIF n’a pas réussi à faire son entrée. Malgré le soutien du Coq gaulois, le webmestre a l’air de se plaindre du manque d’auditeurs.

BBR, ach gross Filou

Bleu Blanc Rock, l’autre site de référence sur le RIF, est la vitrine de l’association du même nom. Créée fin 1998 par Fabrice Robert d’Unité radicale, membre du groupe Fraction (ex-Fraction Hexagone), par Jean-Christophe Bru du groupe Ile-de-France et par Paul Thore du fanzine L’Épervier, l’association a ouvert son site en mars 2001 sous l’impulsion de Fabrice Robert (déjà webmestre du site d’Unité radicale).
L’association prétend avoir pour but «de diffuser le rock indépendant anti-mondialiste auprès du grand public», c’est du moins ce qu’il dit dans une interview qu’on peut lire actuellement sur leur site. À l’ouverture du site, la même interview en ligne parlait de «diffuser le rock nationaliste», ce qui n’est pas exactement la même chose.
Il faut reconnaître qu’ils ont su faire évoluer leur discours au vu de l’actualité internationale… comme le montre l’exemple suivant, qui pourrait s’intituler «Comment dissimuler un bon gros nationaliste derrière un gentil manifestant anti-mondialisation» et qui rappelle la tentative d’action des militants d’Unité radicale lors du grand ballet anti-mondialisation de Millau au mois de mai 2001. À la même époque, et durant plusieurs mois, la page d’accueil du site BBR était un édito intitulé «Le rock n’est pas une marchandise». La volonté clairement affichée d’infiltrer les luttes anti-mondialisation (mais aussi les campagnes anti-MacDo ou les luttes écolos) pour y apporter, doucement mais sûrement, un discours nationaliste et identitaire, se ressent sur chaque page du site. On y parle davantage de rock anti-système que de rock nationaliste ou identitaire. Les liens annoncés sur la page d’accueil sont dans la droite ligne de cette stratégie de récupération. Le premier lien à inaugurer cette rubrique, appelée «Actualité sur le web» fut le site d’Indymédia France (voir capture d’écran ci-dessus), agence de presse alternative créée à l’occasion du contre-sommet de Seattle en 1999 et qui a depuis couvert tous les sommets (Prague, Göteborg, Gênes). Menacé d’une plainte par l’animateur d’Indymédia, le lien a été supprimé (ou plutôt archivé) et remplacé successivement par une autre agence de presse alternative : le Maquis de Paname, puis par les écolos d’Earth First, eco-warriors américains.
L’actualité musicale reste dans le même esprit, s’y retrouvent chroniqués des groupes clairement antifascistes comme Assassin, Rage againt The Machine, Parabellum ou Tryo (chacun dans un style musical différent), permettant ainsi à la fois d’avancer masqué derrière des groupes qui servent à leur insu de caution, mais aussi et surtout de figurer dans les moteurs de recherche lorsque l’on tape un nom de groupe : le fan inconditionnel est ainsi attiré, de même que le groupe lui-même qui, souvent, vérifie son nom sur les moteurs de recherche. Dans le même temps, leur catalogue de distribution est des plus explicites puisqu’il ne comprend que des groupes RIF, commandables à l’adresse de l’association à Châteauroux.

Pour vivre heureux, vivons cachés

Avec une présentation de leur activité militante (plus que pauvre) et des «outils» mis à la disposition des militants (autocollants, affiches, K7), les animateurs du site ne laissent rien paraître de leurs réelles activités, comme la présence du webmestre du site, Fabrice Robert, aux Assises d’Unité radicale le 22 mai 2001 à Paris (intervention intitulée «Investir le champ culturel et les nouveaux médias») ou aux Rencontres nationalistes à Bruxelles le 6 octobre, organisées par les animateurs de la revue Devenir et du groupe politique Nation (sur «La presse nationaliste, perspectives, espoir», Robert intervenant pour parler de son rôle de webmestre). Aucune allusion non plus au stand qu’ils ont tenu aux BBR (pour Bleu Blanc Rouge, cette fois ci), la fête annuelle du Front national à Paris, stand où l’on pouvait se tenir informés sur le prochain concert organisé par le GUD Bretagne à Mordelles avec Bagadou Stourm, Reconquista et Fraction (toujours avec l’inévitable Fabrice Robert). D’ailleurs, ce concert ne fut même pas annoncé sur le site, comme tous les autres concerts du genre d’ailleurs, car sinon le vernis «rock anti-système / anticapitaliste / anti-mondialistion» risquerait de se craqueler pour révéler le vrai visage de cette musique.
Toutefois, nos petits amis du RIF semblent faire des émules puisque vient d’apparaître un lien vers un site de musique identitaire allemande : IDM.

Et la concurrence ?

Bizarrement absent d’Internet jusqu’à présent, Mémorial Records, l’autre label du RIF, devrait avoir ouvert son site au mois de décembre, mais rien de bien neuf n’est annoncé : news, groupes, forum, MP3, vidéo, tout cela en écoutant Canal Rif.
Du côté des groupes, pratiquement tous ont leur site, mais peu d’entre eux cherchent à l’exploiter : pas de mise à jour, aucune info, pas de forum… À noter quand même l’exemple de Basic Celtos (rap / fusion) qui, depuis quelque temps, tente de squatter les forums musicaux pour annoncer son dernier album. Ils ont presque réussi avec le site de rap les Rapaces, mais cela a finalement produit l’effet inverse, puisque les rappeurs ont découvert la supercherie et ont mis en ligne sur leur site un dossier sur Basic Celtos avec différentes interviews du groupe ne laissant aucun doute sur leurs opinions.
Voilà donc le paysage actuel du web musical faf en France ; après quelques années de travail sur ce média, on pourrait dire que la boucle est bouclée. La tentative de dissimulation derrière un discours anti-…tout par certains ou bien la recherche (presque la quête) de respectabilité avec la mise en avant de musique plus abordable pour d’autres n’ont finalement rien apporté de plus à ce jour au milieu de la musique d’extrême droite.

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