REFLEXes

Un terrorisme sans queue ni tête

24 avril 2002 International, Les radicaux

Ce mois-ci a lieu à Londres le procès de David Copeland, 22 ans, accusé d’avoir assassiné trois personnes au cours d’un attentat à la bombe perpétré l’année dernière contre un pub homosexuel de Londres. Cet attentat était le dernier d’une série de trois qui a secoué la ville pendant trois semaines en avril 1999. Copeland a d’ores et déjà admis sa responsabilité dans les attentats mais nie cependant avoir eu l’intention de tuer. Copeland est un néo-nazi inspiré par les théories de la guerre raciale : en posant des bombes dans des quartiers où résident essentiellement des gens d’origine africaine ou asiatique, il espérait déclencher une guerre entre les minorités et les Blancs. Il n’y est certes pas parvenu, mais ses attentats ont ébranlé toute la ville de Londres en créant une atmosphère de peur et de panique dans de nombreux quartiers.

Cette série d’attentats à la bombe est la première dans son genre en Grande-Bretagne. Il y a certes eu auparavant des attentats à la bombe perpétrés par les néo-nazis, mais il ne s’agissait en général que d’incidents de faible envergure, visant un individu ou des bâtiments particuliers. Les bombes de l’année dernière visaient tout au contraire des franges entières de la population londonienne.

Malheureusement, il fallait s’attendre à ce type d’attaques terroristes. Depuis le début des années 1990, les théories américaines de la guerre raciale ont été peu à peu intégrées par l’extrême droite britannique. Combat 18, le groupe terroriste néo-nazi, a été créé à l’instigation d’Harold Covington[1]. Le journal publié par C18 était intitulé The Order, d’après le nom du groupe terroriste américain des années 1980. Dans l’un des numéros de ce journal, on pouvait lire l’article de Louis Beam sur la leaderless resistance, la résistance sans chef, un grand classique du terrorisme néo-nazi.

En 1997, un petit groupe d’activistes de C18, dont son leader actuel, Will Browning, ont essayé d’organiser une campagne de lettres piégées à partir du Danemark. Trois sympathisants danois de C18 emmenés par Thomas Nakaba furent alors arrêtés et emprisonnés. Des querelles internes ont par ailleurs éclaté lorsque les camarades de Charlie Sargent, l’ancien leader de C18, ont appris que ce dernier informait la police sur les activités de C18. Tout cela a marqué la fin de la menace réelle que pouvait représenter cette organisation. Même si C18 continue d’exister, il n’est plus que l’ombre du groupe qui a dominé la scène musicale néo-nazie britannique et qui attirait alors des centaines de sympathisants.

Cette série d’attentats à la bombe marque donc une nouvelle phase pour l’extrême droite britannique. En effet, même si Copeland a été impliqué dans de nombreuses organisations néo-nazies, il a posé ses bombes tout seul. Il n’est cependant pas le seul dans ce cas : deux semaines avant la première bombe de Copeland, un jeune homme de 19 ans, Stuart Kerr, avait posé une bombe dans un magasin asiatique dans le Sussex, avant d’incendier une voiture de police. Le jour où Copeland a posé une bombe à Brick Lane, la police a arrêté un homme de 57 ans, James Shaw, lors d’une intervention pour une bagarre dans un bus de Londres. En perquisitionnant son domicile, la police a trouvé de la propagande néo-nazie et trois bombes rudimentaires. Le jour où Copeland a posé sa troisième bombe dans Soho, la police a retrouvé le matériel nécessaire à la fabrication d’une bombe dans une voiture volée stationnée à Chesterfield, dans les East Midlands. Cela ne s’est produit que quelques jours après que des fascistes ont averti qu’ils passeraient à l’attaque au moment du festival du 1er mai qui se tiendrait à Chesterfield.

Il n’y a aucune organisation qui relie tous ces incidents ; ces derniers montrent simplement à quel point les théories américaines de la guerre raciale bénéficient d’un soutien croissant, surtout dans leurs applications suivantes : la résistance sans chef et l’infiltration par un fasciste d’une section de la droite traditionnelle. Cela illustre peut-être de façon plus significative l’éclatement de la scène néo-nazi britannique depuis la déconfiture de C18. Ainsi, tandis que le BNP attire de plus en plus d’électeurs et s’efforce en même temps d’avoir une image plus respectable, des individus isolés et/ou des petits groupes agissent dans le vide politique laissé par C18.

Nick Lowles,

pour le magazine Searchlight

 

  1. Il s’agit d’un néo-nazi américain et dont le livre A March Up Country est un véritable plan de campagne terroriste.[]
Cet article est libre de droit, mais nous vous demandons de bien vouloir en préciser la source si vous en reprenez les infos : REFLEXes http://reflexes.samizdat.net , contact : reflexes(a)samizdat.net

Vous aimez cet article ? Partagez le !

Les commentaires sont fermés.