Cette rentrée 2007 a vu se préciser ce que devraient être les deux grands axes de recomposition de l’extrême droite en vue de l’après Le Pen. Même si celui-ci devrait se succéder sans problème lors du prochain congrès du FN à Bordeaux début novembre, il est évident que le temps joue contre lui. Il le sait bien et les semaines passant, le vieux chef continue de souffler le chaud et le froid sur des prétendants à la succession contraints à l’attentisme, en l’absence de perspectives chronologiques bien claires. Bruno Gollnisch ayant été mis provisoirement KO cet été par un quadruple pontage coronarien, Carl Lang a officiellement repris la tête du courant « conservateur » au sein du FN et clairement annoncé qu’il serait candidat à la présidence du parti lorsque J.-M. Le Pen passerait la main. Cela lui a immédiatement valu une réplique de l’intéressé qui a indiqué que sa fille serait bien plus apte que lui pour remplir la fonction de dirigeant du FN. J.-M. Le Pen ne s’était sans doute jamais aussi clairement exprimé en faveur de sa fille et il faut sans doute y voir un agacement certain face aux manœuvres qui se précisent au fur et à mesure du temps qui passe. Dans la même vaine, on peut évidemment inscrire le méchant coup de patte en direction de J.-F. Touzé, pourtant très proche des Le Pen depuis 2002, mais qui s’est rendu coupable de lèse-majesté lors d’un bureau politique du FN début septembre en réclamant un recadrage de la ligne frontiste après la défaite d’avril dernier. Ce coup de pouce à Marine ne peut bien évidemment surprendre que ceux ou celles qui n’auraient pas compris que J.-M. Le Pen a toujours géré son parti comme une PME. Or les patrons de PME aiment bien que le patrimoine reste dans la famille…
Indépendamment de ces manœuvres et tout en gardant un œil dessus, les marges du FN ont d’ores et déjà entrepris une recomposition qui fait émerger deux lignes antithétiques – d’aucuns ont parlé du « partage des eaux » nationalistes – et réapparaître quelques vieilles figures de l’extrême droite française. La première est évidemment le pôle constitué par Alain Soral et son association Égalité & Réconciliation. Celle-ci a tenu sa 1ère « Université d’été » le week-end des 8 et 9 septembre dernier. Le week-end a réuni plus de 200 personnes aux personnalités et options politiques pour le moins hétéroclites : représentants du vieux courant nationaliste-révolutionnaire (C. Bouchet par exemple), anciens du GUD du début des années 1990 (F. Chatillon, Jildaz Mahé, P. Pennequin), « célébrités » diverses et (a)variées (Dieudonné, Batskin), militants du FN, islamistes militants… L’axe développé est qu’il faut accepter comme un fait définitif la présence sur le sol français de populations (et de jeunes en particulier) issues de l’immigration d’origine africaine et qu’il faut refonder avec elles, notamment avec les jeunes arabo-musulmans, un pacte national pour empêcher une dissolution dans le mondialisme. Pour y parvenir, le meilleur moyen est encore de désigner un ennemi commun qui se trouve être « l’axe américano-sioniste ». De fait, si l’antisémitisme n’est sans doute pas la 1ère motivation des animateurs d’E&R, il constitue un élément de cohésion puissant qui a attiré à l’UdT des personnalités très marquées comme le révisionniste Pierre Guillaume, présent le samedi. La liste des intervenants pourrait laisser supposer que ce courant est voué à l’échec dès lors que, par le passé, ce type de discours s’est soldé par des échecs organisationnels retentissants. Les mauvaises langues donnent d’ailleurs comme preuve de cet échec programmé le fait que le projet est soutenu par Christian Bouchet dont toutes les entreprises politiques ont irrémédiablement sombré depuis la fin des années 1980 : Troisième Voie, Lutte du Peuple, Unité Radicale, l’infiltration du MNR, etc. Mais il faut demeurer cependant prudent dans ce genre de pronostics. Égalité & Réconciliation a sans doute bénéficié d’un succès de curiosité les 8 et 9 septembre derniers. Mais elle possède quelques vrais atouts : l’appui de Jean-Marie Le Pen venu discourir le dimanche et qui a décerné un véritable satisfecit à l’association, la présence de quelques figures célèbres susceptibles d’attirer des adhérents (Soral bien sûr mais Batskin aussi tant l’aura de l’ancien skinhead demeure puissante), des soutiens financiers solides grâce à des adhérents dont la situation sociale est plus que confortable (F. Châtillon en 1er lieu)… et une incertitude sur l’influence qu’E&R est susceptible d’avoir sur Marine Le Pen en cas de prise de contrôle de l’appareil frontiste dans quelques mois. La petite bande de F. Châtillon est en effet très proche de la cadette Le Pen, tout comme certaines personnalités comme Nicolas Gauthier, journaliste à National Hebdo, et qui a fait un compte-rendu dithyrambique de la réunion. Par ailleurs, le discours d’E&R correspond à une tendance de fonds au sein de l’encadrement du FN, en particulier celui ayant connu l’empire colonial. Il peut donc recevoir un vrai écho. Mais dans le même temps, il brouille le message de Marine Le Pen en direction d’une partie de la communauté juive dès lors que certaines personnalités ne peuvent que lui hérisser les poils, Dieudonné en 1er lieu.
En réaction, un autre courant est lui aussi en train d’essayer de se structurer, en réunissant des structures et personnalités toutes aussi hétéroclités : Les Identitaires, Terre & Peuple, Alsace d’Abord mais également des structures représentant le vieux nationalisme français comme l’Œuvre Française ou son surgeon le réseau France-Nationaliste de Thierry Maillard[1]. Le seul point commun à tous ces groupes qui n’ont par ailleurs pas forcément beaucoup d’affinités est de s’opposer au « national-cosmopolitisme » comme l’a récemment désigné Fabrice Robert, principal responsable du Bloc Identitaire. Cela ne les amène pas encore évidemment à des initiatives communes. La structuration du courant identitaire se fait sans les vieilles structures nationalistes et assez largement contre le FN alors que l’OF est bien implantée dans la fédération frontiste du Rhône. Dans le même registre, la manifestation parisienne contre le projet de traité européen light du 22 septembre dernier a réuni certaines organisations opposées au « national-cosmopolitisme » (le Renouveau Français par exemple, squelettique en fin de manifestation) mais sans les Identitaires et avec au contraire la présence d’E&R. Les espaces de rencontres sont donc limités, l’un d’entre eux pouvant être la revue Synthèse Nationale. Comme l’a dénoncé l’un de ses anciens collaborateurs[2], Laurent Latruwe, la revue n’est qu’un remake d’une vieille revue de Philippe Randa, Dualpha, dont celui-ci s’est contenté de garder la maquette et l’esthétique redoutablement moche. Mais alors que Dualpha était largement animée par la mouvance d’Unité Radicale, Synthèse Nationale « roule » pour les Identitaires. Les rencontres auxquelles sa 1ère année d’existence sert de prétexte le 27 octobre prochain devraient permettre de voir si ce courant a réellement des velléités unitaires.
C’est donc peu dire que les mois prochains devraient être fertiles en rebondissements et psychodrames divers…
Publié le 11 octobre 2007
- Présent à la manifestation avec des drapeaux rouges à croix celtique et des militants tondus de près, d’où l’agacement de Paul-Marie Coûteaux, principal organisateur de la manifestation.[↩]
- Lettre ouverte à Roland Hélie[↩]
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