Après l’annonce de la candidature UMP d’Arno Klarsfeld aux élections législatives dans la 8e circonscription de Paris (qui correspond au XIIe arrondissement), le PS a changé subitement le suppléant de sa candidate Sandrine Mazetier, et cela, semble t-il, sans que le titulaire du poste n’en fut informé. Il est vrai que la nouvelle suppléante, Karen Taïeb, militante MRC, à une réelle activité politique sur Paris et dans le XIe – XIIe plus précisément[1], et que l’on ne peut donc décemment pas parler de parachutage (ce qui est moins évident pour l’ineffable avocat à roulettes[2]). Certes, on pourra donner à ce nouveau choix des raisons politiques, liées à l’accord PS-MRC. Mais vu la personnalité de Mme Taïeb, on ne peut s’empêcher de donner quelques crédits à ceux et celles qui estiment qu’on est parti à la chasse aux voix communautaires, et cela pour plusieurs raisons.
Karen est l’épouse de Gil Taïeb[3], et celui-ci, bien que se revendiquant le plus sincèrement du monde de « gauche », a un CV et des fréquentations plus que douteuses. Il est en effet le responsable de l’Association pour le Bien-être du Soldat Israélien (ABSI – Keren Or), association organisatrice de soirées de gala en soutien aux soldats de Tsahal lors desquelles on a pu voir pendant des années les sicaires de la LDJ parader à l’entrée, quand ils ne cherchaient pas directement l’affrontement avec les contre-manifestants comme ce fut le cas à Levallois en mars 2003. On l’a vu aussi en bien mauvaise compagnie en 2002, avec les plus ultras de la droite sioniste lors du rassemblement devant France 2 pour la remise d’un « Prix de la Désinformation » à Charles Enderlin (cf. article Réacs Sion sur le site Reflexes). Et tout cela bien entendu au nom du soutien inconditionnel à l’État d’Israël et à sa politique, plus précisément d’ailleurs dans cette période à celle d’Ariel Sharon, démontrant une nouvelle fois que sur les questions d’identité ou d’appartenance à une communauté le clivage classique gauche-droite s’effaçait pour laisser place à la sacro-sainte alliance communautaire. L’éthique politique trouve là ses limites ! Finalement Sarkozy et Kouchner n’ont rien inventé dans ce domaine.
Mais pour en revenir à Karen, par ailleurs elle aussi membre de l’ABSI, une interrogation demeure. Alors que dans sa biographie elle déclare être une admiratrice d’Itzhak Rabin, notamment pour son « oeuvre pour la paix »[4], elle oublie de mentionner qu’elle est aussi membre du comité de soutien de l’association « Les amis de Kadima »[5] , dont le président n’est autre que son mari. Rappelons que le parti Kadima actuellement au pouvoir en Israël, est la scission dite de « centre droit » du Likoud, provoquée par Ariel Sharon. Là encore on se demande comment on peut passer à ce point du coq à l’âne, ou plutôt devrait-on dire, de la colombe au faucon ? D’autant que le bureau de cette association n’est pas vraiment composé que par des progressistes. Outre l’appartenance à l’ABSI pour certains de ses membres, on y trouve aussi des membres de l’Association des Juristes Juifs (AIJJ), notamment Nathalie Cohen-Gunther, au poste de secrétaire générale, et qui, pour le compte de l’AIJJ, fût envoyée en tant qu’observatrice au procès de Marwan Barghouti en 2002 (en compagnie de Georges Roubache, président de l’AIJJ et qui vient d’être nommé au Comité directeur du CRIF). Ce voyage fut organisé, non pour un quelconque motif humanitaire ou d’équité, mais pour être bien certaine que Barghouti serait condamné. Mais plus surprenant encore est la présence au coté de Gil Taïeb d’Alexandre Moïse, au poste de vice-président. Ancien du Likoud France et de la Fédération des Organisations Sionistes de France (FOSF), dont le discours modéré ferait presque passer le FN pour des centristes, il se fit remarquer en 2003 lors de la campagne visant à faire interdire les spectacles de Dieudonné (allant jusqu’à déclarer devant les caméras qu’il fallait user de menaces sur les directeurs de salle) ; il fut condamné l’année suivante à 2 mois de prison avec sursis et 750 euros d’amendes, avec des attendus très sévères sur sa responsabilité dans l’utilisation de l’antisémitisme : ce brave homme, à une période des plus sensibles sur la question, n’avait rien trouvé de mieux pour faire avancer le débat que de s’envoyer de fausses menaces antisémites.
Pour conclure, on aimerait demander à Karen, mais à son époux aussi, comment on peut défendre son appartenance à la gauche, tout en soutenant un parti de la droite israélienne qui s’est allié sans vergogne à l’extrême droite la plus radicale (Israel Beytenou d’Avigdor Liberman) pour gouverner. Peut-être que M. Georges Frêche, qui déclarait en 2006 « Montpellier : poste avancé de Tsahal » lors de l’ouverture du festival Montpellier-Danse pourrait nous donner des éléments de réponse. Ce n’est évidemment pas gagné…
Publié le 29 mai 2007
- Conseillère de Paris à la commission Cultures et Relations internationales, déléguée aux manifestations Culturelles du XIIe, elle est aussi la co-fondatrice (avec son mari) du festival Onze Bouge, fêtes de quartier du XIe arrondissement sous le parrainage de Georges Sarre[↩]
- Son attachement au XIIe arrondissement n’est plus à prouver !! Florilèges de déclarations : « je vais du vélo au Bois de Vincennes », « j’ai traversé le XIIe en faisant le Marathon de Paris », et notre favorite : « j’habite le 8e, ce n’est pas si éloigné que ça ». Tout est dit.[↩]
- Libération vendredi 25 mai 2007[↩]
- Elle est la présidente pour la France du Centre Rabin, et a été reçu à ce titre à l’Ambassade d’Israël à Paris en compagnie de Dalia Rabin, fille du 1er ministre assassiné[↩]
- Crée durant l’hiver 2005-2006 afin de « défendre et expliquer aux citoyens français la politique du nouveau parti » de M. Sharon, « Les amis de Kadima » devraient plutôt s’appeler « Les amis d’Ariel Sharon », tant la déjà maigre activité de l’association a totalement disparu depuis le remplacement de Sharon par Ehud Olmert.[↩]
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