Dès le 4 février, Bruno Mégret s’est félicité du succès de Haider, au nom bien entendu de la liberté et de la démocratie. Le jour même, à Lyon, une vingtaine de membres du MNR, dont des conseillers régionaux, se sont rassemblés devant le consulat d’Autriche, et le lendemain, c’est devant l’ambassade d’Autriche à Paris que le MNR a rassemblé 300 de ses militants, au cri de «Haider, Mégret, même combat» ou encore «France, Autriche, Solidarité». La réaction mégrétiste était parfaitement prévisible. Si, aujourd’hui, pour sauvegarder ce qui lui reste de dignité, Mégret se refuse à appliquer des accords avec la droite traditionnelle, il sait bien que la voie choisie par Haider est la seule qui puisse permettre actuellement à l’extrême droite d’arriver au pouvoir, sûre qu’elle est de trouver des appuis au sein de la droite conservatrice. Voir son plus vieux fantasme réalisé, serait-ce dans un pays étranger, est pour Mégret à la fois une victoire par procuration («la victoire du FPÖ annonce celle du MNR» déclare-t-il sans rire[1]) et l’assurance que sa stratégie est la bonne : elle est aussi un moyen de motiver ses troupes, alors que le moral et les résultats électoraux sont au plus bas. Pourtant, le rapprochement tant souhaité entre le MNR et le FPÖ n’aura pas lieu : si le FPÖ essaime en Europe, ce sera sous le contrôle total de Haider. Seule une émanation du FPÖ en France servirait d’interlocuteur à l’Autriche, et certainement pas un homme comme Mégret, au passé chargé et au charisme inexistant.
Jean-Marie Le Pen et le Front national ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Lui aussi grand ami de la démocratie et de la liberté, Le Pen a également appelé au respect du choix des Autrichiens : mais de là à féliciter Jörg Haider… Car Le Pen n’a pas oublié la façon dont Jörg, qui avait recueilli 27,6% des voix aux premières élections européennes autrichiennes en 1996, a joué les vierges effarouchées en refusant de le rejoindre au sein du groupe parlementaire d’extrême droite (et véritable panier de crabes) que Le Pen tentait tant bien que mal de constituer au Parlement européen.
Pour Le Pen, adepte du «seul contre tous», Haider, en dépit de son succès, ne représente en rien un modèle : de plus, alors que Mégret rêve de suivre les traces de Haider, Le Pen se pose en précurseur : «nous avons ouvert la brèche, les patriotes autrichiens s’y engouffrent aujourd’hui avant que d’autres ne prennent le relais» déclare-t-il[2].
Du côté des radicaux, les jeunes du GUD ont participé au rassemblement du MNR et font dans leur journal Jusqu’à Nouvel Ordre de la publicité pour l’Autriche, tandis que les vieux croutons du journal Militant comparent l’Autriche à la Serbie («un peuple criant qu’il veut rester libre»[3]). Militant s’est par ailleurs surtout intéressé aux sanctions de l’Union européenne, «marigot putride de politiciens lâches et veules à la remorque d’intérêts idéologique et financiers contraires à ceux de la civilisation européenne et chrétienne».
- Le Chêne, n°5, février 2000.[↩]
- Français d’abord !, n°306, première quinzaine d’octobre 1999.[↩]
- Militant, n°477, février 2000.[↩]
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