REFLEXes

Petite musique de nuit (et brouillard…)

24 avril 2002 Les radicaux

Docteur Merlin, Jean-Pax Méfret, Isabella… La droite extrême nous a toujours surpris par la perspicacité de ses goûts musicaux et la qualité des chanteurs ou chanteuses se réclamant de ses idées. Mais ces troubadours des temps modernes ne sont en fait que l’arbre qui cache la forêt car au delà de ces aspects folkloriques, la musique constitue l’un des principaux enjeux du combat des jeunes nationalistes. Nous verrons dans cet article un aperçu de la scène bonehead française et européenne, laissant le Rock Identitaire Français pour un prochain REFLEXes.
La scène bonehead demeure le plus ancien vecteur de diffusion des thèmes nationalistes musicaux. Si les premiers groupes nazi-skins français datent de la première moitié des années 1980, on peut raisonnablement associer la structuration de cette scène avec la création du label brestois Rebelles Européens. Créée en 1987 par Gaël Bodilis, l’association sort son premier disque avec le groupe Brutal Combat. Bodilis n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un touriste dans le milieu politique : fasciné par Léon Degrelle et Primo de Rivera, il entre à la même époque au FNJ qu’il quitte quelques mois plus tard pour Troisième Voie. Son label est alors l’un des plus important d’Europe, l’amateurisme étant encore la règle. Cela l’amène tout naturellement à se lancer dans l’organisation de concerts avec les groupes phares de cette époque : Legion 88, Bunker 84, Skinkorps, Brutal Combat… Celui (annulé) du 28 mai 1988 avec Skrewdriver – le groupe de feu Ian Stuart Donaldson – en tête d’affiche se transforme en émeute et ratonnades. Cela contribue largement à placer le label sous les projecteurs médiatiques et à le mettre hors-course. Une autre tentative est lancée au début des années 1990 avec l’Association Musicale Européenne (AME). Animée principalement par un bonehead de la région PACA, Richard Sauvage[1], l’association se veut un outil de diffusion de la musique nationaliste et s’appuie sur quelques relais dans l’Ouest et dans l’Essonne. Mais Ritchie n’a qu’un sens restreint de l’organisation et l’expérience s’avère vite un fiasco. Le renouveau de la scène skinhead à partir de 1993 se fait donc sans lui. Une nouvelle génération est en effet apparue, souvent très jeune, investissant massivement l’outil des skinzines, plus nombreux et plus politisés. Leur diffusion est certes restreinte (150 à 200 exemplaires maximum) et leur existence assez courte (moyenne de 4 à 5 numéros), mais leur renouvellement continu est le signe d’un nouveau développement du mouvement. Les groupes musicaux sont eux aussi en pleine reconstitution malgré une durée de vie assez courte. Citons en vrac, 9e Panzer Symphonie[2], Les Chauves Pourris, 5e Colonne, Oïffensive, Jeune Garde, Force de Frappe, Ultime Assaut…

On estime alors la mouvance skin à près d’un millier de membres dont un noyau dur de 150 à 200 personnes, qui se répartissent géographiquement entre la région parisienne, la Normandie, la Bretagne, le Sud, et enfin l’Est de la France. Certains groupes sont plus structurés que d’autres. À Bordeaux, l’équipe du skinzine Un Jour Viendra a à son actif l’organisation de plusieurs concerts dans la région bordelaise. À chaque fois, entre 200 et 300 skins viennent de toute la France et même d’Europe (Angleterre, Espagne, Italie…). On peut avoir un témoignage tardif de cette importance de Bordeaux à l’échelon national avec une vidéo produite par un groupe de birds animé entre autres par Agnès Gustin : Crazy Birds Crew. Cette K7 destinée à «tous les NS» montre quelques aspects des concerts bordelais de la saison 96/97 avec des prestations de Durandal, Rafale (préformation du groupe toulousain Skuld) mais aussi English Rose ou les Espagnols de Torquemada. Une autre région phare est la Normandie.

En décembre 1993, un concert RAC (Rock Against Communism) réunit près de Caen environ 500 skins, dont de nombreux Parisiens venus en car. Rien d’étonnant à cela, car Caen est une ville où le PNFE dispose alors d’un groupe important dirigé par le vice-président du parti, Eric Sausset. L’état actuel de mort clinique du PNFE ne permet plus d’avoir une idée correcte de son importance dans la scène nazi-skin à cette époque. Un autre bastion dans la région : Le Havre. On y retrouve une vieille connaissance, Régis Kérhuel (aliasMadskin), l’ancien bassiste des Evilskins qui a été inculpé plusieurs fois pour coups et blessures[3]. Mais cette nouvelle génération havraise s’organise aussi autour d’une revue et d’un groupe portant le même nom, Viking, dirigés tous les deux par un étudiant, Greg Reemers. Très actif, il se déplace alors beaucoup en France et en Europe, notamment en Angleterre où il joue en décembre 1994 avec son groupe pour un concert organisé par Charlie Sargent et Combat 18.

Cette implication des relations étrangères, leur personnalisation en France ainsi que deux grosses affaires criminelles vont venir faucher la scène skinhead en plein vol.

1995, année fatidique

1995 est en effet l’année des meurtres et des embrouilles. Meurtres au Havre et à Paris tout d’abord qui voient l’implication de quelques seconds couteaux du mouvement mais qui vont durablement marquer le milieu par la répression policière qui s’en suit, ainsi que par la réaction du FN. Les relations entre ce parti et la scène skinhead sont en effet depuis longtemps déjà basées sur un malentendu. Une majeure partie des jeunes skinheads a en effet été bercée par les récits et/ou les légendes des «anciens», en particulier des JNR[4], sur la perméabilité du DPS et la tolérance du FN à leur égard. Mais en 1995 les temps ont changé. Le parti de J.-M. Le Pen représente 15 % des suffrages et n’a plus à se soucier de jeunes nationalistes considérés comme incontrôlables. Les assassins de la manif du Premier mai à Paris sont donc livrés sans remords par B. Courcelle, responsable du DPS. Cette situation déstabilise le milieu alors même qu’il est déjà en proie à la rivalité entre Greg Reemers et Hervé Guttuso.

Celui-ci est un skinhead d’origine marseillaise entré très jeune (14 ans) dans le milieu. Parti en 1992 aux États-Unis, il y découvre la confrérie skinhead Hammer Skins qui se développe alors dans tous les États-Unis mais aussi au Canada, en Australie, ainsi que vers l’Europe (Allemagne, Suisse et même République tchèque). Guttuso se charge alors de créer la branche française qu’il baptise Exiled Charlemagne Hammer Skin : exilée puisque pour l’instant basée aux États-Unis, Charlemagne en souvenir de la division SS composée de Français. Après une première tentative ratée, il se rabat sur la confection d’une revue intitulée Terreur d’Élite, au contenu violemment antisémite et destinée à diffuser en France les thèses des groupes suprémacistes blancs. Pour ces derniers, une conspiration juive influence et domine la politique des nations blanches, visant à l’abâtardissement de celles-ci en prônant le métissage, les États-Unis et sa capitale étant pour eux aux mains d’un gouvernement d’occupation d’origine juive, qu’ils ont baptisé ZOG (Zionist Occupation Government). Autour de ce concept se rassemblent les membres du KKK, les nationaux-socialistes, les catholiques antisémites, les skins prônant la «résistance» par tous les moyens, y compris par les armes. Le cas le plus connu est le mouvement The Order dirigé par Bob Mathews, qui fut impliqué dans des braquages et des assassinats de la fin 1983 à la fin 1984. Mathews fut abattu par le FBI, tandis que plusieurs de ses militants furent condamnés à perpétuité. Ces derniers sont devenus des héros pour les nazis américains et ils sont désignés dans leur presse comme des prisonniers de guerre (POW). L’un d’entre eux, David Lane, a écrit plusieurs textes qui sont devenus des références pour ces mouvements. Ces mêmes groupes ont également adopté pour signature une phrase de Lane : «Nous devons assurer l’existence de notre race et un futur pour les enfants blancs», connue aussi sous le nom des «14 mots de Lane». Mais la revue sert aussi à Guttuso pour régler ses comptes avec le mouvement skin français qu’il trouve trop mou. Fin 1993, Guttuso rentre à Marseille, bien décidé à recruter pour la CHS. Il était inévitable que Guttuso entre en conflit avec Reemers, auréolé de ses contacts avec Blood & Honour[5]. Commencée sur des questions mineures (une annulation de concert à Marseille en juin 1995 par exemple), la rivalité prend assez vite le masque du conflit organisationnel entre les CHS et Blood & Honour France. Utilisant la revue des CHS, Wotan, Guttuso ne rate pas une occasion de tourner en ridicule Reemers et ses amis (cf. illustration). Cette situation déchire le milieu et dure jusqu’à l’arrestation en décembre 1997 et janvier 1998 en France et en Angleterre, dans le cadre de l’enquête sur la profanation du cimetière de Toulon en juin 1996, de Guttuso et ses amis, Éric Monnier (Lyon), Ronald Robin et Cyril Dieupart (Rouen). Ces derniers, très actifs sur la scène Black Metal nazie, marquaient le rapprochement entre des skins déçus par leur milieu et un genre musical propice à la diffusion de l’idéologie NS.

Qui fait le malin tombe dans le ravin !

  1. Cf. REFLEXes n°47[]
  2. La 9ème existe toujours et anime un petit label, RIH Kontact, ainsi qu’un skinzine à la parution erratique, Engrenage infernal[]
  3. Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires animées par Serge Ayoub, alias Batskin. Longtemps principale figure de la scène nazi-skin, ce triste individu s’est ensuite recyclé dans le mileu Biker puis a été emprisonné pour trafic de stupéfiants. Libéré, il serait actuellement en reconversion au Salvador.[]
  4. Se reporter à REFLEXes n° 47 et 50 pour de plus amples détails.[]
  5. Cet homme a un passé éloquent: condamné pour une bagarre avec un punk (2 mois de prison), puis à nouveau à la suite d’une bagarre lors d’un concert en décembre 1985, bagarre qui fit un blessé grave (30 mois dont six avec sursis en août 1986) ; participant actif aux ratonnades à Brest du 28 mai 1988 ; condamné à 3 mois fermes en comparution directe puis à un mois ferme en septembre 1988. Le 30 octobre 1988 arrêté pour avoir avec trois autres skinheads à moitié détruit un bar du Havre, le Restobar ; condamné avec Ayoub, Giraud et E. Rossi le 19 janvier 1994 à 8 mois de prison avec sursis a la suite de l’attaque d’un groupe de jeunes le 22 avril 1990 ; poursuivi et incarcéré depuis le 12 juin 1998 pour le meurtre de James Dindoyal, le 19 juin 1990 et condamné en novembre 1998. À noter qu’il était intégré au DPS lors des BBR de 1997…[]
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