REFLEXes

Réacs Sion

Ce texte est un extrait du dossier consacré au repli identitaire en France dans le prochain numéro de Réflexes et qui devrait paraître en avril-mai 2007.Que des groupes s’affirmant comme juifs déclarent défendre leur communauté contre la montée de l’antisémitisme, c’est fort bien. Dommage que ça ne s’étende pas toujours à toutes les formes de racisme. Que la plupart d’entre eux se donnent pour devoir de défendre l’existence et la survie d’Israël, c’est compréhensible, même si quelques présupposés de cette défense nous semblent hautement contestables. Que certains confondent la défense d’Israël et l’alignement sur ses pires décisions gouvernementales, c’est parfaitement intolérable. Que pour se faire, ils fassent l’équation tout Juif = sioniste, ce qui leur permet de traiter d’antisémite tout contradicteur, même juif, des politiques israéliennes, c’est à vomir. Ca l’est d’autant plus que l’on retrouve la même équation chez les salopards d’en face, pour dissimuler leur antisémitisme sous couvert d’antisionisme. On retrouve alors en miroir une expression raciste affirmée, des stratégies catastrophistes semant un lourd sentiment d’insécurité dans les communautés, et par ce biais, des personnages et des alliances bien connues. En luttant contre cette mouvance, nous ne nous trompons pas de combat.

La montée des actes et attaques antisémites, réels et imaginaires, la deuxième Intifada en Israël/Palestine, les provocations de Sharon sur la France, « pays le plus antisémite du monde » et l’invitation pour les Juifs français à gagner Israël au plus vite (opération « Sarcelles d’abord » lancé en 2004 par l’Agence Juive et le gouvernement israélien) ont littéralement paniqué une fraction de la communauté juive organisée, généralement sépharade ; celle-ci relève d’un passé parfois douloureux, pour qui l’ « Arabe » est devenu l’ennemi numéro 1 et le goy, le non-juif, un antisémite en puissance. Généralement plus sioniste que la plupart des Juifs de France, d’autant que ses membres ont souvent de la famille en Israël, cette fraction a le sentiment d’être constamment menacée ; lecteurs et auditeurs assidus de médias israéliens et surtout communautaires, ils se replient sur une réalité fantasmée où l’on dit que tout porteur de kippa dans la rue est en danger d’être agressé, et n’ont guère de contacts extérieurs en termes d’information. De toute façon, c’est bien connu, les médias frankaoui sont aux mains des pro-palestiniens !…

Par intérêt, naïveté ou idéologie, diverses catégories de personnes ou de groupes suivent une politique qui mènent à l’ultra-droitisation de cette partie de la communauté. En premier lieu, les fachos et les nationalistes juifs et/ou israéliens, qui, de par leurs idées racistes, leurs actions, leurs alliances ne laissent pas la moindre ambiguïté. En deuxième lieu les idiots utiles des premiers, dont la confusion qu’ils font entre antisionisme et antisémitisme n’est pas moindre que celle qu’ils décèlent, ou croient déceler dans les mouvances pro-palestiniennes. Enfin, une poignée d’intellectuels ou autoproclamés tels, donc censés éclairer les gens sur les événements et leurs significations, mais de fait plus spécialisés dans le rôle du pompier pyromane, par passion plus que raison, à moins d’un alignement sur les thèses du « choc des civilisations », version post-11 septembre…

Contre l’antisémitisme, vive l’extrême-droite !

On n’hésitera pas à placer l’avocat Maitre Gilles-William Goldnadel en première place dans la catégorie facho, et pas forcément pour des sympathies qui vont clairement vers De Villiers, dues autant à son souverainisme qu’à sa haine de la gauche et de l’Islam . Président des Amitiés France-Israël depuis 2005, Goldnadel est tout d’abord l’un des principaux acteurs de la dissolution du terme « antisémitisme », en intentant un certain nombre de procès sur cette accusation et pour « incitation à la haine raciale » à des individus aussi « dangereux » que Daniel Mermet (trois fois !), ou Edgar Morin, Sami Naïr et Danièle Sallenave ainsi que J.M. Colombani du Monde qui a publié le texte incriminé des trois derniers. On n’oubliera pas la cabale lancée aussi contre Pascal Boniface de l’IRIS, (Institut de Relations Internationales et Stratégiques). Au final, tous les procès ont été perdus, la cabale démontée, mais cela permet à un certain nombre de gens moins fréquentables de se gausser quand on les accuse d’antisémitisme : avec de tels précédents, n’est-ce pas, ce n’est plus si grave !… Et rien évidemment sur les salissures jetées sur les innocentés : même lavés du soupçon, il en restera toujours quelque chose. Les négationnistes et fachos antisémites diront merci à Goldnadel : n’a-t-il pas assigné Mermet, entre autres, pour avoir diffusé le témoignage du dernier médecin vivant d’Auschwitz, qui sera pourtant condamné suite à celà ? Ses victimes sont exclusivement à gauche : «Il faut en finir, déclare-t-il au Nouvel Obs, avec cette hémiplégie intellectuelle qui ne réserve ses coups qu’à l’extrême-droite mais protège, voire explique, les dérapages des autres : sous prétexte d’antiracisme et de générosité, on a vu des tenants d’une certaine extrême-gauche se sentir tous les droits en termes de violence et d’insolence verbales. En la matière, je suis pour l’équité!» Voire : Il a été l’avocat d’Anthony Attal de l’ultra-violente et raciste Ligue de Défense Juive (LDJ), d’Alexandre del Valle, de la journaliste et essayiste italienne Oriana Fallaci (« Les fils d’Allah se multiplient comme des rats… »), et d’Anne Kling, l’une des dirigeantes d’Alsace d’Abord, ce qui fait beaucoup et indique des choix précis[1]. Tout un programme avec ces gens-là…
«Je suis celui, sans doute, qui a le plus contribué à découpler la communauté juive de son inféodation à la gauche!»déclare-t-il fièrement. En la déplaçant à l’extrême-droite. Pour se faire, il a introduit Alexandre Del Valle, rencontré par l’entremise d’Alain Griotteray (Monsieur « pas d’ennemis à droite ») dans divers milieux de la communauté organisée. Del Valle se dit spécialiste de l’Islam (ce que démentent formellement les islamologues sérieux Olivier Roy et Gilles Kepel), et porte un solide passé d’extrême-droite, des lefebvristes aux néo-païens[2]
et qu’importe s’il essaye de faire croire que son actuel reclassement à l’UMP vaut adhésion aux valeurs démocratiques… Comme Sarkozy et bien d’autres ? Qu’à cela ne tienne : paradoxalement, Il se blanchit en contribuant à l’ultradroitisation d’une bonne partie de la communauté organisée. Grâce à Del Valle, d’ailleurs co-signataire avec Goldnadel de l’appel « Les Européens veulent la paix »[3], la théorie du choc des civilisations et l’islamophobie « intellectuelle » pénètre dans nombre de synagogues, y compris libérales, au B’naï B’rith qui va, en octobre 2001, l’inviter à parler au Sénat des «nouveaux visages de l’antisémitisme», dans les associations, au Likoud de France, à l’Union des Patrons Juifs de France, dans les médias communautaires, De Radio J à Judaïques FM, d’Actualité juive à Information juive en passant par TFJ… Il y mêlera allègrement islam, islamisme, terrorisme et dangers de l’immigration « musulmane », ce qui répond fort bien à la dérive raciste d’une fraction radicalisée de la communauté juive, mais aussi aux questionnements d’autres fractions en perte de sens vu le contexte de montée de l’antisémitisme. Mais notre homme ne devrait pas s’inquiéter de savoir si ces amours fascisantes, continuées jusqu’en 2004, déplaisent à ses nouveaux kamarades : «Peu nous importe si Del Valle a donné des conférences à des parterres d’extrême droite. Il est un de ceux qui (…) nous ont fait prendre conscience qu’il existait un Protocole des Sages de Médine », déclare André Darmon, le rédacteur en chef d’Israël Magazine. O tempora ! O mores ! Président d’honneur de France-Israël, l’amiral Michel Darmon ajoute dans une interview à Témoignage Chrétien : « Depuis dix ans, la communauté juive s’est trompée de combat. Ce n’est pas Le Pen notre ennemi, mais la politique étrangère de la France ». Tout est dit!

Les héritiers de Jabotinsky

Le Likoud-France, présidé actuellement par Frédéric Nordmann n’a jamais été bien puissant dans l’Hexagone, mais il eut son heure de gloire et de déshonneur sous la présidence du sioniste ultra Jacques Kupfer. Lui et Nordmann sont des anciens du Bétar. Lors de la signature des accords d’Oslo, Kupfer avait traité Yitzhak Rabin de « Pétain » et voulait le voir juger pour trahison. Les outrances du personnages n’ont jamais cessé : « L’assimilation et les mariages mixtes sont une « Shoah culturelle » ; «Je suis persuadé qu’il y a une guerre de l’islam contre le monde occidental, judéo-chrétien. (…) Ou bien la France sera conquise, et ce sera conforme à la doctrine islamique, ça sera un Dar al-Islam, et les Français auront les droits des dhimmis, ou sinon ce sera véritablement la guerre.»On dirait du Mégret ou du Oriana Fallaci. Aux congrès du Likoud mondial, en Israël, les Français conduits par Kupfer se font remarquer par leur extrémisme : le quotidien israélien Haaretz les décrit en décembre 1997 comme « porteurs d’un patriotisme (israélien) aveugle, doublé d’un soutien absolu pour le « Grand Israël » plus souvent motivé par une haine des Arabes que par amour d’Israël, et moins par haine des Arabes vivant dans les territoires- ils ne les connaissent pas vraiment- que par 1a haine de ces Arabes «qui prennent le contrôle de la France» Ils ne voient les Palestiniens que quelques fois par an, quand ils viennent pour affaire ou tourisme. (…) s’ils n’étaient pas juifs, Le Pen pourrait très bien les accueillir à bras ouverts. » Il qualifie les Palestiniens de « hordes barbares »et de« squatters arabes en Eretz Israël. Peut-être faut-il se rendre à l’évidence : on ne peut plus vivre avec eux si tant est qu’ils aient le droit de vivre »…(éditorial de la radio israélienne Arouts Sheva 11/08/2002). Kupfer, qui vit maintenant à Jérusalem, a été élu depuis président du Likoud mondial, dans des conditions telles qu’il a réussi a déclencher une scission d’avec la bande de Benyamin « Bibi » Netanyahou. Il n’en garde pas moins son contrôle sur le mouvement français, Nordmann étant son homme-lige. C’est également du Likoud de France que vient Alex Moïse, l’un des membres les plus actifs de la campagne pour faire interdire les spectacles de Dieudonné, et qui a été condamné en 2004 pour s’être envoyé à lui même des messages antisémites, histoire de faire monter une tension qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Nordmann quant à lui est aussi à la tête du Keren Kayemet Leisraël, très riche fondation destinée à reverdir Israël. Autre proche de Kupfer, le likoudnik Robert Zbili, à la tête de la Fédération des organisations sionistes de France (FOSF), au budget confortable. Dans son rapport 2005, le contrôleur de l’Organisation sioniste mondiale a d’ailleurs critiqué sa gestion opaque et des dépenses au profit du Likoud de France. C’est du propre !

Kupfer est assez charismatique pour avoir influencé plusieurs générations de jeunes sionistes d’ultra-droite du Bétar, adeptes des idées de Vladimir Zeev Jabotinski, dont notre homme ne cesse de se proclamer l’héritier (voir encadré).

Le Bétar-France (Brit « mouvement »Yosef Trumpeldor), créé en 1929, s’est surtout fait remarquer à partir des années 70 jusqu’en 99 pour son activisme contre l’extrême-droite française qui sera sa priorité dans l’action militaire. Outre leur entrainement physique et politique dans un château des environs de Sarcelles, les militants suivront même des formations théoriques sur la question néofasciste, jusqu’en 1997. C’était nécessaire : les anciens jeunes fascistes d’Occident, groupe mythique des années 60, se souviennent avec émotion d’un de leur kamarades, « Serge Wolyner, karatéka virtuose qui milite à mi-temps chez les extrémistes sionistes du Bétar (dont il déplore la place envahissante qu’y prennent les sépharades) »[4]. Les rumeurs d’alliance entre le Bétar et Occident viennent, entre autres, de là…

A partir de 2000 et le début de la deuxième intifada, le Bétar, comme le Tagar (« Rébellion », groupe étudiant du Bétar, né en 1985), s’offre d’autres priorités : « Aujourd’hui, le Bétar milite pour dénoncer les mécanismes intellectuels de la nébuleuse altermondialiste et propalestinienne, dont le discours accusateur et mensonger à l’égard d’Israël ne vise qu’à mieux nourrir le sentiment antijuif», annonce leur site. De l’attaque contre les fafs bons aryens, il n’en est plus question, d’autant moins qu’au nom de la haine du bougnoule, pardon, de la géopolitique proche-orientale, d’autres orientations et alliances voient le jour. Le responsable du très réac Israël Magazine en France, David Reinharc, lui même l’un des anciens chefs du Bétar qu’il a depuis quitté et ex-rédacteur en chef de sa revue trimestrielle Altalena (deux numéros parus, c’est pauvre !), s’est spécialisé dans les interviews complaisantes de personnalités connues pour leurs sentiments araboislamophobes, de De Villiers à la romancière franco-camerounaise Calixthe Beyala en passant naturellement par Alexandre Del Valle (par ailleurs co-interviewer de Beyala).

Le Bétar aujourd’hui est mourant, ce qui nous ravit tous ; d’abord pour cause de sionisme, ce qui peut sembler paradoxal ; en effet, ce parti est probablement le seul dont le sionisme ne soit pas seulement une idéologie, mais une mise en pratique : les bétarim pour la plupart s’estiment plus Israéliens que Français, et sont préparés à l’Aliya, la « montée » vers Israël. En 2005, ce sont une vingtaine de cadres du Bétar qui seraient partis, dont leur « chaliah », l’envoyé d’Israël, Arnaud Sayegh, événement généralement fatal à ce type de groupe. Auparavant, en 2003, la guerre interne au Likoud de France avait laissé le Bétar sans chef pendant près d’un an, suite à l’Aliya du « Chaliah » David Mansour. Enfin, mais aussi en conséquence, une partie des militants sont allés rejoindre la Ligue de Défense Juive (LDJ), réputée plus radicale. Les ingrats !

Ligues et milices

Déposée en préfecture sous le titre aux mêmes initiales « Liberté, Démocratie, Judaïsme » La LDJ française a été fondée en octobre 2000, par un ancien du Tagar, Pierre Itshak Lurçat. L’homme a été aussi l’animateur de l’ « association des Amis de Del Valle ». Devenu depuis avocat en Israël, il se fait aussi journaliste à l’occasion, entre autre pour le bimensuel israélien francophone L’Enjeu. Autres membres fondateurs, un directeur artistique bossant dans la pub connu sous le pseudonyme de « Michael Carlisle », et une brute épaisse du nom de Anthony Attal, au casier judiciaire chargé, et qui ne manquera pas de le charger un peu plus. Il vient cependant de justesse d’échapper à une nouvelle condamnation pour l’agression en janvier 2005 de syndicalistes distribuant un appel de solidarité avec les travailleurs palestiniens.

Lurçat nie depuis sa paternité et on le comprend, tant l’histoire de son rejeton sent le souffre. Sa petite cinquantaine de militants parisiens (allez, un noyau d’une vingtaine, pour être méchants) est entrainée au Krav Maga dans au moins deux salles de sports à Paris à côté de République et de Ledru-Rollin. Pour les références politiques, on touche le fond : Jabotinski le laïc pour l’historique, le Hérout, scission de droite du Likoud, avec le Bloc Ihoud Leoumi (Union Nationale), rassemblement de plusieurs groupes fachos religieux, le Hazit Leoumit (Front National si, si) du fou furieux Baruch Marzel, tout ce beau monde prônant le « transfert » (au moins) des Palestiniens. Anthony Attal projette en outre de lancer la section française du parti israélien Moledet, l’un des groupes de Ihoud Leoumi, qui vise à créer un « Etat juif pur » et dont l’ancien chef, le raciste et mafieux [Rehavam Zeevi->http://fr.wikipedia.org/wiki/Rehavam_Zeevi] avait été exécuté par le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine)en 2001.

Le sigle et le logo de la LDJ reprennent celui d’un parti américain (listé comme terroriste) représenté par le Kach en Israël (dissous pour… racisme en 1994) fondé par le rabbin extrémiste Meir Kahana, lui même tué à New York en 1990. Les responsables de la LDJ française nient la filiation idéologique et revendiquent l’autonomie, tout en reconnaissant l’emprunt. Pourtant, la référence à Marzel, héritier de Kahana, est sans ambiguïté, et nos doux anges organisent deux fois par an des voyages vers les colonies d’Hébron et de Kyriat Arba, chez ceux qu’en Israël même, on appelle les nazis juifs, tellement leur discours dégouline le racisme le plus abject et le plus meurtrier[5].

Pour la LDJ, contrairement au Bétar, le but premier n’est pas la préparation à l’Aliya, mais l’autodéfense immédiate, ici ou là-bas : « Juifs français et Juifs israéliens mènent la même lutte contre le fascisme islamique», dans le concret, contre tout ce qui ressemble à un arabe ou/et à un musulman, ou un pro-palestinien, voire même des antiracistes, puisqu’aidant des noirs ou des arabes, donc forcément antisémites. La ligue appelle « les Juifs Français qui restent en France à rejoindre le combat (et) défendre notre sol et notre culture pour ne jamais avoir à subir la charia

Sur la politique française, De Villiers semble avoir les faveurs de la LDJ. Mais comme on peut faire pire dans le mauvais goût, et le groupe ne s’en prive pas, il aurait, paraît-il, protégé la délégation discrète du FN (Jean-Richard Sulzer, Secrétaire Général du Groupe au Conseil Régional d’Ile-de-France, Sonia Arrouas, élue de PACA, Marie-Christine Arnautu, élue d’île de France et Philippe Chevrier, proche de Marine Le Pen), lors de la manif du 26 février 2006 après l’assassinat crapuleux du jeune Ilan Halimi, laissant le pauvre vicomte se faire interdire de manif par la LICRA.

Ces manifestations sont toutefois le moyen de juger de l’influence de nos judéo-fachos. Et le bluff marche : un noyau de quelques drapeaux jaunes, amalgamant peu à peu autour de lui plusieurs dizaines de jeunes, parfois très jeunes, manifestants, porteurs de casques de scooters dont ils se servent à l’occasion sur une tête maghrébine de passage ou un magasin tenu par un « antisémite ethnique ».

Depuis 2001, les actions violentes se sont multipliées. Il n’est pas toujours facile de répertorier celles menées par le Bétar ou le Tagar de celles de la Ligue de Défense Juive, des deux ou trois à la fois à la fois, voire par des groupes plus autonomes. Mais en six ans, on a pu répertorier une quarantaine d’attaques sur des manifs, des librairies, des rassemblements, ou en marge des manifs communautaires, jusqu’en avril 2006. L’action la plus complète et la plus spectaculaire reste la manif communautaire du 7 avril 2002, ou 200 nervis ratonnent allègrement maghrébins et africains, s’attaquent aux membres du Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ, qui dépend du CRIF, du Consistoire et du Fonds Social Juif Unifié) qui tentent de les arrêter, aux Juifs pacifistes des « amis de Shalom Arshav », aux journalistes, et finissent par poignarder un commissaire de police…). Commentaire intéressant de l’ex-présidentiable PS Dominique Strauss-Kahn : « je n’ai pas l’impression que la manifestation ait vraiment dégénéré ».

Très récemment, les fachos de la LDJ ont « invité » la très antisémite tribu Kâ (cf article sur eux dans ce numéro) qui les cherchaient dans toutes les salles de Krav Maga à venir directement les trouver rue des Rosiers. Ce qu’elle fit de bon coeur , sans trouver personne. Mais si la démonstration de force et de gros muscles des Kémites, fortement médiatisée et exagérée, a conduit à leur dissolution officielle par Sarkozy, c’est toute la rue des Rosiers qui a remarqué l’absence tonitruante de ses défenseurs autoproclamés. Depuis, la LDJ n’a plus fait parler d’elle ! Gone with the wind, les sbires de « Carlisle »[6] ?

On hésitera à leur attribuer l’agression contre une conférence de l’AFPS (Association France Palestine Solidarités) à Paris le 20 juin et l’attaque de la Librairie Résistance le 7 décembre dernier, et celle, dans un autre registre, du néo-FN Alain Soral le 13 septembre 2006 dans le quartier du Marais. Le mode opératoire est certes très similaire à celui de la LDJ : tentative d’intrusion musclée par une quinzaine de jeunes casqués pour l’une, d’une demi douzaine pour l’autre, agression à la bombe lacrymogène par 2 jeunes en scooter pour le dernier. Pas de revendication, classique, mais surtout, chose inhabituelle, pas de rumeur persistante dans un milieu où ça bavarde pourtant beaucoup !… On notera que depuis le retrait de Carlisle, c’est Attal qui a repris en main le groupe, ce qui ne plaide pas en faveur de la discrétion quand on connait le bonhomme.

La dissolution des deux groupes, Bétar/Tagar et LDJ, maintes fois réclamée par diverses organisations antiracistes et des droits de l’homme, n’a semble-t-il pas ému outre mesure le ministère de l’intérieur, ce qui fait réagir beaucoup de monde sur le deux poids deux mesures appliqués vers d’autres « milices » ou supposées telles, comme les tout aussi antipathiques Unité Radicale ou la Tribu Kâ. S’il est évident que le Bétar ou ses acronymes (GAJ, OJC, OJD…) ont bénéficié dans leur histoire de hautes protections, il est non moins vrai que le Bétar, comme la LDJ, ne revendiquent pas leurs actions violentes, voire les nient, si ce n’est sur le registre de l’auto-défense communautaire. Juridiquement, ça aide. D’autre part, le Bétar a une foule d’autres activités, sportives, culturelles, d’organisation de voyage en Israël qui rend difficile la simple accusation de « milice ». Quant à la LDJ, elle ne semble pas avoir plus de problèmes. Michel Thooris, patron de Action-Police CFTC et Villiériste de choc, « légitime » et soutient ouvertement les milices ultra-sionistes[7]. Il est vrai que le site du syndicat fait le e-lien avec bien des ultra-droites de la communauté juive, et diverses soirées ont été protégées par les amis de Thooris. Mais gare à celui qui se fait prendre et n’a pas eu le temps de fuir avec armes et bagages en Israël, terre d’asile d’un certain nombre de fous furieux : 4 mois de prison dont deux avec sursis pour William Benichou, après la ratonnade du 7 avril 2002, 4 mois de prison ferme par contumace pour Joseph Ayache (Bétar) pour agression à caractère raciste en 2004, et enfin, 10 mois de prison avec sursis et amendes diverses pour Anthony Attal, déjà cité, mythomane violent et déjà condamné pour escroquerie, ami d’Alexandre Attali que nous allons revoir très bientôt…

Agit’sale et « lobby juif »

L’association Migdal (« La tour de garde ») du chauffagiste David Bittan et de Franky Pérez, professionnel du spectacle (Victor Pérez ayant fait son Aliya mais ne se prive pas d’intervenir sur le site migdal.org) est une association de défense des politiques israéliennes, tendance « faucon ». Cela leur donne le droit, selon eux, de marquer les « mauvais Juifs », ce qui rappelle les « mauvais Français » d’autres traditions. Les signataires pacifistes de l’appel « Nous, Juifs contre les frappes d’Israël », sont donc catalogués comme petites « frappes juives », et l’acteur et humoriste Gad Elmaleh est dénoncé pour son manque d’enthousiasme dans le soutien à Israël lors d’une Ardissonerie. Le site de Migdal est très axé sur les outils de propagande multimédia : détournements de pub, montages vidéo, clips musicaux et titres originaux. On ne fait pas dans la finesse, et parfois carrément dans le gras et l’ignoble, comme la nauséeuse chanson « Mahmoud, le petit Palestinien ». Autre secteur d’action, Migdal a cédé à la mode lancée par d’autres groupements, comme l’Association pour le Bien-Être du Soldat Israélien (ABSI-Keren Or) et le Libi israélien, qui récoltent des fonds pour les soldats de Tsahal. Migdal s’occupe particulièrement du Magav, les garde-frontières, dont il est le représentant officiel en France, et dont on connaît le rôle peu gracieux dans les territoires occupés. Arno Klarsfeld, le chien de garde de Sarkozy, a parrainé le gala de mars dernier, en tant que vétéran, et Enrico Macias celui du 22 Janvier, et pour les admirateurs éventuels de ce chanteur humaniste, on regrette, ce n’est pas une erreur, il savait où il mettait les pieds. Or depuis janvier, les galas de soutien à Magav ne sont plus protégés par le SPCJ, le service d’ordre communautaire.
Il est vrai que le CRIF trouve ces agités racistes et extrémistes de plus en plus pesants. Des amis de Migdal ont suppléé au problème en créant leur propre « garde de protection communautaire », baptisée en toute simplicité Fier d’Etre Juif (FEJ). FEJ a défilé une première fois en service d’ordre lors de la première manifestation communautaire après l’assassinat du jeune Ilan Halimi, le 19 février dernier. Ce ne sont apparemment pas des tout jeunes, comme la LDJ. En sont-ils moins dangereux ? Vu le contenu de migdal.org, on ne le pariera pas. Mais il y a eu aussi le 22 janvier l’aide de la société PSPB (Protection et Sécurité des Personnes et des Biens) spécialisée dans la protection rapprochée et dirigée par Avi Attlan, instructeur Krav-Maga en Ile-de-France. On l’avait déjà vu gérer la sécurité au Bataclan le 14 mai 2002 pour la soirée soutien a Tsahal organisée par l’UPJF. Certes, Business is Business, mais quand même…

Migdal.org n’est pas sans rappeler à plus d’un titre le site arabislamophobe France-Echos. Ce n’est peut-être pas un hasard : l’un des administrateurs de ce dernier, Charles Dalger, intervient aussi sur Migdal … Comme Henri Dahan, d’ailleurs, qui se vante de faire le lien entre la communauté et De Villiers… Les deux sites se sont pourtant méchamment accrochés ces derniers temps, France-Echos reprochant à Migdal ses liens avec… un vieux nazi reconverti dans le sionisme militant, Joël Tropée. Sortez les camisoles !

Le marquage des mauvais juifs entrepris par Migdal avait un précédent : le site amisraelhai.org (« le peuple d’Israël vit »), où Alexandre Attali appelait les internautes à infliger crachats et coups de battes de base-ball à certaines personnalités d’origine juive, marquée d’une petite étoile bleue à six branches. Cette marque à l’étoile avait ému autant que la liste. Le site faisait partie du réseau liberty-web.net qui a réussi, de février 2001 à mars 2003, le tour de force de créer les conditions d’un rapprochement « judéo-chrétien » entre nationalistes français et ultra-sionistes sur la base de la haine araboislamophobe et de ses « collabos » antiracistes ou simplement mous : la page d’acueil de l’hébergeur fustigeait la « Ripoublique bananière islamique de Francarabia » et son président « Ben Shirak ». Le portail regroupait 24 sites qui proposait des liens renvoyant vers les autres. Colonne vertébrale du réseau : le forum de discussion d’un des sites hébergés par Liberty-web, Sos-Racaille. L’animateur de ce dernier, Joël Sambuis, nationaliste français réfugié en Russie, était aussi l’administrateur de Liberty-Web. Un autre site d’intérêt, qui d’ailleurs existe toujours en plus « modéré » est aipj.net, une sorte d’agence de presse spécialisée dans la « rectification » des dépêches AFP et dans la dénonciation de la couverture du conflit israélo-palestinien par les médias, systématiquement accusés d’épouser la cause « terroriste » et le « totalitarisme islamiste »… Fallaci et Del Valle étaient naturellement des références maintes fois signalées

Après plus de deux ans d’activité, le 7 mars 2003, l’administrateur de liberty-web.net a fermé l’ensemble des sites hébergés, à la surprise générale, à commencer par celle des militants de base du réseau et des webmasters des sites hébergés. Attali, d’amisraelhai.org, a depuis été jugé et condamné à quatre mois de prison avec sursis et environ 13 000 euros de dommages-intérêts pour incitation à la haine raciale. Lors de son procès, on a pu assister aux grands moments d’Anthony Attal et de ses petits copains de la LDJ : « Auschwitz n’est pas fini ! », a-t-il subtilement lancé à Rony Brauman, l’un des « mauvais juifs » de la liste noire d’Attali, tandis que Michel Warshawski essuyait un « Traitre à ta race ! » se voulant définitif !

Migdal entretient d’excellents contacts avec l’Union des Patrons Juifs de France (UPJF) de Claude Barouch. L’UPJF rassemble surtout des professions libérales et des petits patrons aigris, mais ne cherche pas à ressembler à une sorte de MEDEF ethnique afin de défendre les intérêts économiques et patronaux juifs. Il s’agit d’un lobby politique, sur le modèle américain de l’AIPAC (American Israeli Political Affairs Committee) avec qui l’UPJF entretient certaines relations. Mais des liens plus étroits la ratttachent à l’American Jewish Congress, à ne pas confondre avec l’American Jewish Committee. Le premier étant moins important et beaucoup plus droitier que le second. «Il y a un véritable lobby musulman en France, beaucoup plus puissant que vous ne pouvez l’imaginer. Il faut construire un véritable lobby juif pro-israélien derrière l’Union des patrons juifs de France !» proclame le vice-président de cette organisation très liée à Alexandre Del Valle. Cela ressemble aussi aux souhaits de la très sharoniste Elizabeth Schemla et de son pote Sylvain Attal, du site d’informations Proche-Orient Info, qui avait par ailleurs essayé de passer sur son site une interview très complaisante de Le Pen père. Sur Paris, ils remplissent un Bataclan, et encore, sur des thèmes consensuellement ultrasionistes. Mais comme tout le monde se connaît, il faut relativiser l’importance du réseau d’influence… Avec tous les noms cités et leurs amis, on remplit déjà la moitié de la salle…

En 2002, tout ce beau petit monde s’est retrouvé pour la remise au journaliste de France2 en charge du conflit israélo-palestinien, Charles Enderlin du « prix Goebbels de la désinformation ». Kolossale finesse ! Les organisations n’avaient pas apprécié sa couverture de la mort très médiatisée du petit palestinien Mohamed Al-Dura ; elles estimaient que l’enfant, tué par les tireurs israéliens dans les bras de son père lors d’un échange de tir, aurait en fait été abattu par les Palestiniens, voire même serait encore vivant, de toute façon, son père était un dealer, etc… Tsahal a depuis reconnu sa responsabilité… Le rassemblement était appelé par un collectif contre la désinformation derrière laquelle on retrouvait, entre autres, toutes les associations animées par l’inénarrable Goldnadel, dont le fils est un petit caïd du Bétar, et notre vieille connaissance représentant la LDJ Pierre Itshak Lurçat, contre qui plainte a été portée pour diffamation… Pour la même raison, Philippe Karsenty, de l’UPJF, directeur de Media-Ratings, une des très nombreuses « agences de presse contre la désinformation » comme Guysen ou Metula News Agency (la Mena) vient d’être condamné à 1000 euros d’amende..

Ce harcèlement du journaliste, fut-il juif, surtout d’ailleurs s’il est juif, est devenu une habitude : On rappellera la cabale menée contre Alexandra Schwartzbrod, correspondante de Libération à Jérusalem juste avant la seconde Intifada. Elle a dû rapidement regagner Paris. La Mena, entre autres, l’accusait systématiquement depuis janvier 2002 d’« incitation à la haine ethnique » et de « propagande anti-israélienne »…

Les idiots utiles

La liste est prodigieusement longue de ceux et celles, sionistes convaincus mais démocrates et humanistes sincères, ou qui se croient tels, qui « pètent les plombs » dès que l’on critique Israël, et se muent en inquisiteurs bornés hurlant aussitôt à « l’antisémitisme » sans peur des confusions et de leurs conséquences politiques et humaines. Pour ceux qui justement, construisent et alimentent cette confusion par haine de la gauche et/ou de l’Islam et des arabes, c’est tout bénéfice. Par facilité et manque de place (il faudrait un bottin) nous ne citerons ici que quelques individus et groupes qui, à un moment ou à un autre, ont accepté de travailler ou s’afficher avec les tenants réacSionistes ou fachosionistes de la communauté.

Outre Cukierman (voir encadré), nous citerons parmi les idiots utiles à l’extrême-droite sioniste le B’naï Brith qui a énormément travaillé pour faire connaître Del Valle dans la communauté, où qui ne cesse de harceler l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) par le biais de plaintes à la Mairie de Paris 11ème , mais comme leur président Marc Lumbroso se démarque du radicalisme de sa base, nous serons bons princes et ne les rangerons pas dans le tiroir facho. Difficile aussi de ranger Marc Knobel (association « J’accuse », Centre Simon Wiesenthal, CRIF…) dans le même tiroir, mais quelqu’un qui signe avec Del Valle dans le Figaro (22 avril 2002) sur l’axe rouge (anars compris), vert brun ne nous permet pas de lui décerner un brevet d’intelligence politique. Ne nous gênons pas pour y mettre tous les médias, télé (TFJ), radios et magazines, qui contribuent largement à la confusion et la perte de sens de la communauté, notamment ceux qui appellent régulièrement sur leurs ondes ou dans leurs colonnes Alexandre Del Valle ou le « libertarien » Guy Millière, aussi connu et adulé dans toute l’extrême-droite pour son racisme arabislamophobe revendiqué. Spéciale dédicace pour Radio J de Serge Hajdenberg, qui reçoit régulièrement la chronique de Goldnadel.

Dans la séquence « mettons de l’huile sur le feu » par les médias, on rappellera Elie Chouraqui et son documentaire sur l’antisémitisme « ordinaire » entre lycéens de deux établissements à Montreuil en 2004. Des riverains et les directrices des deux établissements avaient immédiatement contesté le parti-pris sulfureux du réalisateur, d’autant plus qu’un travail commun existait entre les deux établissements, occulté par Chouraqui. Le maire Jean-Pierre Brard était intervenu, mais en des termes qui permirent à Chouraqui de gagner contre lui un procès en diffamation.

L’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) a des responsables haïs par les judéo-fachos, ce qui devrait nous les rendre sympathiques. Ils ne sont pas responsables non plus du fait que « Carlisle », de la LDJ, soit issu de leurs rangs. Ils déclarent qu’il ne faut pas « importer le conflit proche-oriental dans les universités » ; c’est raisonnable mais contradictoire avec un engagement militant sioniste sans faille qui dégénère : En janvier 2003, le rassemblement de protestation organisé par l’UEJF contre la suspension de la coopération universitaire contre Israël avait tourné en chasse à « l’antisioniste », avec Bétar et LDJ qui en profitent. Autre exemple : lors de la double agression contre des étudiants antisionistes radicaux de l’AGEN la même année par la LDJ qui aboutira à la condamnation d’Anthony Attal, l’implication de Maxime Pérez responsable de l’UEJF-ParisX, mais aussi infiltré du Bétar, sera formellement reconnue. Pire encore, la participation de l’UEJF aux côtés de Goldnadel à la cabale anti-Mermet et anti-Boniface. Même s’ils se retirent quand il est question d’Edgar Morin, les conneries, ça se paye ! Hop ! Dans le tiroir. En plus, ils participent à SOS-Racisme, ce qui, en matière d’idiotie, tient du pléonasme…

On n’oubliera évidemment pas la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), membre du CRIF, spécialisée dans les procès pour antisémitisme, avec ou sans guillemets, et qu’on retrouve généralement plus près de SOS-Racisme que des autres organisations dans les mobilisations antiracistes. Soit, nous savons que la LICRA a attaqué Fallaci, n’apprécie pas l’araboislamophobie de De Villiers et nous avons bien rigolé quand elle a attaqué Anne Kling pour incitation à la haine raciale, défendue par son compère Goldnadel… Mais, outre les habituelles accusations pour « antisémitisme », on a beaucoup moins rigolé quand on a vu que la LICRA s’associait à Goldnadel pour attaquer Mermet, exemple le plus spectaculaire d’une confusion générale, même si elle aussi a reculé devant un procès à Edgar Morin. Enfin, à pleurer, l’implication de son président Patrick Gaubert dans l’affaire des « massacres du Beach » au Congo Brazzaville : à partir du mois de juillet 2004 jusqu’au procès en 2005 qui s’est terminé en tragique farce, Gaubert n’a cessé de faire pression sur les familles des victimes du Beach pour qu’elles abandonnent les poursuites intentées en France contre plusieurs responsables du régime de Denis Sassou Nguesso. On attendait autre chose du bonhomme ; la section locale de la LICRA aussi…

Débranchez les « intellos » !

« Au fond, Tarik Ramadan, il n’est ni affreux, ni sympathique. Je suis beaucoup plus choqué par des traîtres juifs comme les Brauman et autres. Alors évidemment, Monsieur Mermet, le journaliste Brejnievien, monsieur Langlois, le chef de Politis, quelques autres, ils savent dire les choses autrement. Et c’est comme ça qu’on peut pas les coincer ceux-là. Ces gens là me semblent infiniment plus méprisables, infiniment plus répugnants. »C’est du Alexandre Adler dans le texte, sur Proche-Orient-info. Cela donne une idée du style de certains intellectuels, ou proclamés tels, qui ont remplacés l’analyse, ou le semblant dans le cas d’Adler, par l’invective. Plus de débats, plus de dialogue, plus de sens sinon la destruction de l’adversaire, « l’antisioniste/antisémite ou le traître juif » par les gros mots qui tuent. Petit florilège : Pierre-André Taguieff accuse pêle-mêle de « judéophobie » islamistes, antisionistes, gauchistes, altermondialistes et – là encore – Juifs en proie à la haine d’eux-mêmes. Quelle misère pour nous, à Réflexes, qui avons chacun au moins trois livres de lui dans nos bibliothèques, de constater où peuvent conduire les ravages de l’âge. Histoire de nazifier un peu tout ça au cas où l’on n’aurait pas encore compris (horresco referens !), Adler, au moment du boycott universitaire de 2003, fulmine : « le mot abject de boycott qui nous replonge dans le souvenir des années 30 » ; on rappellera de notre côté question souvenir qu’Adler fut mao, stal un jour, stal toujours a la mode du procureur Vychinski et que question boycott, notre génération se rappellera aussi celui plus récent contre le régime d’apartheid sud-africain… soutenu depuis les années 50 par les gouvernements israéliens successifs. Ah, le problème des mémoires sélectives … Ancien gauchiste lui aussi, Jacques Tarnero brode sur « l’habillage neuf, relooké des mots du progressisme, qui donne à la vieille passion antijuive une saveur acceptable, presque vertueuse. C’est inepte, mais mieux écrit, ça résume la pensée actuelle du bonhomme qu’il développe ad nauseam un peu partout, surtout dans les sites pré-cités. La palme revient sans aucun doute à Alain Finkielkraut, qui accuse le cinéaste israélien Eyal Sivan d’être antisémite au motif qu’il a réalisé un film très critique sur la politique menée par le gouvernement d’Israël à l’égard des Palestiniens (route 181, avec Michel Khleifi). Ce « philosophe » néo-réac avait déjà sorti un certain nombre d’énormités comme ce jugement lapidaire sur les émeutes dans les banlieues de fin 2005 : « Il est clair que nous avons affaire à une révolte à caractère ethnico-religieux ». Devant une telle lucidité, on ne s’étonnera pas de l’entendre balancer ce type de raisonnement : « Dans l’idéologie communiste, l’oppresseur avait le visage du bourgeois. Dans l’idéologie antiraciste, l’oppresseur a le visage du nazi. Les juifs n’étant plus les opprimés, il faut donc qu’ils soient des nazis. »

C’est peut-être à cause de tout celà, ou bien des paroles de Goldnadel, qui appelle à ne pas sataniser des «personnalités aussi considérable que Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen » que ces deux-là se sont mis en embuscade : « Face à l’intégrisme islamique, nous partageons des inquiétudes communes avec les organisations représentatives des juifs de France », balance Mégret dans Le Parisien. Les observateurs notent que le vote pour Le Pen, même s’il ne rejoint pas la moyenne nationale, n’est plus un tabou. Le portable de Marine est ouvert pour tout appel venant de la communauté, instance ou média. On ne s’étonnera donc pas, après la ballade de Sulzer protégé par la LDJ, de voir quelques figures du milieu arpenter les stands de la dernière fête BBR : on a cru voir Attal (Anthony) de la LDJ, qui a démenti aussitot, mais peut-être a-t-on confondu avec Attal (Sylvain), de Proche-Orient Info, qui a tenté d’ailleurs d’y placer une interview complaisante de Le Pen père. La peu sympathique mais lucide Elizabeth Schemla l’a fait passer à la corbeille, Mais Sylvain en a rajouté en se faisant tout aussi complaisamment interviewer dans Le Choc du Mois, mensuel aux amitiés nationalistes sans ambiguités. Le Monde de son côté a formellement reconnu « Michaël Carlisle », venu «à titre personnel», mais avec deux acolytes apparemment plus discrets. Ont-ils croisé et salué Dieudonné ? La côte de Villiers, on l’a vu, est aussi en hausse : Le Vicomte, qui dispose d’un véritable fan-club dans le milieu judéo-facho, de Goldnadel à Migdal en passant par la LDJ et l’UPJF, a multiplié les actes de présence et de solidarité au moindre incident (assassinat d’Ilan ou Tribu Ka) dans la rue ou sur les médias. Cela suffira-t-il ? La communauté juive est bien plus large que sa représentation, institutionnelle ou fantasmée, et si la solidarité y a son importance, ce sont des intérêts beaucoup plus classiques qui jouent, qui heureusement dépassent de loin le communautarisme.

Citizen Caïn

ENCADRE : LES PARADOXES DE GOLDNADEL

Outre les amitiés de Goldnadel avec un Del Valle qui a fréquenté assidument les milieux les plus néo-nazis, on pourra parler de sa propre signature aux côtés de la plupart des grands noms de la Nouvelle Droite et des néo-païens dans l’appel « Les Européens veulent la paix » en 99 contre les frappes en Serbie. Mais il peut plaider l’ignorance, d’autres l’ont fait. Il est quand meme piquant de voir son nom figurer aux cotes d’une bonne poignée d’antisémites reconnus, sans compter l’antisioniste radicale Ginette Skandrani, copine de toute la mouvance négationniste en France.

Sa copine Anne Kling, la dirigeante du parti d’extrême-droite Alsace d’Abord qu’il a défendu contre ses potes de la LICRA (un des rares procès qu’il a gagné), vient de commettre un bouquin chez Dualpha : « La France LICRAtisée », préfacé par Alain Soral, lui-même compère de Dieudonné, ennemi de Goldnadel. Finalement, dans la haine, tout le monde se retrouve.

Goldnadel est aussi le président d’ « Avocats sans Frontières » (aucun rapport avec l’association de solidarité internationale du même nom), aussi spécialisée dans l’inquisition anti-« antisémite », mais dont le principal titre de gloire a été le « contrôle », au Gabon, de la « régularité » de l’élection du président Bongo, dénoncée par tous les autres observateurs ! Normal pourtant pour cet ami de Charles Pasqua, l’homme-symbole des réseaux françafricains. Sait-il par ailleurs que l’un des conseillers de Bongo n’est autre que Tawfik Mathlouti, le créateur de Mecca-Cola, président sur Paris de Radio-Méditerranée, l’un des principaux vecteurs en France des négateurs de la Shoah[8] ? Parmi les avocats de cette association d’avocats non reconnue par la profession, il nous faut citer la très active Aude Weill-Reynal, soeur du journaliste haut placé à France-Télévision Clément Weill-Reynal, lui-même grand pote de Goldnadel dans le registre inquisitorial et président de l’Association des journalistes juifs de la presse française. On se gardera par contre de le confondre avec Guillaume Weill-Reynal, auteur d’une bienvenue Contre-enquête sur le «nouvel antisémitisme», paru en 2005 chez Armand Collin ; mais ce sera difficile : ils sont frères jumeaux !

ENCADRE : A L’ORIGINE DU NATIONALISME ET DU FASCISME JUIF

Les idées de Jabotinski, aussi appelées « révisionnisme » (aucun rapport avec les négationnistes), allait clairement dès les années 20 à droite et à l’extrême-droite du sionisme, ce qui n’ira pas tout seul avec les autres courants qui se veulent partie prenante du mouvement ouvrier. Plus tard, les politiques des différents gouvernements israéliens rendront les différences plus ténues, voire nulles. Les « révisionnistes » rêv(ai)ent du grand Israël, englobant le sud-Liban et la Jordanie et ne sont pas trop regardant sur les moyens. On leur reconnaîtra une franchise qui détonne par rapport à la gauche sioniste qui décrit cyniquement une « terre sans peuple pour un peuple sans terre »[9] : Jabotinski reconnaît l’existence des Palestiniens et leur légitimité sur leurs terres. Mais, estimant que deux légitimités ne peuvent s’entendre sur une même terre, celle-ci sera au vainqueur, qui sera juif. Entretemps, par antibolchevisme, il se lie en Ukraine avec l’ataman nationaliste et pogromiste Semion Petlioura, ennemis des blancs, des rouges et de Makhno. En Pologne, ses hommes feront de même avec les nationalistes antisémites polonais de la Endécia, et une partie d’entre eux, allemands, avec les nazis dans les années 30, quand ces derniers n’avaient pas encore entériné la « solution finale »[10] N’avaient-ils pas tous le même objectif ? Le départ des Juifs d’Europe … et la même haine pour les communistes et la gauche en général. Le Bétar, né en 1923, jouera du gourdin contre les grévistes et autres « gauchistes ». L’habitude est prise…

Comme pas mal de mouvements de l’époque, les révisionnistes seront tentés par les idées fascistes : uniforme brun (devenu depuis bleu azur, ça passe mieux), discipline et culte du chef, et racisme : Jabotinski refuse la mixité. Mussolini est un grand admirateur de notre homme et accueillera une école navale du Bétar à Civita Vecchia. Touchée par tant de gentillesse, la nouvelle promotion entonnera « Giovinezza », l’hymne fasciste. Entre 45 et 47, l’Irgoun et le Lehi (groupe Stern) n’hésiteront pas à pratiquer l’assassinat politique (Comte Bernadotte…) et le terrorisme aveugle ( bombe au King David de Jérusalem – 200 morts, massacre de civils palestiniens à Deir Yassine – 250 morts). Le Hérout, puis le Likoud, avec Menahem Begin et Yitzhak Shamir, puis Sharon et Netanyahou, sont les successeurs directs du révisionnisme de Jabotinski. Quand ces tristes sires s’expriment sur « le terrorisme », c’est en experts particulièrement sanglants de la chose.

C.C.

ENCADRE : CUKIERMAN SORT SON CRIF

Cukierman, le président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) est de par son rôle et ses responsabilités le premier des idiots utiles du fachosionisme. Le bougre en rajoute volontiers et donne du coup une très sale image du Conseil qui n’en mérite pas autant qu’on voudrait bien lui reprocher : en septembre 2001 il déclare à Haaretz : « Lorsque Sharon est venu en France, je lui ai dit qu’il doit absolument mettre en place un ministère de la propagande, comme Goebbels. » Décidément, avec le prix du même nom, le personnage marque beaucoup de gens !! Encore à Haaretz,entre les deux tours de la présidentielle de 2002 : « Le succès de Le Pen est un message aux Musulmans de se tenir tranquilles, parce qu’il s’est toujours opposé à l’immigration musulmane ». (23 avril 2002). Avec le 7 avril 2002, Cukierman, sans l’avis du bureau du CRIF, a inventé la manif communautaire, où le rejet de l’antisémitisme colle tellement le soutien à Israël qu’elle perd toute visée universaliste, donc crédibilité. Rebelote avec la manif du 16 mai 2004 : cortège contre l’antisémitisme devant avec les organisations de la communauté, contre le racisme derrière avec les associations des Droits de l’Homme. Enfin, lors des dîners du CRIF, où se pressent la plupart des responsables politiques français, il se prend plus pour l’ambassadeur d’Israël (qui n’en peut mais) que pour un porte-parole communautaire. Même si le CRIF ne cache pas son soutien à Israël, ça fait désordre… Lors du dîner de janvier 2003, Roger Cukierman dénonça « un axe rouge-Vert-brun, dérapant de l’antisionisme à l’antisémitisme ». Cela lui vaudra un claquage de… porte du représentant des Verts et une assignation en justice de la part de la LCR et de LO. Seuls quelques initiés noteront qu’il a repris exactement la formule inventée par Alexandre Del Valle, ce qui est logique vu que les rédacteurs de ses discours ne sont autres que Goldnadel et Weill-Reynal (Clément !). La LDJ l’apprécie, c’est bien normal, et elle n’est pas la seule dans le petit ghetto judéo-facho. Mais l’homme est toutefois plus con que facho, et est capable de prodigieux rattrapages, ce qu’il est bon de souligner : changeant rapidement son uzi d’épaule après le fameux dîner, il organisera une visite de conciliation chez les Verts. Il est aussi l’homme qui a engagé le dialogue avec une organisation musulmane, et pas la plus tendre puisqu’il s’agit de l’UOIF (cf « Allah va comme je te pousse »).

Au sein du CRIF, on s’arrache quand même la kippa sur cet incontrôlable mais on le réélira : vu que le CRIF est plus enclin au clientélisme qu’à la transparence démocratique, les logiques politiques sont un peu obscures pour des libertaires. C’est dire où cette institution est tombée pour ceux qui se rappellent Théo Klein… Le CRIF est le rassemblement d’une kyrielle d’associations religieuses, laiques, politiques ou culturelles, dont pas mal de coquilles vides d’ailleurs, qui peuvent être politiquement très éloignées les unes des autres. Cela dément toute possibilité de travail d’influence et de rôle de « lobby »que certains lui reprochent souvent. Certes, les athées, les anticommunautaristes, les antisionistes trouveront à bon droit toutes les raisons possibles de détester cette institution, mais on constatera qu’elle est loin de rassembler les ultras de Sion : La LDJ n’a jamais essayé d’y entrer ; le Bétar l’avait quitté après les accords d’Oslo… Si on retrouve Goldnadel ou Weill-Reynal, ou les militaristes israéliens de l’ABSI- Keren Or, on rencontrera aussi les yiddishistes de l’Arbeter ring/cercle amical ou les soç-dem gauche sioniste pacifiste d’Hashomer Hatzaïr, impliqués dans les Amis de La Paix Maintenant. C’est bien d’ailleurs ce que lui reprochent les ultras qui estiment que le CRIF ne représente plus la rue juive. Eux, par contre…

C.C.

  1. Et aussi du trafiquant d’armes russo-canado-angolo-israélien Arkadi Gaydamak, réfugié en Israël pour échapper à un mandat d’arrêt international délivré contre lui dans l’affaire de l’«Angolagate». Gaydamak a récemment acheté le club de foot très droitier « Bétar » Jérusalem, mais c’est un hasard, on vous jure ![]
  2. Sur le passé( ?) très néo-nazi-païen-européen du monsieur, lire entre autres Portrait Alexandre Del Valle, ou Réflexes n°4 (2001) pour la version papier.[]
  3. Rappelons que bien des signataires l’ont signé par sympathie pour une Serbie qui, depuis dix ans, luttait contre la « menace islamique » représentée selon eux par les musulmans de Bosnie et du Kosovo. Qu’importe si ces derniers ont été les principales victimes des politiques de « purification ethnique »… []
  4. Collectif : « Les Rats Maudits : histoire des étudiants nationalistes 1965-2005 », éditions des Monts d’Arrée, 1995, p.15.[]
  5. C’est de là que vient Baruch Goldstein, militant LDJ puis Kach israélien, massacreur de 29 civils palestiniens au tombeau des patriarches en 1994 avant de se faire tuer. Le premier kamikaze du conflit. Les combattants-suicides palestiniens n’ont fait qu’imiter ce premier exemple.[]
  6. E.S. alias Michaël Carlisle, dépressif, ayant annoncé son intention de se retirer, nous ne tirerons pas sur l’ambulance, sauf, évidemment, si elle revient…[]
  7. Thooris a pris la tête d’Action Police CFTC en 2004. Le syndicat a pesé vaillamment 1,44% lors des dernières élections professionnelles de novembre 2006, avec une équipe de campagne farcie d’anciens du syndicat d’extrême-droite FPIP comme J.C. Carme, David Orlandi ou Flavien Bénazet. La section Corse de Pierre Deplanque a depuis rejoint le FN. Lors des émeutes des banlieues, ces flics ont réclamé « l’intervention de l’armée »… Trop, c’est trop, et la CFTC a mis Action Police sous tutelle ![]
  8. Selon Luiza Toscane, du media indépendant Le Réveil Tunisien, 25 juin 2003[]
  9. A l’exception notable de Martin Buber et du parti Ihud (Union), travaillant à une meilleure entente entre Israéliens et Arabes, se faisant les apôtres d’un État bi-national et démocratique en Palestine. On rêvait utopie et kibboutz socialistes libertaires en ces temps-là…[]
  10. Pendant la guerre, les ultras du Lehi (groupe Stern) proposeront même une alliance avec les nazis pour chasser les Britanniques de Palestine. L’Irgoun quant à elle se rangera du côté des alliés. Dans l’insurrection du ghetto de Varsovie, le Bétar jouera un rôle héroïque, mais un peu tardif au vu de ses politiques antérieures et séparé des autres unités juives, qui même à ce moment, avaient du mal à frayer avec les chefs « révisionnistes ». []
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