REFLEXes

D’une manifestation l’autre : 1er Mai et 9 Mai 2007

En l’espace de deux semaines, l’extrême droite parisienne – et dans une moindre mesure nationale – a montré que sa tendance la plus radicale avait encore de beaux jours devant elle et que les questions persistantes sur l’avenir du FN n’étaient pas un cas de conscience pour tout le monde.

Un 1er Mai pêchu

Le 1er Mai tout d’abord. Si l’année dernière tout le cortège ne bruissait que de commentaires sur De Villiers et ses tentatives d’OPA inamicale sur les militants et les électeurs du FN, cette année le nom du Vicomte avait totalement disparu des préoccupations des participants. À la place, une partie du cortège semblait frappé de sidération face au braquage électoral sarközyste. Comment un homme qui semble si peu aimer ce pays dans ses réalités « charnelles » et dont la femme déclarait à Libération en 2004 qu’elle était « fière de ne pas avoir une goutte de sang français dans les veines » pouvait-il bien avoir réussi un tel tour de prestidigitation patriotique ? Les commentaires allaient donc bon train sur l’attitude à adopter au second tour et, inévitablement, sur les responsabilités à chercher du côté du Front National pour expliquer une défaite pour le moins cuisante. Cela se traduisait par quelques sifflets visant Marine Le Pen en provenance des rangs du FNJ lorsque la fille du chef rejoignait le cortège à Saint-Augustin. Il faut dire que les relations ont été mauvaises tout au long de la campagne entre la structure de jeunesse et Marine Le Pen au point que certain(e)s militant(e)s du FNJ en sont venu(e)s aux mains et aux larmes avec la structure des Jeunes avec Le Pen cet hiver lors d’un meeting-débat à La Plaine-Saint-Denis. Les Jeunes avec Le Pen est en effet une création directe de l’équipe de Marine Le Pen en vue de pouvoir compter sur une structure de jeunes plus docile et moins provocatrice. L’attitude du FNJ tout au long du cortège a montré que la méfiance de Marine Le Pen n’était pas usurpée. Emmenés par une direction nationale très en forme, en particulier Alexandre Ayroulet et Marie-Adélaïde Michel, les jeunes militants ont pu en effet se déchaîner, tant dans les slogans – « Europe, Jeunesse, Révolution », « Islam hors d’Europe » – que dans les chansons avec Les Lansquenets. Si les têtes de cortège ne lançaient pas forcément tous les slogans, du moins ne faisaient-ils rien pour les freiner, donnant ainsi une tonalité très radicale au défilé…

Le cortège dans son ensemble présentait d’ailleurs une tonicité assez surprenante pour un parti relégué à 10,5%. Il était par ailleurs plus étoffé que les deux années passées mais cela était peut-être du au fait que, par curiosité ou par intérêt, un certain nombre d’ex-militants frontistes étaient venus faire un tour au défilé. C’était par exemple le cas d’une délégation MNR et en particulier de Bruno Mégret mais également de toute la galaxie groupusculaire d’extrême droite, du Renouveau Français venu en masse vendre L’Héritage aux Identaires venus non moins vendre ID Magazine en passant par le RED venu vendre Le Dissident. Tout ce petit monde compte évidemment bien prospérer sur les tensions internes du FN pour récupérer des militants, chacun se plongeant avec délice dans la surenchère ethnique ou nationaliste pour démontrer qu’ils sont les seuls purs. On pouvait même voir circuler des tracts du fantomatique Réseau France Nationaliste de Thierry Maillard, à qui Libération avait fait l’honneur de rendre compte de son appel à barrer la route à Nicolas Sarkozy quelques jours plutôt. Côté invidualités, on pouvait voir Alain Soral défiler avec une petite cour d’aficionados ou la petite bande à ex-gudards, comprenez M. Chatillon lui-même avec femme, enfants et amis, visiblement remis de son altercation musclée avec des hools du PSG le soir du 1er tour au Paquebot, ces derniers ayant essayé de s’en prendre à Dieudonné (Minute de la semaine dernière). En queue de cortège, on trouvait l’habituelle cohorte de skins, avec leur panoplie familière en ce genre d’occasion.

Place de la Concorde, le FN avait considérablement avancé la « tribune présidentielle » ce qui donnait l’illusion d’une place remplie. Du coup les stands des structures amies ou tout du moins tolérées étaient entassés dans un coin. Paul Thore et ses t-shirts faits main, les Bonnivard et leur soupe au cochon transgénique, Thibaud de Chassey et ses productions patriotes, Paul Pittet et ses décorations mélusiennes avaient quand même réussi à se faire une petite place. Le discours de Le Pen était peu audible mais la ferveur de ses militants toujours intacte. Qui a dit que notre époque moderne ne recèle plus de grand mystère ?

Un 9 Mai confus

Une semaine plus tard, le nationaliste de base était convié à ressortir son plus bel habit du mercredi pour commémorer la mort de Sébastien Deyzieu. La confusion semble avoir régné tout le début de semaine, les antifas étant prévenus par la Préfecture de Police de Paris de certaines dispositions qui, à l’évidence, s’appliquaient à la manifestation nationaliste et à la contre-manifestation antifa. Après avoir été sérieusement limitées, les manifestations étaient finalement autorisées le mercredi après-midi mais sur des distances très limitées et avec une multitude de rues interdites.

De fait, c’est peu dire que ce 9 mai du côté des antifas ne restera pas dans les annales ! Les manifestations anti-sarko de dimanche, lundi et mardi soir (ainsi que leur lot d’arrestations), les pressions policières sur certaines organisations politiques, ont sans doute eu un impact sur la faible mobilisation de notre côté. Mais ne nous voilons pas la face, nous n’avons pas su gérer le casse-tête administratif mis en place par la police pour nous gêner. Un réel manque de réactivité nous a empêché de retourner la situation à notre avantage. Résultat à 19h30, un peu plus d’une centaine de sympathisants ou militants se rassemblaient à Saint-Michel. On était bien loin des effectifs habituels pour un 9 mai ! Malgré tout, cela n’a pas empêché les personnes présentes de passer outre les ordres de la Préfecture de Police et de marcher en direction de Port-Royal, vers le point de rassemblement des militants d’extrême droite. Finalement la police encerclera assez rapidement les antifas pour ensuite les embarquer vers un commissariat du 18e arrondissement de Paris. Soyons clair et que cela nous serve de leçon : si tout le monde avait décidé de se rassembler, nous aurions pu engager un rapport de force avec la police, mais devant notre très faible nombre, les organisateurs nationalistes du 9 mai avaient le champ libre pour négocier l’autorisation de leur manifestation.

En effet et fin de compte, le cortège nationaliste se formait et recevait à l’évidence l’aval de la préfecture, permettant ainsi à 350 militants ou sympathisants auxquels s’étaient adjoints une soixantaine de hooligans du PSG de faire leur balade nocturne, encadrés par un service d’ordre lourdement équipé. Organisé cette année par Pro Patria, un réseau de vieux militants parisiens d’origine diverse qui semble s’être formé l’automne dernier et qui s’est déjà signalé par divers collages ou bombages, le cortège réunissait des militants des différentes organisations natio : FNJ (sans son directeur national cette année), Renouveau Français (Thibaud de Chassey, Bruno Archier, Charles-Alban Schepens, Sylvain Jaurand, François Dussoubs, etc), Jeunesses Identitaires, nazis skins divers et variés de toutes générations (Batskin et quelques vieux JNR, etc…), ex-gudards (Frédéric Chatillon, Axel Loustau, etc…), individualités comme Hervé Lalin ou Éric Iorio, membre de la direction du FN et époux de Marine Le Pen… Le trajet emprunté était le même que l’année dernière et finissait sans incident notable rue des Chartreux.

De drôles de paroissiens

Après la traditionnelle chansonnette agrémentée de quelques slogans hools, tout ce petit monde repartait vers Montparnasse et, tandis que les hooligans divaguaient en direction de Port-Royal, ce qui restait des manifestants allait sagement rue de la Tombe Issoire (14e arrdt) se mettre au chaud dans la salle paroissiale de l’église Sainte-Dominique pour écouter deux groupes ayant une ressemblance somme toute assez sommaire avec la chorale des Petits Enfants à la croix de bois, à savoir les Italiens de Zetazeroalfa et les crypto-identitaires parisiens d’Hôtel Stella. Le groupe emmené par Gaëtan Bertrand avec le renfort de Richard Pareti (ex-In Memoriam) est censé jouer du « rock hussard » en s’inspirant du courant littéraire du même nom. En fait, la référence à la littérature n’a pas semblé heurter les skins présents, en particulier Batskin, qui se sont lancés dans des pogos dignes d’un groupe de RAC et le groupe lui-même d’ailleurs n’a pas semblé gêné outre mesure par la gerbe de bras tendus saluant certaines de leurs chansons ou reprises. Le tout s’est de nouveau passé sans incident, du moins tant que nous y étions.

Que dire de cette soirée ? Évidemment que c’est une défaite pour les antifas comme nous le soulignions précédemment et il serait stupide de nier le contraire. Mais ce triste constat appelle cependant quelques nuances. Tout d’abord la préfecture semble avoir clairement choisi la manifestation nationaliste, ses représentants sur place tolérant même que des individus défilent casque sur la tête et manche de pioche à la main. Le préfet ne pouvant être soupçonné de quelque sympathie que ce soit eu égard à son attitude face à la soupe identitaire, cela vient donc sans doute de la prise en compte de la situation en début de soirée, à savoir d’un côté 400 gugusses bien équipés, de l’autre entre 100 et 200 personnes peu organisées, non armées et à la dangerosité fort limitée. Le dispositif policier a donc entièrement été mis au service des natios et le plus cocasse de cette soirée aura finalement été de voir tous ces militants, profondément révolutionnaires comme chacun sait, rouler des mécaniques dans un espace totalement nettoyé d’une quelconque opposition par l’intervention des forces de l’ordre. Cela ne sembla pas gêner les hools et cela n’empêcha pas les militants de crier « Pouvoir assassin ! » en fin de manifestation. Comme c’étaient les mêmes qui criaient « Les CRS avec nous ! » lors des manifestations anti anti-CPE de mars 2006, la boucle est bouclée…

Ensuite le milieu nationaliste radical parisien semble engagé dans une dynamique unitaire qui lui donne le nombre, la force et les moyens. Cette dynamique naît bien évidemment d’un contexte plus général qui lui est favorable : échec du FN et remise en question de la stratégie frontiste, débat public récurrent sur l’identité nationale… Autant dire que les thématiques anti-autoritaires et égalitaires n’ont pas exactement le vent en poupe…
Enfin, au delà du fait qu’on peut se demander si le prêtre de la paroisse Sainte-Domique était bien au courant de la nature exacte des activités qui avaient lieu dans son sous-sol, si même dieu se met de la partie et contre nous…

Publié le 11 mai 2007

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