REFLEXes

Comme un indien métropolitain…

Je ne souhaiterais à personne ce genre d’exercice : il est trop périlleux. Certains par le passé s’en sont relativement bien tirés, tel «Le roman de nos origines» paru dans La Banquise n°1 et racontant l’itinéraire d’une partie du courant ultra-gauche français. Mais comment aborder dix ans d’action politique et d’intervention sur le champ de l’antifascisme et de l’anticapitalisme ?
Faut-il commencer par dix ans de slogans, dont le succès se mesure à la manière dont ils ont été repris par d’autres organisations politiques (y compris nos ennemis) : «Sortons de notre réserve», «C’est à la misère qu’il faut s’attaquer, pas aux immigrés !», «Police partout, justice nulle part !» ?
Faut-il continuer par dix ans de construction acharnée d’un collectif sous tous ses aspects, avec bien souvent l’impression de bégayer : dix ans de presse, d’interventions sur le terrain, de concerts, d’erreurs grossières, de réseaux départementaux, régionaux, nationaux, européens, galactiques ? Ou par dix ans de fâcheries diverses et variées avec tout le monde, y compris et surtout avec les personnes qui étaient bien souvent les plus proches du collectif, en précisant assez inutilement que ces fâcheries n’eurent bien des fois qu’un lointain rapport avec la politique ?
Ou encore par dix ans d’analyses, dont la validité n’a hélas jamais été aussi affirmée, sur la montée en puissance d’une xénophobie née du système capitaliste ?
Faut-il terminer par dix ans de luttes à venir qui seront sans doute parmi les plus décisives ?
Puisqu’il faut bien commencer par quelque chose…

Ce n’est qu’un combat, continuons le début !

Prenez un groupe de jeunes, étudiants ou lycéens, de Nanterre ou d’ailleurs en région parisienne, membres d’une structure libertaire relativement restreinte (Coordination Libertaire Étudiante), déçus par le faible travail de fond du mouvement libertaire ou l’absence de liaisons entre différents fronts de lutte, confrontés à une lame de fond autoritaire symbolisée par la montée du FN… Secouez le tout, servez en 1986, vous obtenez REFLEX, Réseau d’Étude, de Formation et de Lutte contre l’Extrême-droite et la Xénophobie, vilain petit canard prêt à lutter sur tous les fronts : mesures sécuritaires, immigration, antifascisme, luttes de libération nationale et sociale, soutien aux personnes incarcérées, antimilitarisme. Cela reflétait les centres d’intérêt des différents «fondateurs» ainsi que la période politique dans laquelle cette création prenait place. La droite revenait au pouvoir en portant haut la bannière de l’Ordre et des valeurs, l’espoir de voir émerger un mouvement autonome de l’immigration s’éloignait après son phagocytage par la pieuvre social-démocrate et sa tentacule SOS-Racisme, l’extrême-droite progressait, portée entre autres par les calculs politiciens des uns et des autres. Le camarade Vladimir Illich aurait dit «Que faire ?», certains ne se posaient plus la question depuis 1984 et la première réponse radicale contre le FN à Toulouse, à savoir l’attentat contre le palais des congrès qui permit l’annulation du meeting de Jean-Marie Le Pen. L’émergence dans cette ville d’un mouvement autonome antifasciste affirmant qu’il fallait empêcher l’extrême-droite de s’exprimer ouvrait la voie à de nouveaux regroupements, qu’ils se nomment Section Carrément Anti Le Pen ou CRAFAR (Lille), Urgence (Lyon), CAF (Marseille) et qu’ils s’appuient sur des conceptions libertaires, léninistes ou tout simplement mal définies ?
Assez rapidement, l’antifascisme radical est devenu l’objet privilégié de lutte, avec comme base une réflexion simple : l’extrême-droite est un condensé de tout ce qu’on peut exécrer en tant que libertaire : conception autoritaire et élitiste de la société, vision suprémaciste blanche très largement répandue parmi ses membres, patriarcat, instrumentalisation par la bourgeoisie. Cela partait d’une vision correcte des choses qui pourtant n’est pas passée au-delà des militants : le FN a bien un rôle de diviseur du mouvement social entre les petits blancs et les autres mais ce n’est pas une marionnette, ni un pantin et il n’est que porté par un très large mouvement de la société en faveur de l’Ordre et de la sécurité. La Coordination Nationale AntiFasciste qui se crée en 1987 affirmait donc la nécessité d’investir le milieu social sous toutes ses formes et en particulier le milieu associatif. Pendant ce temps, il naissait des SCALP un peu partout, à partir de groupes d’amis et sous des formes chaotiques. Cette atmosphère faite de délires médiatiques et d’exaltation rigolarde n’est sans doute pas près de se revoir de sitôt en politique. C’est sans doute la seule bonne chose qu’ait pu nous apporter l’émergence du FN en tant que force électorale…
Ce qui est sûr, c’est que l’antifascisme radical n’a pas marché :
- Le milieu associatif ou syndical n’a pas vu débarquer des hordes de militants radicaux conscients de la partie à jouer. Incapacité à tenir les objectifs affichés ? Certes, mais faute de troupes : que faire à 200 ? Or mis à part certaines villes, la plupart des SCALP n’ont jamais compté plus de militants que celui de l’université de Tolbiac avec sa dizaine de membres…
- REFLEX n’a pas réussi à fixer autour de lui les dizaines de jeunes cotoyées lors des manifestations et concerts. Pire, les fâcheries ont été si nombreuses qu’une partie de ceux qui liront cet article se sentiront concernés par ces lignes : fâcheries politiques avec l’OCL en 1988-1989, avec la SCALP de Paris et ses «débris» en 1991 ou avec d’autres encore; fâcheries pour des poils de moustache(1) avec des individus dont le ressentiment est aujourd’hui bien souvent apaisé, Bakounine soit loué !
- Une génération fiable de militants n’a pas émergé de ces cinq années d’activisme échevelé.
Mais après tout, puisqu’il faut bien se consoler avec quelque chose, l’opération socio-démo-politicarde SOS-Racisme a-t-elle mieux réussie avec des moyens sans comparaison aucune avec ceux possédés par la CNAF durant 3 ans ? Et cela doit-il occulter l’incontestable tentative de renouveau de l’implication libertaire qu’a pû représenter l’association REFLEX durant toutes ces années ?

Après la pluie, le beau temps…

1991 s’est donc présentée comme l’année noire de l’antifascisme radical. Cette situation peut très largement s’expliquer par le manque de perspectives politiques qui pouvaient s’offrir aux vues des militants. L’accusation de servir la soupe à la social-démocratie par le biais d’un antifascisme borné était toujours latente de la part de «camarades» radicaux toujours bien intentionnés. Mais les bonnes fées de l’antifascisme étant nombreuses et persévérantes, l’année suivante a vu une certaine renaissance qui n’a cessé depuis de se confirmer. Il faut dire que ce mouvement s’est avéré un peu général. «Comités Ras l’Front», «Ligue antinazie», «Jeunes contre le Racisme en Europe», «Comités contre Le Pen»… Les autoproclamés arrières petits-enfants de Trotski ont décidément l’art et la manière de multiplier les structures attrape-militants. Ils ne sont pas les seuls ! Ainsi en est-il des «Manifeste contre le Front National», «Comité de vigilance contre l’extrême-droite» et autres attrape-ploum-ploum pré-électoraux. Beaucoup de sincérité «antifasciste» derrière tout cela mais combien d’analyses justes sur la responsabilité des «démocrates» dans la montée du Front et l’origine capitaliste de celle-ci ? De fait, la relance d’un nouveau réseau antifa-radical à partir des décombres de la CNAF s’est-il traduit par un saut qualitatif dans la lutte contre les miasmes frontistes ? Déjà, le changement de nom s’est avéré plus convivial que l’ancien «CNAF» qui ressemblait tant à l’aboiement du labrador à feu monsieur le président. Lorsque l’on connait l’importance des sigles dans le petit milieu libertaire, on comprendra immédiatement l’enjeu de la chose… Ensuite, d’une façon ou d’une autre, l’élargissement régulier des contacts et l’enracinement de ces derniers a permis des échanges dont la CNAF n’avait pas offert d’exemples à l’époque de sa «gloire». Certes, ce n’est pas le réseau No Pasaran qui arrêtera la progression du FN et l’installation de la barbarie au coeur des métropoles capitalistes. Mais constituer un grain de sable est déjà en soi un objectif à part entière… Si cela peut également permettre une mise en pratique de principes et pratiques politiques différentes, le bonheur sera complet. Seulement, il est évident que la tâche sera ardue : REFLEX a changé, mais le P.F.F. (Paysage Faf Français) aussi. Le travail de fourmi prend donc définitivement la place du militantisme spontanéiste, celui qui nous voyait courir un peu partout dans Paris quelque fois derrière et bien souvent devant nos ennemis fafounets. Voyons ce qui modifie quelque peu la donne…

À Saint-Cloud, rien de nouveau ?

En dix ans, les craintes que l’on pouvait avoir à l’égard du renforcement des tendances xénophobes des sociétés européennes se sont hélas confirmées… Pourtant l’évolution de l’extrême droite française n’est pas seulement quantitative, elle est également qualitative. Ainsi il est certain que l’enracinement du Front National prend des allures électorales choquantes : meilleur score aux élections présidentielles en 1995 avec 15% des suffrages exprimés, quatre villes d’importance conquises… Pourtant, est-ce vraiment cet aspect des choses qui doit nous faire hurler au retour du fascisme ? Après tout, le FN ne progresse bien souvent que grâce à une abstention massive qui n’a jamais été aussi peu porteuse de perspectives de rupture avec le système démocratique libéral, n’en déplaise aux compagnons anarchistes abstentionnistes. Quel commentaire à apporter face à l’élection cantonale partielle de Toulon en septembre dernier au cours de laquelle le candidat frontiste progresse de 15 points alors qu’il y a 66,63% d’abstentions ?
Par contre, il est clair qu’en dix ans, la légitimité et le discours du FN ont changé. D’une façon ou d’une autre, le FN est devenu le pivot incontournable des droites radicales en France. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour faire ce constat : il suffit de faire le bilan de ce qui est et de ce qui n’est plus. Exit les groupuscules plus ou moins folkloriques qui attiraient à eux une fraction radicalisée de la jeunesse nationaliste :
- Le GUD a été absorbé par Renouveau Étudiant dont il assure l’encadrement, tout en se permettant quelques facéties qui doivent rappeler le bon vieux temps aux plus anciens militants : collages d’affiches anti-israëliennes ou anti-gouvernementales sur le périphérique parisien, «commando» itinérant qui depuis un an laisse des traces à intervalles réguliers dans le cuir chevelu des étudiants syndiqués de quelques campus provinciaux. Les affrontements physiques des campus parisiens (Sorbonne, Tolbiac) ont disparu et ceux qui refusent la normalisation frontiste ont été contraint de se réfugier dans des petits regroupements plus ou moins obscurs : Union Nationale des Etudiants de Droite ou petites revues du type Réfléchir & Agir(2). Ceci dit, cela n’empêche pas tous ces joyeux drilles de se croire encore au bon vieux temps, comme le démontrent les dernières mésaventures policières de F. Châtillon, D. Warlet ou É. Rossi qui feront l’objet d’une prochaine étude de Réflexes. L’UNED a rejoint au printemps de l’année dernière une myriade de petits groupes(3), composés de dissidents du FN pour la plupart, pour former l’Alliance solidariste. Cependant, selon les responsables de l’Alliance, celle-ci n’entend pas concurrencer le FN mais «l’aider dans tous les cas où cela sera possible.» Cette position a le mérite d’être claire, contrairement au solidarisme lui-même qui, rappelons-le, se veut(4) «une doctrine politique prônant la création d’une organisation sociale respectant les aspirations matérielles, intellectuelles et spirituelles de la personne, pour assurer en particulier l’équilibre entre la responsabilité de l’individu et sa liberté, la prise en compte concrète à tous les niveaux de la société des diverses solidarités dans lesquelles il est engagé et la détermination de la finalité sociale.» Si vous pensez que tout cela est bien confus, vous avez raison car «la définition du solidarisme recherche moins la clarté que l’unité.»(5). On ne lui fait pas dire…
- La mouvance nationaliste-révolutionnaire s’est trouvée absorbée dans l’orbite frontiste, alors même qu’elle semblait s’en éloigner depuis quelques années. Ainsi, lorsqu’en 1991 Troisième Voie scissionne entre l’organisation Nouvelles Résistances et les Bases autonomes (bien vite disparues) et chasse Jean-Gilles Malliarakis de son poste de secrétaire général, c’est au nom de la pureté de la doctrine nationaliste-révolutionnaire, considérant que J.-G. Malliarakis n’avait fait que mener une politique réactionnaire, assujettie aux intérêts du FN et pousser le mouvement NR dans une impasse. Nouvelle Résistance paraissait alors vouloir développer une politique s’appuyant sur la pensée de théoriciens comme Jean Thiriart et le national-bolchevisme, ne ratant pas une occasion de vilipender son ancien secrétaire général et le FN, qualifié de parti raciste et de valet du système. Les thèmes développés par NR à travers sa presse allait de l’écologie au soutien aux mouvements de libération nationale et l’infiltration de quelques mouvements politiques progressistes semblait en être une conséquence logique. Pendant ce temps, Malliarakis adhérait officiellement au FN, développait des thèses ultra-libérales sur les ondes de son émission de Radio-Courtoisie, abandonnait son poste de responsable francilien de la CDCA et finissait par fermer sa librairie «héritée» d’Henri Coston : la Librairie française.
En cet automne 1996, les choses sont devenues plus claires et le retour de NR dans le giron extrême-droitier est bien avancé comme en témoigne les «événements» de cette année : promotion d’André-Yves Beck, cadre NR et ancien TV, au poste de Chargé de la communication de la mairie frontiste d’Orange(6), participation remarquée aux différentes manifestations organisée par le FN comme celle de septembre à Marseille consécutive à l’assassinat d’un collègien, promotion interne au poste de responsable de la jeunesse de Fabrice Robert, conseiller municipal frontiste francilien et leader du groupe bonehead Fraction Hexagone, scission d’une partie des militants cet été sur la question de l’inféodation de NR au FN dans la perspective définie par le secrétaire général Christian Bouchet de développer des thèses nationalistes-révolutionnaires au sein du FN. Il semble que le chant des sirènes frontistes ait résonné plus fort aux oreilles de C. Bouchet que ses précédentes affirmations, du type :«J’ai beaucoup de mal à imaginer comment on pourrait s’affirmer NR au sein du FN d’une manière cohérente et suivre la ligne de celui-ci : réclamer la suppression de l’impôt sur le revenu, manifester pour le rétablissement de la peine de mort, cohabiter avec un sioniste comme Hemmerdinger ou un zouave pontifical comme Romain Marie.» Il est clair que même si, en façade, Nouvelle Résistance continue d’exister(7), ce sera dans l’orbite et avec l’aide du FN(8), comme le démontre la présence de militants NR sur certains marchés et en particulier celui du XIII° arrdt de Paris.
- Les groupuscules à sensation l’Œuvre française et PNFE demeurent dans leur léthargie, ponctuée épisodiquement de «scandales» ou de «coups», telle l’appartenance au PNFE d’une partie des profanateurs de Carpentras ou la préparation d’un attentat contre Patrick Gaubert en 1993-1994 par des soudards de l’Œuvre. Ces deux structures n’ont finalement jamais pesé aussi peu dans le camp nationaliste, tant en terme d’influence politique qu’en terme numérique. Cela ne peut que pousser certains vieux routards de ces groupes à se rapprocher du FN, comme l’a finement noté le Monde avec sons sens aigüe de l’observation politique et comme le prouve l’acceptation de double appartenance de la part de l’Œuvre. Il en va de même des «figures» ultra-nationalistes des années 1980-1990 : Olivier Mathieu, Yann-Ber Tillenon, Tristan Mordrel, Michel Faci, etc… Certains ont disparu et pris la fuite après de multiples fâcheries, avec le PNFE par exemple, d’autres tentent vaille que vaille de maintenir quelques activités alors même qu’ils n’ont cessé d’accumuler les déboires financiers, en particulier dans le domaine de l’édition et des librairies. C’est ainsi qu’à Paris la Librairie a pris le relais d’Ogmios et a été elle-même remplacée par l’Æncre qui vient de se faire racheter par des militants FN ou proches du FN qui tirent leurs fonds des juteux commerces de la Sécurité et des minitels roses.

Un parti national et social ?

Par ailleurs, le FN a manifestement décidé d’accentuer son discours rupturiste et ce pas forcément sur ce que l’on croit. Jusqu’à présent, le Front national proclamait clairement son appartenance à la droite et aux valeurs de celle-ci en s’affirmant «droite nationale et populaire»(9). Il n’est pas évident que le slogan «Ni droite, ni gauche, Français !» ne soit autre chose qu’une affirmation volontariste comme le FN en a le secret. Les différents sondages de l’année dernière consécutifs aux procès intentés par le FN à certains organes de presse pour «affirmation calomnieuse» montrent, y compris pour ses plus farouches électeurs, que le FN est un parti de droite, dès lors que la valeur fondamentale de ce courant est encore d’être le parti de l’Ordre. L’expression médiatiquement à la mode de «gaucho-lepénisme»(10) semble de fait assez décalée…
Par contre, le noyau dur du FN accentue manifestement son objectif de diffusion de thèmes jusqu’alors au second plan mais qui deviennent la nouvelle ligne du parti, justifiant ainsi l’analyse de H. Arendt sur les cercles du totalitarisme et la diffusion des idées les plus ignobles au travers de ces cercles pour atteindre la société toute entière. Il en va ainsi du thème de «l’inégalité des races», inoculé à la société toute entère grâce aux mass-media après avoir été diffusé par le passé dans la littérature du mouvement :«Il existe des races différentes, des ethnies différentes, des cultures différentes, je prends acte de cette diversité et de cette variété, mais j’établis bien sûr une distinction à la fois entre les êtres et entre les peuples ou les nations. Je ne peux pas dire que les Bantous ont les mêmes aptitudes ethnologiques que les Californiens, parce que cela est tout simplement contraire à la réalité. (…) S’il est exact que les Hommes ont droit au même respect, il est évident qu’il existe des hiérarchies, des préférences, des affinités qui vont de soi.»(11) Il en va de même de l’antisémitisme, avec des attaques lors du premier mai 1996 contre «le capital anonyme et vagabond», «la minorité anonyme et conquérante», «le complot mondialiste visant à détruire les nations et les structures de l’ordre naturel», «la domination complète de toute la planète dans tous les domaines : financier, économique, commercial, juridique, voire religieux.» En comparaison, la tentative d’implantation sociale et les déclarations qu’elle suscite de la part des dirigeants du parti(12) ne correspondent donc pas tant à une affinité soudaine pour le progressisme social qu’à une stratégie simple et efficace de développement du parti. Ce n’est donc pas le FN qui se durcit (il n’a pas fondamentalement évolué dans ses références et sa vision du monde) mais les différents cercles qui l’entourent dans la société, de l’électeur fidèle au simple sympathisant sur le thème de «l’immigration-invasion». Ce saut qualitatif du discours se traduit par la place prise par le FNJ au sein du FN et qui serait impensable dans n’importe quel autre parti. La fascination pour cette jeunesse et le culte qu’elle entraîne depuis toujours dans ce courant politique poussent le FN à laisser le FNJ diffuser une image fasciste(13) du mouvement qui n’est plus vue comme un handicap puisque c’est toute une partie de l’opinion qui la porte par sa xénophobie.
Pour conclure à titre provisoire, le FN est plus que jamais un diffuseur de métastases xénophobes et autoritaires dans la société. Il n’est sans doute ni plus ni moins fascisant qu’il y a quelques années, par contre son discours a peu à peu modelé certains pans de la société au point que ses idées n’ont jamais été aussi dangereuses. C’est clair : on est bien reparti pour dix ans de luttes ! Mais cette lutte se fera sur le terrain, dans la rue, par tous les moyens nécessaires et certainement pas dans les urnes. Que cessent donc pour tout le monde les illusions social-démocrates serait ainsi le meilleur présage d’une lutte victorieuse.

Notes
(1)Comprenne qui voudra et qui pourra…
(2)Les rédacteurs de la revue rappellent cependant à intervalles réguliers que, faute de mieux, ils soutiennent le FN, considérant que ce parti, malgré tous ses défauts, demeure le principal espoir d’accèder au pouvoir pour le camp nationaliste.
(3)Mouvement solidariste français, Groupe solidariste Francité, Sauvegarde des métiers, Alliance nationale, Cercle Saint-Michel, Fragments, Cercle des Jeunes Agriculteurs Français, Décision française, revue L’Écritoire.
(4)Citadelle n°6, juillet-août 1992, revue de France-Solidarité, groupe dont faisait partie Gérard Bouchet, à présent dirigeant du Mouvement solidariste français.
(5)Idem
(6)Cf Réflexes n°47
(7)Un nouveau bi-mensuel est d’ores et déjà sorti, Voix du Peuple, dans lequel C. Bouchet affirme avoir été victime d’une manœuvre de «l’extrême-droite sioniste». En fait, il semble qu’une partie des membres du CE de NR ait pris le contrôle des finances (juteuses grâce aux Lybiens !!!) et de Lutte du Peuple. En tout état de cause, en ce printemps 1997, chaque partie continue son petit bonhomme de chemin.
(8)On peut étayer cette affirmation avec les accusations de Tribune juive début octobre, démenties par J. Bompard dans National-Hebdo du 17 octobre 1996, selon lesquelles Lutte du Peuple devenu Voix du Peuple serait imprimé par la mairie d’Orange. Le maire d’Orange nie cela d’autant plus fermement que, selon lui, la mairie ne possède que des photocopieuses. Lorsqu’on constate la piètre qualité d’impression de Voix du Peuple, on en conclut immédiatement qu’accusations et démentis ne sont pas incompatibles…
(9)Cf Militer au Front ou également l’interview de J.-M. Le Pen à National-Hebdo n°563 en mai 1995.
(10)Expression «inventée» par Pascal Perrineau
(11)Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, 1984
(11)Cf le salut de Le Pen lors du premier mai à «la longue lutte des travailleurs et des syndicats pour plus de justice, de sécurité et de liberté dans le travail.»
(12)Une étude un peu exhaustive des bulletins régionaux du FNJ suffit à s’en convaincre. Dis-moi quelles sont tes références historiques et politiques, je te dirai qui tu es (ou qui tu hais d’ailleurs…)

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