Depuis quelques jours, les organisateurs de la mobilisation contre la loi sur le « mariage pour tous » déclarent ne rien avoir en commun avec les « extrémistes » qui provoquent les affrontements avec la police en fin de manif, réclament l’intervention de Manuel Valls et des forces de l’ordre, et souhaitent carrément les envoyer en prison, comme l’a récemment déclaré sur Canal + leur égérie… pardon, leur porte-parole, Frigide Barjot. Et cela semble marcher tant bien que mal. La manif parisienne de dimanche dernier a été effectivement un peu plus « propre » que les précédentes. Il faut dire que le service d’ordre avait été passablement renforcé par du personnel professionnel provenant de deux sociétés de sécurité, et que les policiers en civil surveillaient tout particulièrement le lieu servant de rendez-vous pour les militants de Civitas, et par conséquent pour ceux du Gud, du RF et autres JN.
Mais revenons un peu sur la nouvelle coqueluche des médias (en passe de supplanter Marine Le Pen, pourtant fort appréciée dans les rédactions) et son passage au Petit Journal de Canal + vendredi dernier. Frigide Barjot se plaint donc allègrement de la présence de « groupuscules identitaires » dans ses manifs, les désigne, les montre du doigt et réclame, tant qu’à y être, de les envoyer « en taule ».
C’est la diffusion en tout début d’émission d’images de la fin de la manifestation du mardi 16 avril qui provoqua ces réactions.
Madame Barjot nous montre à son tour sur son portable la même scène, mais prise dès le début. On y voit un responsable de la manif appeler à la dissolution, et se faire insulter par un solide gaillard. Le ton monte rapidement entre le SO et l’effronté accompagné de quelques amis, qui en viennent aux mains avec le SO, tout en insultant au passage les journalistes.
Cela pourrait être une scène classique de manif, celle d’un SO officiel au prise avec des jeunes gens un peu plus énervés ou des militants plus radicaux (que celui qui n’a jamais jeté une pierre nous jette la première !), sauf que dans le cas présent, les jeunes gens énervés ne sont plus si jeunes que cela, puisque l’agitateur de fin de manif n’est autre qu’Axel Loustau, un ancien du Gud. On aurait dû (ou pu) s’en douter : là où il y a de l’agitation, il y a du « gudard » !
Tout chef d’entreprise qu’il est devenu, il semble avoir du mal à rompre avec sa jeunesse[1] . Ayant déjà beaucoup écrit sur [le monsieur et ses amis], au premier plan desquels Frédéric Chatillon, nous nous contenterons ici de revenir sur ces deux ou trois dernières années…
Après Chatillon, un autre « prestataire de service » du FN ?
Bien qu’aimant la discrétion, Axel Loustau refait parler de lui dès 2009. C’est Le Canard Enchainé qui s’étonne de voir sa société Vendôme assurer la sécurité d’un colloque en présence de Nicolas Sarkozy à l’Ecole Militaire, alors que selon le palmipède « la famille Loustau a, aux RG, une fiche épaisse comme le Bottin » (Le Canard Enchainé du 18 mars 2009). L’année suivante, c’est le groupe des Verts à la Mairie de Paris qui dénonce l’attribution de la sécurité du 104 (haut lieu de la bobo-attitude parisienne) à Vendôme, et là encore la presse ressort les liens entre Vendôme, Loustau, le Gud et le FN[2] (Le Parisien du 19 juillet 2010). D’ailleurs, un an plus tard, en novembre 2011, la sécurité autour de ce lieu posa problème lorsque les catholiques intégristes de Civitas sont venus perturber la pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu. Ne pouvant être au four et au moulin, certains employés de Vendôme ont dû choisir entre protéger le site et soutenir leurs camarades intégristes ! 2011 fut par ailleurs vraiment une mauvaise année pour lui, entre un contrôle fiscal, l’inspection du travail et même la Halde qui s’y met… Pas toujours facile de cumuler activités professionnelles et activisme politique !
Enfin, en 2012, c’est le retour aux affaires. Marine Le Pen a repris en main le FN, et il semblerait qu’il y ait moyen de bien, et même très bien, s’entendre avec elle. N’étant pas plus adhérent au FN que ne l’est son ami Chatillon, c’est très certainement en tant que prestataire de service (toujours dans le domaine de la sécurité) qu’on le voit au plus près de Marine Le Pen lors du Premier mai. Cela ne nous avait guère surpris à l’époque, les débordements récurrents du DPS (service d’ordre historique du Front) ne correspondant plus du tout à la stratégie de dédiabolisation engagée par MLP : il nous était apparu évident que, tout comme elle avait confié sa communication à un prestataire de service (Frédéric Chatillon, et sa société Riwal), elle allait s’adresser à une société de sécurité pour ses manifestations de grandes ampleurs, et pour cela il n’y avait pas à chercher bien loin, car c’est le métier de notre ami Loustau. C’est très certainement à ce titre qu’on le voit participer à la protection rapprochée du cortège de tête. En effet, comme le montre les photos suivantes, le « prestataire de service » A. Loustau se trouve au cœur du dispositif de protection de la candidate Marine Le Pen, évoluant sereinement entre les membres du DPS et ceux du SPHP (Service de Protection des Hautes Personnalités, anciennement dénommé VO, Voyages Officiels) présents pour assurer la sécurité de Marine Le Pen durant la campagne présidentielle (comme c’est le cas pour tous les candidats, disons un tant soit peu sérieux).
Quelques jours plus tard, le 13 mai, c’est en marge du défilé du « Comité du 9 mai » organisé par Serge Ayoub, que nous le croisons, donnant l’accolade à Edouard Klein, responsable du Gud du moment, et accessoirement fils d’une vielle amie du couple Chatillon-Loustau…
À moins qu’il ne soit venu saluer un collègue, Daniel Mack, qui, quinze jours auparavant, assurait lui aussi la protection de Marine Le Pen (juste devant le père et la fille) : mais ce jour-là, il défilait fièrement sous les couleurs des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR) de Serge Ayoub, alias Batskin…
Mack réussit l’exploit d’être à la fois membre du DPS et des JNR, dont la devise est « Croire Combattre Obéir » : mais dans ce cas là, qui croire ? Qui combattre ? les skins dont Marine Le Pen ne veut plus ? C’est-à-dire ceux-là même que Daniel Mack va encadrer 15 jours plus tard ! Et surtout, pour le soldat Mack, à qui obéir ? C’est la question qu’il se pose peut-être avec son « grand» ami Olivier, qui lui aussi jongle entre ses prestations pour le Front national et ses apparitions au sein des JNR. Les voici tous les deux côte à côte dans la manif du Premier mai, puis en compagnie de Gilles Dussauge[3], historique bras droit de Serge Ayoub, ou encore en porte-drapeau des JNR à ce même « 9 mai »…
À première vue ,les problèmes que soulèvent le cumul des mandats ne se posent pas qu’aux élu(e)s !!
Quand il y en a plus, il y en a encore !
Pour en revenir, et en finir, avec Axel Loustau, on peut noter qu’il n’était pas venu tout seul faire de l’agit-prop’ autour de la « Manif pour Tous » puisque dès le début de l’altercation, nous voyons Lancelot Galley et Albéric d’Herbais venir l’épauler :
Albéric d’Herbais[4] a l’honneur d’être à la fois le beau-frère de Chatillon, puisque frère de Marie d’Herbais[5], et d’avoir été l’employé de Loustau jusqu’en septembre dernier (il était responsable de la sécurité de sites Microsoft pour la société Vendôme). Quant à Lancelot (si ! si ! c’est son vrai prénom !), s’il n’est pas vraiment de la même génération, il a réussi à faire sa place dans le petit monde des « anciens du Gud ». Il est devenu notamment chef de projet chez Cigales Médias[6], montrant là une fois encore à quel point ce petit milieu fonctionne en réseau très fermé, tout en restant dans le giron du FN[7] .
Tout récemment, Marine Le Pen, après la diffusion de photos de sa nièce montrée en fort mauvaise compagnie[8], a déclaré qu’elle remerciait « les balances » qui l’aidaient à faire le ménage dans son parti tout nouveau tout propre. On lui rétorquera tout simplement : « Marine, paye ta cotise ! ».
- En parlant de jeunesse, on tient à remercier ici Corentin Denis, réalisateur du documentaire Léon Degrelle, la führer de vivre et ancien du GUD des années 1990 pour ces images émouvantes d’un tout jeune Axel Loustau se faisant dédicacer un ouvrage par un de ses héros, au son de « mon Général, c’est un très grand honneur » :
[↩] - rappelant entre autre que Loustau a été un candidat FN, notamment aux législatives de 1997 dans les Hauts-de-Seine.[↩]
- Gilles Dussauge (le fameux « Grand Gilles ») était déjà très proche de Serge Ayoub, du temps où celui-ci se faisait appeler Batskin, il sera lui aussi inquiété et interrogé lors du procès de Régis Kerhuel[↩]
- Avant de travailler dans la sécurité, Albéric d’Herbais louait de pauvres roulottes sur l’ex-propriété familiale du château d’Alincourt à des gens du voyage, qui voulaient le traîner en justice pour escroquerie, en raison de l’absence de permis de construire. Cf. Courrier Picard du mercredi 4 mars 2009[↩]
- Cette dernière, après des années de bons et loyaux services au sein du Front, annonça en février dernier sur son compte Facebook ne plus se reconnaitre en « tant que Natio au Front National », égratignant au passage le « Philippot de Merde » (lu sur le site du Parti de la France Bretagne de Jean-Marie Lebreau, qui doit bien doucement ricaner, lui qui a passé 17 ans comme DPS au Paquebot !). Last but not least, 2 jours plus tard c’est la LDJ qui enfonce le clou en mettant en ligne une autre de ses déclarations « L’Islam est un Instrument de la Juiverie Internationale. Point Final ! », tout en rappelant sa proximité avec Marine Le Pen. Sans surprise elle a perdu son poste au FN dans les jours qui suivront. Encore une victime de la « doctrine Philippot » ?[↩]
- Société de régie publicitaire pour les commerçants et propriété de la société Taliesin de Philippe Peninque, devenu grâce à l’affaire Cahuzac une véritable vedette.[↩]
- Autre exemple de proximité : dans un article en 2004, nous parlions d’une SARL de presse, les éditions Objectif France, montée par quatre jeunes cadres du FN, parmi lesquels figuraient Thomas Lagagne (un très proche de Loustau et Chatillon) qui est devenu cadre chez Vendôme (chargé des Ressources Humaines) et un certain … Louis Alliot, qui a mené depuis la carrière qu’on lui connait au sein du FN et qui est devenu le compagnon de Marine Le Pen.[↩]
- Cette diffusion vaudrait à elle seule un article tant elle est représentative d’une certaine presse et de ses méthodes. En février, REFLEXes publie un article où sont moqués certains fiers guerriers du Gud reconvertis aujourd’hui dans le dandysme frontiste. Le Point reprendra infos et photos sans citer la source, et surtout en modifiera profondément le sens, sous-entendant qu’un FN débarrassé des ses éléments les plus voyants deviendrait un parti tout à fait acceptable ![↩]
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