De Christian Bouchet – Editions Deterna – 2008
Au début de l’année 2008 Christian Bouchet a publié une série d’entretiens avec des militants d’extrême droite dans un livre intitulé Jeunes Nationalistes d’aujourd’hui. C’est la deuxième fois que Bouchet se livre à cet exercice. Il avait déjà tenté l’expérience en 2001 avec un livre intitulé Les Nouveaux Nationalistes. A l’époque, ce livre avait surtout pour vocation de faire la promotion des individus qui gravitaient autour d’Unité Radicale et de la galaxie NR. On y retrouvait alors entre autres André-Yves Beck[1], Christian Bouchet, Sébastien Legentil[2], Guillaume Luyt[3] , Eddy Marsan[4], Stéphane Parédé[5], Fabrice Robert, Philippe Vardon et Franck Vandekerkof[6]. Cette fois-ci C. Bouchet a voulu faire un livre plus oecuménique (du moins en théorie) et réaliser un état des lieux des préoccupations et des références idéologiques des nationalistes en 2008. Pour cela l’ancien dirigeant de Nouvelle Résistance a ratissé très large dans le paysage nationaliste : David Rachline du FNJ, Romain Vincent du RED, Thierry Boudreux alias Thibaut de Chassey du Renouveau Français, Kavan Herbin[7] de la Gauche Nationale, Evgueni Ivanov de la revue Eurasia et de l’association « Les Notres », Ayar Lozano d’Egalité et Réconciliation, Pierre Gillieth[8] alias Bertrand Le Digabel de la revue Réfléchir et Agir et Grégory Gennaro[9] du MSP ( Son interview ayant finalement été retirée à sa demande).
À l’énoncé des différentes organisations citées, on peut noter l’absence de l’Action Française étudiante, du FNJ ou du MNJ (aujourd’hui disparu) et surtout des Jeunesses Identitaires, pourtant l’un des groupes les plus important parmi les jeunes nationalistes aujourd’hui en France. Mais comme le précise C. Bouchet, ses « inimitiés idéologiques », ses sympathies ou ses relations personnelles ont joué tout leur rôle dans la sélection des individus interviewés. Les rapports plus que tendus entre Bouchet et le duo infernal Robert/Vardon expliquent sans doute l’absence des Identitaires dans cet ouvrage. Pour rappel, Fabrice Robert et Philippe Vardon avaient réussi en 2002 à exclure Christian Bouchet d’Unité Radicale quelques mois avant sa dissolution. Par la suite, ils avaient tenté de l’agresser physiquement à plusieurs reprises. Depuis, leurs relations ne se sont évidemment pas arrangées.
Que retenir de ce livre ?
L’une des premières informations qui ressort de ce livre concerne les références idéologiques citées par les jeunes militants. Mis à part peut-être Le Digabel/Gillieth (qui trouve le moyen de saluer la pugnacité et la persévérance d’Hitler, mais la provocation est le fond de commerce de la bande à R&A), la plupart revendiquent l’héritage politique de Maurras ou du GRECE. Certains comme De Chassey du RF affinent le point de vue en évoquant le Maréchal Pétain. Kavan Herbin pour sa part récite la liste parfaite des auteurs que tout bon militant nationaliste-révolutionnaire se doit de faire semblant de connaître (Rossel, Blanqui, Georges Valois, Georges Sorel …).
Ces interviews montrent également la quasi-unanimité au sujet de Le Pen et du FN. Aucun ne conteste aujourd’hui la place et le rôle du FN dans le camp nationaliste. Ils estiment même inutile de créer une structure concurrente au FN (Le MNR, Le Parti Populiste et la Nouvelle Droite Populaire ou Convergences Nationales apprécieront le message). Pour ces militants, le Front National reste toujours le parti autour duquel tous les nationalistes doivent se retrouver pour les élections, même si certains avouent être en désaccord avec la ligne incarnée par Marine Le Pen.
On constate également que l’impact et l’influence de Guillaume Faye sur les jeunes militants d’extrême droite a quasiment disparu. L’imminence de la « Guerre Ethnique » prophétisée par Faye il y a quelques années et qui faisait tant fantasmer les militants radicaux d’alors passe aujourd’hui pour une chimère et un alibi à l’inaction. Les récentes sorties de l’ancien du GRECE à propos d’Israël ou des USA, ainsi que l’interview-piège menée par William Bonnefoy, ont considérablement terni son message et son image. Cependant si Guillaume Faye perd du terrain chez les militants politiques, il reste toujours une référence pour des cercles moins encadrés ou formés politiquement comme le milieu bonehead ou les groupuscules nationalistes déconnectés des structures d’extrême droite classiques.
Au final, en comparant les réponses on découvre qu’il existe peu de divergences idéologiques entre ces jeunes nationalistes, excepté Pierre Gillieth, qui rappelons-le a une dizaine d’années de plus que les autres militants interrogés. Du coup son parcours idéologique et ses analyses expliquent sans doute qu’il soit quelquefois éloigné des constats des autres militants.
A l’unisson, ces militants nous livrent le nouveau discours d’une fraction de l’extrême droite sur l’immigration. Afin d’éviter d’être taxé de raciste, en préambule à toute théorie, l’immigration extra-européenne n’est plus désignée par les jeunes nationalistes comme l’ennemi, mais comme une victime … du patronat. Par conséquent ces populations doivent quitter le sol européen !
En ce qui concerne l’Islam la plupart considère que cette religion est synonyme de danger pour « leur Europe » sans pour autant en faire leur ennemi numéro 1, refusant ainsi de tomber dans une vision du monde simpliste dessinée par un « axe américano-sioniste ». La très forte hostilité de ces militants vis-à-vis des USA et d’Israël est d’ailleurs l’un de leurs points communs.
Au final après avoir refermé ce livre on a le sentiment qu’une fois de plus, Christian Bouchet n’a pas sorti ce livre au hasard. L’ouvrage roule clairement en faveur de la mouvance gravitant autour d’Alain Soral. Tout est fait pour en faire le nouvel idéologue ou penseur de la jeunesse nationaliste radicale ou « anti-système ». En plus des interviews, C. Bouchet n’a pas hésité à rajouter des articles sur Soral ou sur l’université d’été d’Egalité et Réconciliation de 2007, pour mieux enfoncer le clou.
Si Soral aimerait bien se voir dans ce costume, « la réalité du terrain nationaliste » est plus compliquée comme il a pu s’en apercevoir à plusieurs reprises. Lors des défilés du 1er mai frontiste, le cortège E&R n’était constitué que de quelques dizaines d’individus, et ils ont parfois dû faire face à l’hostilité de sympathisants et militants frontistes. Quant à son association avec Batskin (à travers un bar associatif, « Le Local », financé en partie par l’ancien Gudard Frédéric Chatillon, occupé aujourd’hui uniquement par Ayoub), elle a vite tourné court, les sympathisants ou militants d’E&R un peu bronzés s’étant fait prendre à parti à plusieurs reprises par les amis du « Beau Serge » dans le bar, obligeant Soral et ses amis à trouver un autre local pour E&R.
- André-Yves Beck, ancien militant du FNJ, de Troisième Voie, de Nouvelle Résistance et d’Unité Radicale, aujourd’hui membre de la direction des Identitaires. Il est également parti combattre en 1991 en Croatie avec des militants nationalistes Français. Au sein de Nouvelle Résistance il avait tenté d’infiltrer Socialisme International et Ecolo-J à Grenoble ainsi que la Scalp local. Il est toujours le directeur de la communication du maire d’Orange, Jacques Bompard, membre du MPF de Philippe de Villiers et ancien d’Occident et du FN et a été élu conseiller municipal de Bollène en 2008 sur la liste conduite par l’épouse de J. Bompard.[↩]
- Sébastien Legentil, militant de Bourges, vient du mouvement skinhead et a fréquenté toute la galaxie nationaliste radicale, en particulier Réfléchir & Agir ou Unité Radicale. Proche à présent de Terre & Peuple, il poursuit ses activités musicales avec le label Martel en tête et le groupe Wolfsangel.[↩]
- Ancien militant de l’Action Française et du FNJ. Après avoir rejoint Unité Radicale, il suit Robert et Vardon aux Identitaires. Il est alors porte-parole du mouvement. Depuis plusieurs mois il s’est fait plus discret chez les Identitaires, se concentrant sur son nouvel objectif, devenir assistant parlementaire d’un élu de la Ligue du Nord. Il continue de faire cependant partie de la direction du mouvement et s’occupe en particulier du secteur des élus identitaires via la « fédération identitaire ».[↩]
- Ancien Secrétaire Départemental du FNJ du Lot et Garonne, puis responsable du FN et tête de liste pour les régionales en 1992. En 1998, il quitte le FN pour le MNR en fondant son mouvement l’Alternative Nationale, dans le but de regrouper militants FN et MNR sur une ligne « identitaire européenne sans ambiguïté » prônant un « discours radical ». Il publie alors son bulletin La Lettre de L’Alternative Nationale. Devant son refus de rentrer dans le rang, il est exclu du MNR et rejoint Unité Radicale. A la dissolution d’UR, il se rapproche de l’équipe de Militant et profite de son bulletin, transformé en Lettre d’Eddy Marsan, diffusé et financé grâce aux crédits qui lui sont alloués en tant que Conseiller Régional, pour régler ses comptes avec les différentes tendances et personnalités de la scène nationaliste. Ce qui lui vaudra quelques « cassages de gueules » lors de réunions unitaires, comme lors de la journée de l’Identité à Paris en 2003 ! Il semble qu’Eddy Marsan ait disparu des rangs nationalistes, certaines mauvaises langues affirmant que son goût immodéré pour la fête et la vie nocturne l’aurait poussé à rejoindre Ibiza ![↩]
- Membre du MNR en 2001 et d’UR, responsable régional MNJ du Languedoc-Roussillon. Il était également directeur de la revue Montségur. Il se déclarait alors comme National-Bolchevique ![↩]
- Ancien militant FN qui passe aux mégrétistes en tant que secrétaire de circonscription et prend immédiatement contact avec les NR par le biais de Résistance ! Devenu conseiller municipal MNR de La Madeleine (59), il participe aux initiatives d’Unité Radicale tout en animant Terre & Peuple localement. Il s’est ensuite rapproché des Identitaires après leur création en 2003.[↩]
- Kavan Herbin est un personnage bien particulier. Il est d’abord gaulliste au lycée, puis bonapartiste. Il entre ensuite à l’Action Française pour ensuite fonder un groupuscule souverainiste L’Alliance pour la Résistance Nationale. Dans une interview, il prétend également avoir été Président des Jeunesses bonapartistes entre 2005 et 2006 Aujourd’hui il se déclare « indépendantiste français » et partisan d’un « socialisme français et d’une nation syndicale ». Il dirige la Gauche Nationale et son journal La Cocarde. Il serait également à l’origine du site « les nationalistes avec Le Pen » en 2007. Il a appartenu à l’Action Sociale Populaire avant d’en être exclu par le pasteur Blanchard en 2007.[↩]
- On se demande ce que Gillieth fait dans les pages de ce livre, ce dernier étant plus proche de la quarantaine que de ses 20 ans. Il a été membre de l’UNI puis du GUD sur Toulouse, et à partir de 1992 intègre le FNJ et le Renouveau Etudiant. Il quitte le FN pour Terre et Peuple en 1998. Il écrit pour Rivarol et Ecrits de Paris et prend la direction de Réfléchir et Agir en 2001 en amenant une coquette somme d’argent sur le tapis. Il a également écrit un B.A.BA sur les Gaulois pour Pardès et s’occupe de la maison d’édition Auda Isarn, qui a récemment édité Combat pour Thule, roman de science-fiction nazi qui fait fureur dans les milieux néo-nazis allemands et anglo-saxons. Il va encore sans doute nous traiter de « gestapistes », ce en quoi il nous déçoit : ses prédécesseurs nous qualifiaient plus souvent de « gestapettes ». Faut-il voir dans ce changement sémiologique le résultat de l’orientation sexuelle de certains membres de Réfléchir & Agir ?[↩]
- Il est à l’origine du groupuscule Action-Nation à Lyon en 2004. Il transforme ce mouvement en 2006 en Mouvement Social et Populaire. La ligne politique de ces mouvements a beaucoup évolué au fil du temps (passant d’un nationalisme classique à une ligne NR). Grégory Gennaro, a été membre du FN et semble entretenir de bonnes relations avec l’Oeuvre Française. Il participe au projet européen Metapedia (sorte de wikipedia) aux côtés de Christian Bouchet. Après avoir répondu aux questions de Bouchet, Gennaro a refusé de voir ses réponses publiées, justifiant sa demande par son éloignement de la mouvance nationaliste. Depuis quelque temps Gennaro semble avoir développé un discours mélangeant patriotisme, références à De Gaulle et Hugo Chavez. Bien évidemment tout cela ressemble beaucoup à la ligne nationale-républicaine d’Alain Soral. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque Gennaro aurait demandé à ses troupes (c’est à dire pas grand monde) de rejoindre Egalité et Réconciliation. Cependant Gennaro continue de temps à autre à « piger » pour le FN puisque après s’être occupé du site « Les Jeunes avec le Pen » en 2007, il a été directeur de campagne pour David Rachline, directeur du FNJ, pour les élections législatives à Fréjus en 2008. En mars 2009 il devient l’un des responsables de la section jeune du CNI pour la fédération du Rhône, chargé de la communication. Il participe également au site Emediat, l’Agora des Droites.[↩]
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