REFLEXes

La sécu pour les nuls

27 septembre 2005 ... Et les autres

En matière de sécurité, quelques revues se partagent le marché. Il n’est pas question de faire ici une analyse exhaustive de toute la presse vendue en kiosque sur le sujet. Nous parlerons principalement de L’Officiel de la Sécurité, qui est l’une des plus ancienne revue encore en activité, et de Pro Sécurité, Sécurimag et Commando.

Si les noms varient, la mise en page, le contenu des articles et le ton eux sont très proches ( on retrouve un peu la même mise en page que dans les différents magazines d’arts martiaux comme Karaté Bushido ou Ceinture noire). Pour une personne peu familière de ce milieu, on peut même dire que ces magazines sont quasi-identiques. Les rédactions dans l’ensemble adoptent un ton très prétentieux, alors que les revues peuvent parfois ressembler à un catalogue publicitaire haut-de-gamme. On trouve une multitude d’annonces et de publicités pour tout ce qui concerne le matériel pour les forces de l’ordre et les professionnels de la sécurité privée. La proportion publicité / articles approche l’égalité parfaite. La confusion des genres est parfois de mise avec la marque GK Production International, dirigé par Georges Kumuchian. Les publicités, les articles concernant cette marque, mais également les photos mettant en scène des hommes portant des tee-shirts à l’effigie GK sont récurrents.
Les articles de ce type de revue n’excèdent pas les trois pages, certaines brèves relevant plus de la publicité déguisée que de l’article critique.
Globalement, on retrouve toujours les mêmes sujets et les mêmes thèmes, avec les mêmes intervenants. Le Tonfa est sans doute le sujet qui revient le plus souvent dans ces revues. On sait à peu près tout : comment il a été amené en France (par Robert Paturel) sa mise au point par la firme GK, la naissance de la fédération de Tonfa, ses différentes utilisations. On apprend aussi que les utilisateurs français des premiers tonfas, d’origine américaine, se plaignaient des ondes de choc, pénibles pour l’utilisateur.
On trouve ensuite le flash-ball, qui était très à la mode il y a encore quelques mois, les sujets sur les dressages de chiens, sur les couteaux, le tir, des article sur les brigades d’interventions (GIGN, RAID, forces spéciales américaines) et le grand classique sur les sports de combat / arts martiaux. À chaque numéro, un spécialiste au palmarès époustouflant, et qui a bien sûr formé l’élite de la police et de l’armée à travers le monde, nous présente en photos ses différentes techniques de défense, contre un couteau, contre plusieurs attaquants. Ces dernières années, le Pancrace et le Penchak Silat étaient très présents dans les magazines, mais il semble que le Krav-Maga soit en position de les détrôner. Le Krav-Maga est une méthode de self-défense mise au point par les militaires israéliens. Cette technique est reconnue comme l’une des plus efficaces. De plus, on peut dire qu’en ce moment à la lecture de cette presse, tout ce qui vient d’Israel en matière d’expériences et de techniques pour ce qui concerne la sécurité a le vent en poupe.
On trouve parfois quelques variantes dans les thèmes abordés, avec des articles sur les pompiers ou des dossiers destinés aux professionnels, comme celui proposé par Pro Sécurité dans son numéro 6 : « Métal ou jetables : le choix des menottes », avec des petits conseils pour immobiliser les suspects en prime.
Ce genre de revue n’est pas à une contradiction près. Elles regorgent d’annonces et de publicités pour des écoles, des formations formant des gardes du corps, des agents de sécurités spécialisés et des stages en tout genre. Bien souvent ces publicités mettent en avant des diplômes, des expériences dans les coins chauds du globe (Israël en particulier), et pourtant Sécurimag n’hésite pas à passer une interview du Capitaine Barril qui dénonce ce genre de formations !
Cette presse a aussi en commun le discours sécuritaire que l’on peut entendre depuis un petit moment. Tout au long des éditos et des articles, on peut retrouver la dénonciation d’une justice laxiste pour les malfaiteurs, ainsi que des articles sur la police, sous-équipée, sur la législation sur le port d’armes, trop dure, et la défense d’une police municipale armée. Les forces de l’ordre et les agents de sécu sont toujours présentés comme des victimes de l’insécurité et de la violence. Les reportages, usant de termes proches du vocabulaire militaire, sur la BAC[1] ou la PAF[2] sont choses courantes : en 1997, on trouvait dans L’Officiel de la Sécurité un article sur la BAC dans le 18e arrondissement de Paris, qui présentait le quartier de Barbès-Rochechouart comme un territoire en guerre, digne d’une représentation du Bronx dans les films de Charles Bronson ; le journaliste faisait un parallèle entre les policiers et des chasseurs.
La sécurité privée a globalement mauvaise presse dans le grand public. La profession de garde du corps n’est pas reconnue en France par exemple. À la lecture de ce type de magazine, on peut ressentir ce malaise, au travers des propos des rédacteurs qui ne cessent de parler de la défense d’une éthique et d’un vrai professionnalisme au sujet de leur métier / passion. Ils dénoncent continuellement les individus qui donnent une mauvaise image de la profession, insistant sur la façon de se démarquer du stéréotype « gros bras sans cervelle », alors que dans le même temps, leur revue ne cesse de mettre en avant des armes et des techniques de combat expéditives.
Les rédactions s’efforcent de donner l’illusion à leur lecteurs que les personnes travaillant dans le domaine de la sécurité privée et les militaires et la police nationale font partie d’une même famille.

Commando, le magazine « des hommes d’actions et des tireurs d’élites »

La revue est l’une des dernières arrivées sur le marché. On y retrouve une partie de l’équipe du bi-mensuel Ceinture noire. Si les revues sur la sécurité et de maintien de l’ordre présentaient parfois des sujets sur les militaires et les armes de guerre, elle le faisaient avec parcimonie. Pour Commando, le mélange civil / militaire semble totalement assumé : le titre et les couvertures du magazine ont un côté un peu mytho qui n’est pas pour déplaire à leurs lecteurs. Les couvertures présentent toujours un homme masqué, pointant une arme à feu. Tout comme ses confrères, Commando use et abuse des photos mettant en scène des hommes masqués ou bien avec le visage « flouté », même quand ils sont de dos ! On se donne des frissons en évoquant parfois le mercenariat, et les services secrets.
Parmi les collaborateurs et conseillers du magazine on retrouve des noms bien connus du milieu de la sécurité et des lecteurs de ce type de revue comme Richard Douieb (spécialiste du Krav-Maga) ou Robert Paturel, qui fut l’un des pionniers du tonfa en France. Plus intéressante est la présence du super-gendarme Paul Barril, qui apporte la caution militaire au journal. Paul Barril est l’ancien directeur de la cellule anti-terroriste de l’Élysée sous François Mitterrand. Il a été impliqué dans l’affaire des Irlandais de Vincennes[3] et celle des écoutes téléphoniques de l’Élysée[4]. On retrouve également son fils, Patrick, qui dirige Security Action Store à Paris. Il officie dans la section « fiches-bricolage » de la revue. Dans le numéro 5, Barril Junior nous apprend à fabriquer, dans le cadre du respect de la loi bien sûr, une valise à laquelle on a greffé un aérosol de défense.
De nombreux articles font l’éloge d’armes de guerres, comme dans le numéro 4, qui présente le M 16, fusil qui équipe l’armée américaine depuis les années 1960. Un poster de ce fusil est même offert aux lecteurs. Dans ce même numéro, on peut trouver les couteaux utilisés par les Navy Seals et un article sur le groupe défense nucléaire, biologique, chimique. Dans le numéro 2, un fusil pour tireur d’élite était à l’honneur. On est quand même bien loin du maintien de l’ordre dans les « cités de non-droit » à moins que dans l’esprit des rédacteurs, il n’y ait pas de limite. Depuis le début de la revue, il y de nombreux articles sur le Tir Police ou Tir de Combat.
On pourrait s’attendre de leur part à des articles un peu plus poussés sur des sujets concernant les forces spéciales. Sur la couverture du numéro 2, on peut lire « Moscou : la vérité sur l’assaut[5] ». Première surprise, l’article n’est pas référencé au sommaire. Il s’agit en fait d’une trentaine de lignes, perdues dans les pages actualités, au milieu de l’annonce de la sortie de nouveaux produits. La vérité sur l’assaut se résume pour Commando à reprendre le discours officiel des autorités russes, ainsi que le témoignage de membres de l’unité d’intervention, qui parlent d’un général russe ivre. On peut lire, sans que la rédaction ne se livre à aucun commentaire, que ces forces spéciales ont achevé tous les preneurs d’otages (alors qu’ils avaient été mis hors d’état de nuire par les gaz employés). Pour des gens soucieux du respect de la loi, voilà qui est bien curieux. La polémique au sujet des gaz utilisés n’est pas abordée, Commando se bornant à reprendre la version officielle.

  1. Brigade Anti-Criminalité[]
  2. Police de l’Air et des Frontières[]
  3. Paul Barril a été accusé d’avoir caché des armes dans l’appartement d’anciens militants politiques irlandais pour les mouiller.[]
  4. Sous François Mitterand, plusieurs écoutes illégales ont été effectuées par la cellule anti-terroriste de l’Elysée au nom de la sûreté du territoire.[]
  5. Il s’agit de l’assaut des forces spéciales russes suite à une prise d’otages dirigée par des Tchétchènes.[]
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