REFLEXes

Les cyber-fafs

29 novembre 2004 Les radicaux

INTERNET A-T-IL PERMIS L’EMERGENCE D’UN NOUVEAU TYPE D’ACTIVITES D’EXTREME DROITE ?

Son faible coût, sa relative simplicité d’utilisation et le fait qu’une personne seule puisse réaliser un site d’apparence professionnelle ont en effet favorisé la production de sites qui n’avaient pas d’équivalents dans le petit monde de l’édition nationaliste, fanzines compris. Si de nombreuses pages persos fascistoïdes reprennent des thèmes rebattus par ailleurs (on ne compte plus, par exemple, les sites anticommunistes), certaines thématiques actuelles ont trouvé matière à s’épanouir sur le Net. On en retiendra deux exemples : SOS-Racaille et Radikalweb, qui sont intimement liés et ont connu leur quart d’heure de gloire, aujourd’hui bien loin, tant il est vrai que rien ne dure sur Internet.
Depuis moins de deux ans, on a vu apparaître des sites consacrés à la dénonciation des «racailles», vocable désignant tout jeune à la fois immigré et banlieusard, dont la casquette et le survêtement jaune mettent en émoi le bourgeois du centre-ville. Parfois, ces sites se veulent «apolitiques», tel le site Anti-Racaille : animé par une «malheureuse victime», il propose une description détaillée des fameuses «racailles», et des «solutions» pour lutter contre (contrôle social et rééducation sont au menu). À noter que notre brave citoyen est soucieux malgré tout de ne pas être associé aux «racistes» et aux «nationalistes» : il a ainsi refusé d’échanger sa bannière avec deux sites qui nous ont davantage intéressés, à savoir SOS-Racaille et Radikalweb.

Le premier, ouvert en mars 2001, se démarque des sites du genre en invitant les représentants de la force publique à dénoncer nommément les soi-disantes «racailles» (en rassemblant des documents confidentiels de la police) afin de pouvoir faire justice soi-même. S’appuyant sur un discours apocalyptique annonçant la guerre ethnique pour demain, elle estime en effet nécessaire le recours à des moyens non conventionnels, à savoir «des opérations armées contre la racaille», menés par des groupes clandestins composés de professionnels de la sécurité et du maintien de l’ordre, et se fixe comme second objectif de préparer l’opinion à l’accepter. Délire mythomane ? Certainement, et rien ne permet d’affirmer que des policiers se soient effectivement compromis. N’empêche, le site a attiré plus de 1500 visiteurs en moins de six mois, et, si sa publicité a été assurée en grande partie par les sites nationalistes xénophobes, il a également touché le cercle plus large des paranos de tout acabit (comme celui de «France, Armes et Liberté, le site «non officiel» des Amateurs d’Armes», par exemple, qui proposait un lien vers le site). Le MRAP, qui a porté plainte contre le site en septembre 2001, fait le lien avec le MNR, sans pouvoir en apporter le plus petit bout de preuve. Notons en revanche que certaines références du webmestre (qui propose comme modèle les opérations de l’armée israélienne contre les Palestiniens) et son discours violemment anti-arabe laisse plutôt pensé qu’il serait proche de l’extrême droite juive, et du BETAR en particulier. De quoi faire dresser des cheveux (?) sur la tête des NR d’Unité radicale qui admiraient tant ce site, aujourd’hui fermé.

Plus classique sur le fond (dénonciation du racisme «anti-blanc») mais innovant dans la forme (look branché et humour décalé), Radikalweb fut une star incontestable du Web dans les milieux nationalistes durant les années 2000-2001. Se voulant la version «fun» du discours xénophobe le plus radical, le site proposait des photos d’esclaves noirs, des publicités Banania du milieu du siècle, une collection de blagues racistes et antisémites, des dessins de Sergueï ainsi qu’une rubrique explicitement intitulée «Où sortir le soir entre Blancs» qui donnait la liste (entre autres) des discothèques dénoncées par SOS Racisme ou celle des soirées gaber aux pratiques discriminatoires. Le site a connu des difficultés dès le printemps 2001, d’abord en raison de querelles internes, puis à cause des tracasseries de la part de Front 14 (son hébergeur), et enfin et surtout en raison de la violence raciste des propos tenus sur son forum, qui lui attira les foudres de la justice. Le site est aujourd’hui fermé, et depuis, de nouveaux sites (La Justicière, La Sentinelle) ont repris le flambeau, mais heureusement sans retrouver le ton caustique et pseudo-humoristique qui était le principal danger représenté par le site, qui visait ainsi à étendre son discours au-delà des sphères classiques de l’extrême droite.

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