REFLEXes

Que c’est triste Brumaire…

18 novembre 2003 Les radicaux

En l’espace de deux semaines, le hasard a voulu que l’on puisse avoir un aperçu des forces nationalistes en cet automne 2003 grâce à deux manifestations d’ampleur similaire, à savoir la fête régionale d’Ile-de-France des Bleu-Blanc-Rouge (BBR) le 08 novembre et la fête de l’Identité et des Libertés le 15 novembre. En voilà le bilan et l’état des forces…

Les BBR d’abord. Rappelons que cette fête du FN n’avait pas eu lieu en Ile-de-France depuis 2001, la mairie de Parie ayant loué la pelouse de Reuilly à d’autres manifestations. De fait, il y a eu des BBR régionales en province en 2002 et au début de cet automne mais il semble évident qu’elles ne pouvaient avoir la même résonance que celle pouvant se tenir dans la capitale. Ce furent d’ailleurs des fêtes relativement modestes avec un écho médiatique fort limité. L’enjeu de ces BBR Ile-de-France était évidemment double : montrer que le FN est en bonne santé militante dans une région où les scores électoraux peuvent être forts mais qui reste caractérisée par la faiblesse de l’implantation dans la capitale même et assurer un début de campagne dynamique pour Marine Le Pen que tous ses adversaires frontistes attendent au coin du premier tour des élections régionales début mars. Le FN n’avait donc pas lésiné sur les moyens : grande salle sur deux niveaux derrière l’Aquaboulevard ayant d’ailleurs déjà accueilli tant le FN que le MNR, ambiance de campagne américaine, visite du vieux chef, entrée gratuite… Cette dernière caractéristique rend d’ailleurs très aléatoire tout pronostic sur la fréquentation exacte de ces BBR. Du moins d’après la contenance de la salle du meeting peut-on se hasarder à l’estimation d’environ 2000 personnes à la moyenne d’âge assez élevée.
Le clou du spectacle était bien évidemment le discours de Marine Le Pen et la présentation des têtes de listes départementales. Le public a d’ailleurs eu l’exclusivité du clip électoral consacré à la candidate frontiste, grand moment de création artistique s’il en est et qui montre le lifting moderniste que la fille Le Pen entend faire subir au FN francilien avant que ce ne soit au FN tout entier. L’orientation du discours est par ailleurs relativement simple, avec des attaques virulentes contre l’UMP et son représentant, Jean-François Coppée , ainsi qu’une mise en avant du thème du déclin de la France à destination des classes moyennes, largement représentées dans le public. Las pour l’oratrice ! À l’applaudimètre, il semble que le public du FN s’accroche obstinément à ce qui le tracasse le plus et que Marine Le Pen essaie pourtant de reléguer au second rang : l’immigration ! De fait ce sont les rares attaques ou allusions à ce sujet qui ont provoqué les réactions les plus enthousiastes de l’assistance.
Pour le reste, était-ce réellement une « fête » ? Pour toute personne ayant connu les BBR avant la scission, la réponse est bien sûr négative, même si la comparaison n’est que partiellement valable puisque les BBR d’avant 2002 se voulaient de dimension nationale. Les stands étaient relativement peu nombreux et organiquement liés au FN, mis à part Rivarol peut-être. Les associations présentes étaient ainsi celles animées par des cadres FN : France Écologie de Éric Pinel, Cercle National des Femmes d’Europe de Martine Lehideux, Cercle National des Combattants de Roger Holeindre ou Générations Le Pen de Marine Le Pen. Il en allait de même pour deux ou trois stands commerciaux, telles les éditions Godefroy de Bouillon animées par Richard Haddad, ancien responsable du CNEP et cadre parisien du FN. Ce monolithisme était visible jusque dans le public, les anciens félons du MNR ne s’étant pas bousculés pour venir jeter un coup d’œil sur leurs anciens camarades. Bref, le FN francilien a donc fait une démonstration de force en demi-teinte qui confirme le constat qui a déjà pu être fait par le passé à REFLEXes ou ailleurs : le parti lepéniste nage dans un costard électoral bien trop grand pour lui et ne parvient toujours pas à capitaliser de façon sensible sur le plan militant l’impact qu’il peut avoir dans les urnes. Rien n’indique que cet état de fait soit à la veille de changer, d’autant que la ligne impulsée par Marine Le Pen ne fait pas que des heureux. Il semble ainsi qu’elle ait largement désapprouvé l’action menée par le FNJ le dimanche 26 octobre contre l’inauguration du quai François-Mitterand, action qui s’est conclue par la mise en garde à vue pour des violences contre les forces de l’ordre de cinq militants FNJ dont le secrétaire départemental du Nord Bruno Schmidt. Cette désapprobation a été bien évidemment plus ou moins mal vécue par les intéressés…

Une semaine plus tard, le Palais des Congrès de Versailles accueillait l’autre grande tendance de la mouvance nationaliste, à savoir la galaxie identitaire, largement issue du MNR agonisant, en l’occurrence la Fête de l’Identité et des Libertés (FIL). Cette FIL avait déjà eu lieu l’année dernière et avait eu un réel succès dans un milieu très fractionné (Cf REFLEXes n°5 hiver 2002-2003), les organisateurs et Gilles Soulas au premier chef pouvaient donc espérer capitaliser ce succès lors de cette deuxième journée. Pour diverses raisons, il n’en a rien été, même si cette journée est malgré tout porteuse de multiples enseignements. Tout d’abord, la FIL a dû s’exiler à Versailles, la salle Wagram ayant visiblement refusé de réitérer la location de l’année dernière. Cette déconvenue est sans doute largement le résultat de la mobilisation antifasciste lancée à l’initiative du Scalp, mobilisation qui avait eu un petit impact médiatique. Ensuite, contrairement aux espérances des organisateurs, non seulement la fréquentation n’a pas augmenté mais elle a même baissé et ce de façon significative. On peut ainsi estimer sans trop de risque de se tromper que le nombre d’entrées payantes n’a pas dépassé la barre des 1000 personnes. C’est sans doute parmi les jeunes que la désaffection a été la plus sensible même si leur proportion restait bien supérieure à celle présente aux BBR d’Ile-de-France.
Si on pouvait voir dans les allées à peu près les mêmes organisateurs ou personnalités que l’année dernière – Gilles Soulas, Denis Daudé, Jean-Yves Le Gallou, Claudine Dupont-Tingaud, Philippe Schleiter, Xavier Guillemot entre autres – il en manquait certaines comme Gilles Pennelle ou Olivier Chalmel et surtout la configuration politique était largement remaniée. Contrairement à l’année dernière, les Identitaires sous leur différentes étiquettes (Jeunesses Identitaires, Bloc Identitaire, CEPE, revue Montségur) étaient non seulement invités mais même largement impliqués dans la FIL puisque Fabrice Robert participait à deux débats. Cela témoigne forcément d’un revirement de Gilles Soulas et le risque est bien sûr qu’au delà de la FIL, ce dernier mette sa logistique au service des Identitaires. Il n’y a bien que Bleu-Blanc-Rock à n’avoir toujours pas été invité (là aussi, se reporter à REFLEXes n°5) mais c’est relativement logique puisque Memorial Records occupait le terrain du RIF. Autre changement de taille : la présence du FN par le biais de l’Esprit public de Jacques Bompard et surtout du FNJ emmené par Louis-Armand de Béjarry (directeur national) et Thibaut de Chassey (secrétaire départemental parisien). Pour le reste, hormis Alsace d’Abord, on retrouvait à peu près les mêmes stands, savant mélange de nationalisme unitaire et de régionalisme, de catholicisme intégriste et de paganisme nordique, d’action politique de terrain et de métapolitique.
En ce qui concerne les débats, les thèmes étaient sans surprise et les orateurs égaux à eux-mêmes : l’islamisme avec Guillaume Faye et Martin Peltier (ancien journaliste et auteur du Journal d’Oussama Ben L.) ; le combat identitaire en Europe avec des militants belges (Nation et FNB), suisse (Pascal Junod, ancien secrétaire général de l’UDC, animateur du Bulletin célinien et de l’Association pour une Suisse Neutre et Indépendante), italien (Gabriele Adinolfi, ancien dirigeant du groupe néo-fasciste Terza Posizione) et roumain ; la géopolitique avec Pierre Vial (n°1 à l’applaudimètre grâce à de grosses allusions antisémites), Serge de Beketch et Jean-Gilles Malliarakis (très couleur bleu horizon) ; les droits de l’homme avec quelques spécialistes de la question, en l’occurrence le philosophe belge Pierre Chassard mais surtout l’abbé intégriste Guillaume de Tanouarn et l’avocat négationniste Éric Delcroix ; enfin les perspectives d’avenir avec le mercenaire F.-X. Sidos, Éric Fornal (revue Réfléchir & Agir), Hervé Van Laethem (Nation / Devenir) et Fabrice Robert (Jeune Résistance), le tout précédé du film La bataille d’Alger, pour bien montrer que l’avenir est à la guerre ethnique qui aura lieu même si elle n’a pas lieu ! Bref, on est encore loin (et c’est heureux !) de l’unification efficace d’un mouvement à la droite du FN, celui-ci restant politiquement incontournable. Mais la montée en puissance de certaines forces laisse augurer quelques bonnes empoignades dans la rue…
Dernier détail : comme l’année dernière, certains ont fait les frais de leur curiosité, en l’occurrence Christophe Forcari de Libération qui a eu l’honneur de se faire expulser par le maître de cérémonie en personne, Gilles Soulas , pour n’avoir pas été assez discret. Forcari ne savait sans doute pas qu’il était arrivé la même mésaventure à un célèbre journaliste antifasciste l’année dernière et que contrairement au FN, Soulas préfère l’ombre à la lumière. Pour donner le change, il conclut son compte-rendu de la manifestation paru dans Libération du lundi 17 novembre par une allusion à un concert de Rock Identitaire Français. Hélas pour lui, il n’y avait pas plus de concert que de poils sur la tête des boneheads de Blood & Honour qui à défaut de groupe de rock ont su animer à leur façon la petite soirée DJ qui remplaçait In Memoriam défaillant. Rien de tel que quelques baffes entre garçons pour réchauffer l’atmosphère !!!

Cet article est libre de droit, mais nous vous demandons de bien vouloir en préciser la source si vous en reprenez les infos : REFLEXes http://reflexes.samizdat.net , contact : reflexes(a)samizdat.net

Vous aimez cet article ? Partagez le !

Les commentaires sont fermés.