REFLEXes

Royalistes : Une espèce en voie de disparition ?

8 janvier 2004 Les nostalgiques

Le Roy est mort, vive le Roy. Il y en a encore pour croire ça et il nous semblait impossible de ne pas en parler dans un numéro consacré au conservatisme. Les roycos apparaissent en effet au paroxysme du passéisme. Leur seule présence sur le terrain est à ce titre particulièrement démonstrative : en général, ils ne sortent que pour commémorer leurs grands hommes et les saintes, c’est-à-dire au mois de janvier pour pleurer la mort de Louis XVI, au mois de mai pour fêter Jeanne d’Arc et cet automne pour célébrer le 50e anniversaire de la mort de Maurras. Mais au delà d’une vague nostalgie et d’une passion pour le désuet, les royalistes développent ce que l’on pourrait appeler « un conservatisme intégral ». Du conservatisme, on pourrait dire qu’il désigne « l’attitude mentale de ceux qui refusent le progrès et le changement social et caractérise un certain refus de l’histoire, la référence à des valeurs éternelles prises comme références immuables, la croyance en la pérennité des institutions, l’exigence d’un pouvoir politique qui ne soit pas soumis aux fluctuations de l’opinion. »[1] On ne pouvait rêver d’une meilleure définition de ce que défendent fondamentalement les royalistes.

Les Roycos : conservateurs, et même réactionnaires

Les royalistes se retrouvent au premier rang des combats d’arrière-garde, contre la décadence du pays. Ce n’est donc pas une surprise de les retrouver à communier à Saint Nicolas du Chardonnet au milieu des intégristes. Cela n’étonne véritablement pas en ce qui concerne le « monarchisme traditionnel », des « chouans en exil » à la Contre Réforme catholique de l’abbé de Nantes, dont le symbole est la croix de vendée, mais il n’était pas si évident que les fidèles de Maurras s’y retrouvent. En effet, si, pour ce dernier, le catholicisme est une des bases de la société, de la tradition et de la morale, ce n’est qu’un moyen de maintenir l’ordre (ce qui est déjà beaucoup) : Maurras lui-même était agnostique. Il reste que les liens avec les intégristes catholiques se font bien souvent sur le terrain et les roycos sont les premiers dans les rangs des commandos anti-IVG et de la lutte anti-PACS. Mais leur refus va au-delà des évolutions les plus récentes de la société car « c’est depuis la Révolution Française que la famille reçoit des coups »[2], depuis le coup de guillotine (car le Roy est bien entendu avant tout le Père de la France, à travers lui « on a coupé la tête à tous les pères de familles »[3]) et le droit au divorce. En outre, les droits de l’homme, le libéralisme, le socialisme et le féminisme, bien entendu, apparaissent comme autant de perversions de la société. Quant aux valeurs éternelles qu’ils mettent en avant, ce sont évidemment celles de l’ordre moral, celles qui s’opposent à la « décadence de la société ».

Ce refus du progrès social se double, en outre, d’un rejet de l’histoire. Les roycos n’ont jamais accepté la guillotine et la Révolution. Ne riez pas, ils croient encore à une Restauration. Nicolas Kessler, membre de l’AF, prophétisait ainsi : « L’An 2000 sera royaliste ». Dommage pour Monsieur Roi-Soleil ! Sans compter que les monarchistes se posent une question encore plus essentielle que celle des moyens de détruire « la Gueuse », à savoir qui sera le Roi ? Les querelles dynastiques continuent de faire rage par intermittence. Alors, Bourbons ou Orléans ? Ils rêvent d’un corps national uni sans pouvoir eux-mêmes s’accorder sur la tête de celui-ci. Pourtant, la stabilité politique est la qualité de la monarchie qu’ils mettent le plus souvent en avant. La monarchie permet, en effet, selon eux, la mise en place d’un pouvoir politique sorti de tout débat idéologique artificiel qui détruit l’unité de la Nation. La monarchie est la fin du clivage gauche-droite, de l’opposition entre les classes : un monde parfait où chacun est à sa place, où le pauvre travaille, où la femme reste au foyer, où tout est en ordre. C’est un parfait retour à l’organiscisme national et social.

Les héritiers de Maurras

La pensée de Maurras, l’un des premiers membres de l’Action française, apparaît comme un élément-clé de l’analyse des deux principales organisations royalistes, le Centre de Propagande d’Action française et la Restauration nationale, mais son rôle va bien au delà, y compris jusqu’au Front national. Cependant, la particularité de ces deux organisations royalistes est leur orthodoxie. Toutes leurs prises de positions et leur vision du monde se réfèrent au concept de l’idéologue du début du siècle. Le « nationalisme intégral », qui se confond avec la monarchie, est le centre de leur argumentation car « la nationalité est la forme sociale la plus complète, solide et étendue, et, depuis la dissolution de la chrétienté unie, la condition absolue de toute humanité »[4]. Les roycos utilisent également la distinction entre le « pays légal », celui qui s’exprime par les urnes et au travers des politiciens, et le « pays réel » qui ne peut véritablement s’exprimer qu’à travers le Roi – un peu plus et ils se présenteraient comme les véritables démocrates, s’ils ne pensaient pas que la démocratie est d’un autre temps[5]. À ces divers concepts s’ajoute le très utile « compromis nationaliste » qui leur permet de s’éloigner un tant soit peu de l’idéal monarchiste lorsque la France est menacée. C’est ce compromis, inscrit dans la théorie maurrassienne, qui leur a fait défendre De Gaulle en 1968, et qui leur donne la possibilité de donner des directives de vote, pour le « moins pire ». Ainsi, si l’Action française n’a pas appelé à voter Chevènement, contrairement à ce qu’ont pu retranscrire les médias, son message était, tout de même, tout à fait clair en avril 2002 : « Votez souverainiste » (de Chevènement à Pasqua, en passant par Le Pen, peu importe). Dans la même idée, on retrouve les deux associations maurrassiennes au sein de l’Alliance pour la Souveraineté de la France, qui comprend des organisations aussi diverses que le MPF, le MDC (pourtant si républicain), le FN, le MNR et diverses associations réunies pour une défense de la souveraineté de la France contre la technocratie de Bruxelles. Enfin, pour finir le portrait des bases idéologiques des enfants de Maurras, il ne faut pas oublier que, comme pour leur père, les ennemis de la France restent les quatre états confédérés : juifs, protestants, métèques et francs-maçons. Ils se défendent de tout racisme, mais la xénophobie et l’antisémitisme réapparaissent quand même régulièrement dans leurs écrits ou illustrations.

Il ne faut cependant pas leur donner trop d’importance : les roycos forment un microcosme assez peu actif et très divisé, à tel point que Jean-Paul Gautier[6] parle de « galaxie royaliste ». Nous ne citerons à titre d’exemples que quelques-unes des diverses organisations qui existent :

• l’Action française est dirigée par Pierre Pujo, fils du fondateur de l’Action française historique. Sa principale activité reste la publication de son journal, même s’il est parfois arrivé aux plus jeunes de se réveiller, pour de « petites descentes » dans les facs. En effet, si la tête de l’AF s’intéresse au combat intellectuel, les méthodes des organisations de jeunesse n’ont, elles, rien à envier à celles du GUD ;

• la Restauration nationale, qui fut le nom officiel de l’AF durant près de 50 ans, est en fait une scission menée par Hilaire de Crémiers, qui possède également une publication. Son organisation de jeunesse, la Fédération des Etudiants Royalistes, a un rayon d’action qui dépasse à peine le 6e arrondissement de Paris.

• quant aux autres organisations, Catholiques et Royalistes, les légitimistes, la Contre-Réforme de l’abbé de Nantes, la Garde Franque, elles sont encore moins présentes. On peut en revanche signaler la naissance d’un petit nouveau, l’Alliance royale, née en 2001 sous l’égide de Yves-Marie Adeline. Sa volonté est de pouvoir représenter les idées royalistes aux élections européennes de 2004. Pour cela, il lui faudra cependant commencer par trouver des candidats.

  1. Définition de l’Encyclopedia Universalis, thesaurus.[]
  2. Michel FROMENTOUX, « La famille mal-aimée ». Action Française 2000, n°2063, 18-24 avril 2002, p.10.[]
  3. Balzac, cité par Fromentoux. ibid.[]
  4. Maurras, cité par l’Action française sur son site Internet.[]
  5. Nous faisons ici référence au slogan scandé par l’AF lors la manifestation du 12 mai 2000 en l’honneur de Jeanne d’Arc « Démocrates, vous êtes vieux, votre régime aussi » . Il ne fait aucun doute qu’à côté de la « démocratie », la « monarchie » est une jeune première ![]
  6. Voir note de lecture, p. XX.[]
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