REFLEXes

Le MNR de vie… à trépas ? (1999-2002)

15 janvier 2003 Les institutionnels

1998 marque le début du grand divorce pressenti au sein d’un FN fort peu monolithique entre des clans ayant chacun leurs jusqu’au-boutistes. Le fait de réussir à travailler depuis plus de quinze ans, voire plus encore pour les pionniers du Front, représente en soi un record de durée, voire une anomalie. En effet, le propre de ce camp est de se livrer à des luttes fratricides, le plus souvent en raison de querelles de personnes et non pas de divergences politiques. La scission n’est donc pas en soi exceptionnelle. Mais la survie de la jeune pousse issue du FN sous l’étiquette actuelle du MNR mérite qu’on revienne sur trois années d’existence.

Rappelons que le conflit subit alors une brutale accélération avec la tenue du fameux conseil national du parti, le 5 décembre, maintenant bien connu malgré son huis clos. Les hostilités démarrent dès l’ouverture de la session, et ne s’arrêteront plus. Il semble évident que chaque camp a tout fait pour crever l’abcès, estimant que l’issue en serait heureuse. Le rapport de force est simple : les lepénistes disposent alors du secrétariat général, du soutien implicite de Présent, de la plupart des Cercles nationaux, du FNJ et de la FNEML. Les mégrétistes pour leur part contrôlent la délégation générale, l’Institut de Formation Nationale (IFN), le conseil scientifique et l’appui global du Renouveau étudiant.

Un accouchement dans la douleur

Une course de vitesse commence dès cette date entre les deux factions, course qui va durer quelques semaines. Elle consiste pour les exclus à essayer de vider le FN de sa substance et pour les lepénistes à isoler les mégretistes par une stratégie de containment.

Les deux axes de lutte du FN sont les attaques judiciaires et les purges militantes. Le 23 décembre, le bureau exécutif du FN exclut Mégret, Jean-Yves Le Gallou (délégué général-adjoint), Philippe Olivier (ex-secrétaire général-adjoint), Serge Martinez, Franck Timmermans (responsable des fédérations), Daniel Simonpieri et Pierre Vial, étant entendu que les participants au congrès de Marignane proposé par les mégretistes s’excluraient d’eux-mêmes en raison de l’interdiction de la double appartenance politique. Le Pen affirme alors que la «conjuration» date de 1994, avec la création de la cellule CARNIX, une cellule de communication dédiée à Mégret.

On entend Bernard Antony se féliciter ainsi de ces limogeages : «Mégret a commis une infamie. Il se suicide, et je suis désormais un adversaire déterminé de son immoralité cynique. Je me sens libéré car j’en avais assez de supporter ces gens. Moi, je ne me reconnais pas dans les admirateurs de Tonton Adolf ! No pasaran !». Le Pen reste intraitable sur la question d’une éventuelle réconciliation ou médiation. L’exclusion des époux Brissaud : Jean-Marc (membre du bureau politique du FN) et Sophie (attachée de presse du président), en est un bon exemple. L’un pour avoir constitué son propre groupe au sein du conseil régional de Franche-Comté, l’autre pour avoir cosigné un texte avec l’ancien directeur de cabinet de M. Le Pen, Bruno Raccouchot. Des deux côtés, le but est identique : dénoncer la scission et proposer aux belligérants de travailler dans un cadre commun.

Après bien des péripéties procédurières, la justice pour sa part rend sa décision le 11 mai 1999 dans le cadre de la division du parti. Elle rend le Front lepéniste victorieux, celui-ci gardant l’appellation du titre et surtout les 41 millions de francs liés aux élections de 1998. Les juges ont donné toute satisfaction aux partisans du «vrai» président, estimant que le congrès de Marignane et la réunion clandestine du conseil national du 13 décembre avaient constitué une infraction aux statuts du parti. M. Le Pen déclare tout de go qu’il poursuivra ses attaques contre les mégrétistes et leur chef, traité «d’escroc», afin d’obtenir réparation des préjudices causés[1].

Les mégretistes ripostent à cette mise à la porte par des tentatives d’abordage contre l’appareil militant. Le dimanche 13 décembre voit la convocation d’un Conseil national extraordinaire qui réunit quelques 181 membres sur 339 du CN d’avant 5 décembre. Franck Timmermans est nommé «administrateur provisoire», sa mission consistant à récupérer l’argent du parti. Cette stratégie culmine avec le dépôt des pétitions des partisans d’un congrès extraordinaire devant le siège du FN en présence d’un huissier. Serge Martinez annonce avoir récolté quelques 13 000 signatures de militants en faveur de ce congrès (soit 33% des militants), dont celles de 150 élus régionaux et 63 secrétaires départementaux. Un tour de France est aussitôt démarré par Mégret, et les 42 000 cotisants informés par le biais d’une Lettre du Front, ancien bulletin de la fédération du Rhône. L’Ile-de-France est particulièrement secouée, avec les ralliements à Mégret du secrétaire régional Jean Luciani, suivi par la majorité des conseillers régionaux, de cinq secrétaires départementaux et de 15 secrétaires d’arrondissements parisiens. Mais d’autres régions connaissent des épisodes dramatiques, que ce soit à Lyon ou à Toulouse où les protagonistes sont à deux doigts d’en venir aux mains et aux armes. Les mégrétistes sont alors majoritaires dans 14 conseils régionaux sur 22 ; ils en profitent pour prendre la place des présidents de groupe restés fidèles à Le Pen. Dès lors, le constat est facile à faire : le «FN historique» ne compte plus que 9 élus européens sur les 12 d’origine, 28 membres du bureau politique (sur 44), et un seul maire sur quatre (Jacques Bompard, maire d’Orange). Le fait que le FN lepéniste soit obligé de nommer une cinquantaine de nouveaux responsables départementaux est une bonne indication sur les départs de cadres du mouvement. La mise en place par les mégretistes dès début décembre d’ADAFN, soit Associations de Défense des Adhérents du FN, structures départementales censées accueillir les militants du FN en rupture de lepénisme, montre que la scission était envisagée depuis au moins l’été 1998. Il en va de même du congrès de Marignane des 23 et 24 janvier 1999 mis en place en moins d’un mois.

La sécurité est aussi l’objet de divisions, comme l’atteste l’entrée d’un élément «indésirable» (en l’occurrence Nathalie Debaille) à la maison de la chimie le 5 décembre ou la tragi-comédie du lundi 14 décembre qui marque le début pour les mégretistes d’une nouvelle étape, celle du militantisme semi-clandestin. Ce que l’on appelle maintenant le «canal mégrétiste», à l’instar des corses du FLNC, convoque en effet une conférence de presse dans un grand hôtel parisien en ayant pris soin de contacter les journalistes sur leurs portables durant la nuit ; les rendez-vous secondaires qui leur sont fixés ressemblent étrangement aux habitudes de leurs ennemis gauchistes. Le DPS surnommé à juste titre «Dépend du Président Seulement» et malgré cette appellation n’échappe donc pas à la crise. Claude Cotte, responsable DPS du Limousin, annonce dans un communiqué en date du 22 décembre le basculement en faveur de Mégret des services d’ordre de huit régions qui déclarent de fait protéger les congrès départementaux convoqués en janvier, avant le congrès exceptionnel de Marignane. En outre, Gérard Hirel (chargé de la formation) et Gérard Le Vert (responsable national) partent assurer désormais la protection des amis de Mégret. On apprend aussi par le biais d’un entretien accordé par l’ancien patron du DPS, Bernard Courcelle, au Parisien Libéré, que le président était déterminé à faire tirer sur les mégrétistes au cas où ces derniers tenteraient de rentrer dans le «Paquebot»[2].

Enfin la bataille la plus importante est une guerre de tranchées pour récupérer l’argent du parti, le chef déclarant sur les ondes de France Inter dès le 10 décembre que son ancien adjoint a mené «depuis plusieurs mois, peut-être même plus, une action de subversion, de séduction et d’intrigue auprès des élus grâce à un organisme qui s’appelle l’Institut de formation nationale, qui est assez bien doté financièrement et qui permet d’inviter les gens dans les grands hôtels et de leur offrir à dîner». De fait, cet organisme affiche bien des bénéfices, comme celui de 758 820,27 francs en 1995 et reçoit des millions de francs de subventions émanant des collectivités locales… De quoi susciter bien des jalousies. Les comptes des fédérations sont bloqués, la boîte postale ouverte par Serge Martinez à Courbevoie aussi, ce dernier répliquant que la famille Maréchal, salariée du parti, coûte «2 159 000 francs par an, soit l’équivalent d’une année de cotisations de 21 500 adhérents chômeurs». Le plus vif problème de l’époque demeure le quasi-blocage des fonds pour les deux tendances, chacune étant contrainte d’imposer des emprunts aux cadres et d’en proposer avec insistance aux autres. Des fédérations entières sont mises en liquidation judiciaire, Le Pen présentant d’imposantes factures à son ex-numéro deux en dénonçant ses méthodes de «bankster». Il est fort possible que les mégrétistes aient décider de contribuer à l’asphyxie financière, alourdissant ainsi le déficit d’une machine organisationnelle qui s’est développée de façon considérable, la masse salariale passant de 7 854 302 francs au début des années 1990 à 17 786 839 francs en 1997, avec une centaine de permanents, le budget total étant dans la même période passé de 86 à 145 millions de francs.

Le Mouvement national

Dès le printemps 1999, il apparaît clairement que l’abordage frontal contre le FN a échoué et que les mégretistes vont devoir être plus patients que prévu. Ils se replient alors sur la mise en place d’un mouvement différent à défaut d’être nouveau et qui n’a sans doute qu’une vocation temporaire dans l’esprit de ses promoteurs : le Mouvement national.

Le lancement se fait sur les chapeaux de roue, le jeune mouvement devant mener de front construction organisationnelle et activité électorale, la deuxième servant la première.

Le piètre résultat obtenu par la liste des mégrétistes aux élections européennes de juin 1999, soit 3,28 % des voix, les met très tôt en difficulté, y compris sur le plan financier où l’ardoise est sévère, la campagne ayant coûté 20 millions de francs, pour une collecte de 8 millions provenant de prêts à hauteur de 100 000 francs consentis par les deux-tiers des 130 conseillers régionaux et d’environ 2,5 millions de francs de prêts militants. Il n’y aurait eu que 1 à 2 millions de francs de collectés pour la souscription. Aussi, le président Mégret lance un appel au secours pour récolter 7 millions de francs sous les quinze jours, la menace de tout arrêter étant mise en avant. La situation est alors compliquée par l’annonce que les prêts contractés auprès des cadres ne seraient pas remboursés. En août 1999, le président annonce que son parti échappe à la faillite financière lors du dépôt des comptes de la campagne européenne : «Sur les 7 millions de francs qui nous manquaient, nous avons collecté 4 millions chez nos militants et sympathisants. […] Il nous reste maintenant à trouver les 3 millions de francs pour financer les dépenses qui ne figurent pas dans les comptes des campagnes». Pour parvenir à ce résultat, les conseillers régionaux transforment leurs prêts en dons, et des mesures draconiennes sont prises, comme la réduction des permanents de 24 à 9, Mégret montrant l’exemple en demandant sa réintégration en qualité d’ingénieur dans son ancienne administration des Ponts-et-Chaussées.

À ces difficultés financières, il faut évidemment ajouter les querelles de personnes, consécutives à la tourmente de la scission et aux malentendus d’une ligne politique qui hésite entre une radicalité non-démentie (en particulier sur la question ethnique) et la volonté d’établir des passerelles avec la droite libérale ou souverainiste pour accéder au pouvoir. Ainsi, le trésorier national, Denis de Bouteiller, quitte très vite ses responsabilités, critiquant l’influence prise par le courant néo-païen dirigé par Pierre Vial, conseiller régional Rhône-Alpes. D’autres problèmes font surface, comme en région PACA, avec la démission de Jean-Christian Tarelli ou les distances prises par les huit conseillers municipaux de la ville de Toulon à l’origine du Groupe des Droites toulonnaises en juillet 1999. Le motif de ce geste d’humeur est lié aux directives données par Mégret qui estime que le maire FN Jean-Marie Le Chevallier, «n’est pas un ennemi», tandis que les huit rangés derrière Dominique Michel, conseiller général, réclament depuis des mois sa démission. Dès lors, le conseiller en question est écarté de la direction varoise, et le groupe fait alliance ouverte avec le nouveau RPF du tandem Pasqua-De Villiers, en vue de soutenir la candidature de l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani pour les élections municipales de 2001. Mais on enregistre aussi les départs du conseiller régional de Nice, Jean-Pierre Gost, par «ras-le-bol des états-majors parisiens».

Enfin, plus globalement, beaucoup de responsables critiquent ouvertement la ligne de conduite ayant amené le score des Européennes, en s’interrogeant sur le bien-fondé de la présence de Marie-Caroline Le Pen sur la liste ou sur une campagne menée comme «une primaire anti-Le Pen». De plus, les invectives et déballages sur la place publique d’affaires concernant la gestion du FN n’ont pas apporté de raisons à l’électeur de base pour voter pour cette tendance, critiquée par Le Pen à la télévision comme «une minorité extrémiste et raciste». En fait, beaucoup prennent des distances en critiquant l’absence de démocratie ou le parisianisme exacerbé de Mégret.

Le MN tente malgré tout au milieu de ces difficultés de mettre en place une ébauche de structure en s’appuyant sur les structures satellites passées de son côté. C’est le cas de Fraternité française ou du Renouveau étudiant, qui semble lui être désormais lié grâce à sa présidente Claire Jouët. Les retraités sont aussi représentés par l’ancien président du Cercle national des Préretraités et Retraités, Claude Runner, qui crée pour la circonstance l’Association nationale des Retraités. On voit également quelques jeunes catholiques se regrouper autour de la revue Force catholique, l’organe de la virtuelle Jeunesse Action chrétienne. Mais la faiblesse de la scission le pousse à la recherche d’alliances, par exemple dans la jeunesse. Cela se concrétise par le meeting du 4 février 1999 appelant à la constitution d’un Front de la Jeunesse[3], l’appellation n’ayant rien de novateur puisque c’était celle du PFN dans les années 1970 ! C’est un projet ambitieux, dans la mesure où chaque composante est censée être autonome et reste prête, on s’en doute, à tirer la couverture à elle. En fait, le FJ nouvelle mouture demeure complètement virtuel faute de véritable volonté politique unitaire et de dissensions personnelles importantes, obligeant le Mouvement national à se doter d’une vraie structure de jeunesse.

Le mois de septembre est l’occasion de la première fête régionale de l’Ile-de-France, concurrente des BBR et tenue à Nogent-sur-Marne. Elle est l’occasion de tirer le bilan des six mois écoulés et la conclusion est définitive : il faut reconstruire autre chose que le FN, en attendant l’hypothétique moment où Jean-Marie Le Pen passera la main et où il sera alors possible de capter les électeurs et les militants restés fidèles. L’immigration est bien sûr le terrain désigné de surenchère avec le FN, ce dernier étant taxé de capitulation «en rase campagne» pour avoir osé parler de «société multiconfessionnelle». C’est sur ces bases qu’est lancé le Mouvement national républicain.

C’est dans les vieux pots…

Parti créé en septembre 1999, le MNR présente plusieurs visages et véhicule de multiples ambiguïtés sur lesquelles il nous faut revenir. Il est clair que ce sigle vise à satisfaire tout le monde, aussi bien l’aile modérée tentée par le souverainisme à la Pasqua (rappelons que Jean-Marie Le Pen n’a alors jamais conclu l’un de ses discours par «Vive la République !») que les radicaux à qui cela doit rappeler le bon temps du solidarisme. Par ailleurs, le logo choisi est celui qui était déjà utilisé par les CAR (Comités d’Action Républicaine) du temps où Mégret était encore au RPR, au début des années 1980, et qu’il essayait de ratisser à l’extrême droite. Mais dans le même temps, le mouvement monte un «Observatoire national de l’islamisation de la France», sous la direction du vieux partisan d’Israël Jean-Claude Rolinat et de Jean-Pierre Pagès-Schweitzer ou met en place, pour concurrencer l’AGRIF, un numéro de téléphone contre le racisme anti-français. Ces contradictions n’ont cessé de s’exprimer depuis sous de multiples formes. On peut citer par exemple l’hostilité exprimée par de nombreux cadres envers l’action menée en 2001 au nom des valeurs judéo-chrétiennes par le président de l’association Promouvoir, André Bonnet, responsable MNR pour le Vaucluse, contre Michel Houellebecq, alors que celui-ci était considéré comme un allié objectif pour ses diatribes anti-musulmanes. Mais ce sont surtout les départs et exclusions qui ont le mieux mis en évidence ces conflits de tactique et orientation. Cela a été le cas en Aquitaine, avec les départs de François-Régis Taveau, France Prenat et surtout Eddy Marsan, conseiller régional à l’origine de l’Alternative nationale, petit regroupement nationaliste-révolutionnaire. Mais cela explique aussi le départ du couple Marie-Caroline Le Pen-Philippe Olivier, tous deux conseillers régionaux, quittant le MNR pour protester contre les propos «racialistes» tenus par Pierre Vial dans une assemblée de Terre & Peuple. À l’inverse, d’autres militants partent en constatant que la radicalité du MNR a des limites très étroites comme par exemple l’un des responsables grenoblois, Christian Mollier, poursuivi après des actes de violence, en particulier contre des associations maghrébines, et désavoué immédiatement par les instances du MNR. D’après Eddy Marsan, ces contradictions apparentes n’en seraient pas puisqu’elles s’inscriraient au coeur de la démarche du MNR, à savoir constituer l’aile dure de la droite et ainsi affaiblir le FN. C’est dans ce cadre qu’il faudrait interpréter le soutien inconditionnel des nationalistes-révolutionnaires d’Unité radicale au MNR, malgré ses positions atlantistes et pro-israéliennes par exemple. En tout état de cause, cette confusion, voulue ou non, n’a pas contribué à faciliter la construction du MNR.

Cela n’a d’ailleurs pas permis non plus de percée électorale. Le test a eu lieu aux élections municipales de mars 2001. Le MNR, qui prétendait avoir investi 430 têtes de liste, n’a alors finalement présenté que 396 listes[4], avec de réelles difficultés puisque les listes étaient ouvertes aux non-adhérents du MNR et que tous les adhérents étaient considérés comme des candidats potentiels. Le résultat a été de 227 597 voix (soit 1,63% sur l’ensemble du pays). Tactiquement parlant, le MNR, qui disposait de moindres moyens financiers et d’une notoriété plus faible, a présenté des listes là où le mouvement national faisait de bons scores ou lorsque la situation était favorable à droite, tandis que le FN a présenté d’abord des listes là où il avait des militants[5]. Le MNR était également absent dans de grandes agglomérations comme Lille, Caen, Grenoble, Strasbourg ou dans sept secteurs sur neuf de Lyon. En revanche, il était présent à Dreux (9,58 % au premier tour) alors que dans ce fief des Stirbois, le FN n’avait pu présenter de liste. Ou encore une plus grande réussite revendiquée pour le nombre d’élus municipaux du MNR, ce parti ayant présenté des listes là où de nombreux maires ont été élus dès le premier tour. Au second tour de ces élections municipales, le MNR fait à nouveau presque jeu égal avec 82 485 voix. Finalement, le MNR a revendiqué pour l’ensemble de la France 246 conseillers municipaux (dont 32 à Marignane, 29 à Vitrolles, 14 à Marseille) contre 220 pour le FN. Aux cantonales de la même année, le MNR présentait 1318 candidats et a obtenu 366 730 voix, soit 3,03 %. Ce score est à comparer avec celui du FN aux cantonales de 1988 : avec 1465 candidats, il obtenait 5,73 %. Aux cantonales de 1994, avec 1844 candidats, il réunissait 9,84 % des suffrages. Mais le MNR a échoué lors de ces élections à sortir du ghetto puisque les listes d’union furent très rares[6].

Cela n’a malgré tout pas empêché le MNR, au cours de cette période, de se construire. Il a stabilisé ses permanents et ses cadres, en dépit de quelques départs importants comme celui de Martin Peltier, ancien rédacteur en chef de National-Hebdo, ou Louise Allaux (madame Gilles Soulas à la ville), trésorière en remplacement de Denis de Bouteiller, ou encore d’une certaine tendance au fractionnement régional avec l’apparition de mouvements comme le Mouvement régionaliste de Bretagne de Xavier Guillemot. Le parti a tenu son premier congrès fin février 2002 et l’achat de son local sous la forme d’une SCI a d’ailleurs montré que le parti avait encore des ressources financières, ce que peu de personnes auraient parié après la crise de 1999. D’autres outils se sont mis en place, en particulier des moyens de communication comme le journal Le Chêne ou un site Internet, des associations de financement ou encore un service d’ordre (DPA). Tentant de rompre définitivement avec le FN, le parti a institué sa propre liturgie : fête de Jeanne d’Arc à Domrémy en mai (200 personnes environ en 2000 et 2001), université d’été fin août (même fréquentation d’environ 200 personnes), rassemblement de Poitiers en septembre, fêtes locales. Le MNR a également essayé de faire vivre les associations satellites qui avaient suivi Bruno Mégret lors de la scission. C’est par exemple le cas auprès des locataires HLM avec trois élus enregistrés en 2000 pour le compte de l’Alliance française des Locataires. Dans la jeunesse, les résultats ont été très mitigés. Réduit fin 1999 à l’état groupusculaire avec seulement deux ou trois militants pour de nombreux groupes de province (seule la région parisienne échappe alors à cette situation), le Mouvement national de la Jeunesse est parvenu à remettre sur pied un semblant d’organisation avec un effectif que l’on peut estimer entre 200 et 300 militants, sous la direction de Philippe Schleiter (neveu de Robert Faurisson). Mais les cadres du MNJ ont été intégrés au sein du MNR, ce qui a contribué à affaiblir la structure jeune. Pour ce qui est des étudiants, le MNR a échoué dans sa satellisation du Renouveau étudiant. Le congrès de Bordeaux d’octobre 1999 a été l’occasion d’affrontements oraux très violents entre les partisans d’un rattachement strict au MNR et ceux qui souhaitaient faire du RE le rassemblement étudiant de toute la jeunesse nationaliste étudiante. Cela a finalement contraint le MNR à remettre en place une nouvelle structure, l’UED (Union des Étudiants de Droite). Faisant cavalier seul en 2000, l’UED était alors présente dans 12 académies avec des résultats inégaux. En 2002, les étudiants mégretistes étaient candidats avec le soutien d’Unité radicale dans seulement huit académies, signe que l’extrême droite universitaire demeure marginale.

Le principal (unique ?) motif de satisfaction mégrétiste a été durant ces deux ans le contexte international, tant par les résultats électoraux obtenus par des partis que le MNR considère comme similaires, que ce soit en Autriche ou en Italie, que par une certaine reconnaissance dont le point culminant aura été la rencontre européenne organisée le 11 novembre 2001 près de Vienne en Autriche par le journal Zur Zeit. Mégret y a cotoyé Filip Dewinter (Vlaams Block flamand), Heli Susi (Vaterlandpartei d’Estonie), Alfred Mechtersheimer (aile droite de la CDU bavaroise) et Istvan Csurka (MIEP hongrois)[7].

Mais le MNR ne doit sans doute en partie sa survie qu’à son bastion vitrollais. La ville lui a en effet servi de base arrière et lui a en particulier permis de garder des fidèles en les salariant. Ce fut le cas en 2000 pour un certain nombre de cas célèbres : F.-X. Sidos, neveu du führer de l’OEuvre française, a alors été engagé comme responsable des services techniques de la ville, Gérard Le Vert, chef du DPA, devenant responsable de la sécurité, et Damien Bariller, un des lieutenants de Mégret, occupant un poste administratif. Après les élections de mars 2001 et la réélection de Catherine Mégret, c’est un transfuge du RPR qui est devenu chef de cabinet de madame la maire : Christophe Beaupère, ancien secrétaire des Jeunes RPR de la Haute-Vienne et membre de la direction nationale de cette organisation jusqu’en 1998 avant d’entrer au MNR en 1999.

La succession d’affaires judiciaires liées à la gestion très particulière de la ville par le clan Mégret a tout autant évité au parti de tomber dans l’anonymat auquel aurait dû le condamner la faiblesse de ses moyens. Cela a bien sûr culminé avec les procès successifs liés à la prime de naissance réservée aux familles françaises instituée par la mairie.

À l’issue de ce parcours, l’avenir consécutif aux élections présidentielles de mai 2002 semblait tout tracé. Dans le cadre d’un second tour Jospin-Chirac, le MNR aurait appelé à faire barrage à la gauche, ouvrant ainsi la voie, par ce soutien implicite au candidat Chirac, à une lente intégration, très progressive, à une majorité de droite, tout en attendant de récupérer l’héritage Le Pen. La présence de ce dernier au second tour est venu bouleverser toute perspective sûre d’avenir. De nombreux militants mégretistes ou même cadres ont montré qu’ils étaient prêts à passer l’éponge sur les avanies passées pour aider le FN à gagner. La sortie de la vie politique de Jean-Marie Le Pen est de nouveau repoussée aux calendes grecques et il n’est pas évident que les formules incantoires du type «Mégret l’Avenir» permettent d’éviter une hémorragie militante. Le chemin de croix mégrétiste ne fait que commencer…

  1. En outre, un administrateur judiciaire est désigné pour vérifier le nombre des militants ayant signé en faveur de l’organisation du congrès extraordinaire, et donc si le quorum des 20% des voix des militants prévus statutairement a bien été atteint.[]
  2. Il y affirme notamment qu’en son absence, le grand chef a posé cette question de confiance aux cinq gardes du poste de sécurité dans ces termes : «Êtes-vous prêts à tirer, avec vos armes, sur des mégrétistes qui tenteraient de rentrer dans la propriété ?» ; les cinq répondant par la négative seront alors exclus sur le champ pour «désaccord politique».[]
  3. La réunion initiée par l’association Aurore qui réunit d’anciens militants du RE rassemble des membres du GUD parisien, la revue Réfléchir & Agir, le groupe musical In Memoriam, l’association L’Art s’affiche, des jeunes de l’association Terre & Peuple et bien évidemment le RE.[]
  4. 385 sans les DOM-TOM, 353 avec un MNR tête de liste, 213 dans des villes de plus de 9000 habitants, 137 dans des villes de moins de 3500 habitants, dont 76 dans des communes de moins de 1000 habitants.[]
  5. C’est ce qui explique certains scores exceptionnels du MNR comme à Vernouillet (27,66% pour Denis Daude), Pierrefitte (29,5% pour Franck Timmermans) ou Montigny-en-Gohelle (21,48%), où il n’y avait aucune liste de la droite parlementaire.[]
  6. On peut néanmoins citer Gardanne avec une liste CNI-MNR , Évreux (liste MPF-MNR) ou Chartres (liste MNR-RPR dissidents).[]
  7. Il semble que la réunion ait été organisée par l’aile droite du FPÖ pour mettre en difficulté Haider, tenté par un recentrage. Le principal scandale dans cette affaire aura été la présence du dirigeant hongrois, célèbre pour des déclarations antisémites très virulentes. Pour ce qui est de Mégret, il n’était pas prévu au programme et a forcé l’entrée par le biais d’un militant FPÖ réputé pour être un pur néo-nazi et qui est en contact avec des militants du MNR.[]
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