REFLEXes

Tiiiiiimber !

26 avril 2004 Les radicaux

Posté le 26 avril 2004

Le 30 mars dernier, la police de l’Indre a donc (temporairement ?) mis fin aux activités du « bûcheron » de Saint-Maur, c’est-à-dire Paul Thore. Au delà du personnage, c’est tout un microcosme qui est chamboulé et cela ne peut que nous réjouir même si comme on le verra par la suite, cette affaire pose bien des questions. Né en mars 1973, Paul Thore était en effet le point de rencontre de divers courants nationalistes a priori peu susceptibles de travailler ensemble.

Il était avant tout l’une des figures les plus remuantes du courant national-catholique au sein ou proche du FN. Longtemps membre du FNJ, il avait gardé un pied au FN et la presse nationale n’a pas manqué de rappeler qu’il apparaissait il y a encore quatre ans comme rédacteur en chef du Patriote du Berry, bulletin local du FN 36. Plus simplement, il suffisait de chercher son stand lors du défilé du 1er mai du FN et on tombait immanquablement sur son petit commerce militant, curieux mélange de breloques nationalistes françaises et de références fascistes historiques, avec Léon Degrelle en figure vedette. Son aura de tête brûlée n’étant pas forcément goûtée de tous les responsables du FN, Paul Thore avait mis en place une structure autonome, dont la vitrine a longtemps été la revue l’Épervier. Le n°1 de cette revue est paru à l’automne 1996 en honorant le Scalp d’un dossier recensant les différents moyens d’expression et manifestations du groupe antifasciste et elle se présentait alors comme étant éditée par des membres de la Fédération Nationale Catholique, qui se voulait le lieu de regroupement des mouvements, groupes et bonnes volontés adhérant à la Charte d’Action National-Catholique. À l’image de ses animateurs, le journal affiche dès le début une très grande ouverture d’esprit puisque Paul Thore adopte alors le pseudonyme de « G. Rézon » pour remplir sa tâche de rédacteur en chef et que les revues ou librairies considérées comme amies sont quasiment strictement sélectionnées sur leur orientation catholique. Les quelques structures non catholiques sont alors stigmatisées par un « p » entre parenthèses, pour bien signifier leur orientation païenne. Thore enverra d’ailleurs une lettre gratinée à Réfléchir & Agir en 1998 pour signifier à l’équipe animatrice de cette revue que les membres de l’Épervier ne collaboraient qu’avec « des païens intelligents qui respectent la foi de leurs camarades catholiques » et qu’ils ne voulaient « rien avoir à faire avec des abrutis qui ont un esprit malsain souvent dans un corps malsain ! ». Les moyens de la revue sont au début assez frustes mais, plein de ressources, Thore montera par la suite avec sa femme et sa mère une association permettant de servir de relais aux activités du petit groupe sur Châteauroux et dont l’objet social est de « favoriser les échanges d’idées populaires et culturelles » : Peuple & Culture.
Cela permettra ainsi de mettre sur pied une boutique de VPC, Para Bellum, qui diffusait autocollants et patchs divers dont le blason de la division SS Charlemagne et d’assurer le contact postal de Bleu Blanc Rock dont Paul Thore est le président comme on le verra ci-dessous.
Par la suite cette Fédération deviendra la Ligue Nationale Catholique et nous offrira l’occasion de ricaner un bon coup : sa présentation était en effet quasiment intégralement copiée sur celle du réseau antifasciste No Pasaran, ce qui était un comble pour des « purs et durs » comme les militants de Châteauroux, rebaptisés Loups du Berry. C’est d’ailleurs sous ce nom qu’ils organiseront une conférence de Guillaume Faye en novembre 2000 consacrée à « l’invasion de l’Europe ».

Depuis 2001, la Ligue était mise en sommeil et la revue ne paraissait plus, en grande partie à cause des ennuis judiciaires accumulés par Paul Thore et ses camarades le printemps de cette année-là. Une campagne de propagande extrêmement agressive sur Châteauroux les avait conduit en garde à vue pour certains d’entre eux, en particulier Paul Thore, et les liens du groupe avec les milieux révisionnistes étaient avérés. Il suffisait de comparer les autocollants de l’Épervier avec ceux du VHO, principale structure négationniste franco-belge dont l’un des animateurs est Vincent Reynouard, pour comprendre l’importance des contacts entre les deux groupes. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’on ait retrouvé des exemplaires du livre de Reynouard sur Oradour-sur-Glane parmi le matériel appartenant à Thore.

Cela n’empêchait malgré tout pas notre « bûcheron » de rester actif, par le biais du Rock Identitaire Français dont il était un acteur important. Étant l’un des initiateur de Bleu Blanc Rock (BBR) en 1999 grâce à des contacts noués bien avant la scission survenue au sein du FN, il permettait à la structure voulue par Fabrice Robert d’apparaître comme unitaire à un moment où le RIF optait majoritairement pour Bruno Mégret et donc de garder un orteil au sein du FN et des milieux catholiques. Plus pragmatiquement, cela permettra aussi à BBR de diffuser son matériel dans des manifestations comme les cortèges anti-PACS au printemps 1999, des pèlerinages Paris-Chartres ou certaines réunions du FN. Localement, Paul Thore manifestait d’ailleurs ces goûts pour la musique en étant le parolier d’un groupe dont son frère Miquel était le batteur : Insurrection. Ce trio jouera tout au long de sa courte carrière soit avec des groupes skinheads nazis (RAC), soit pour le FNJ, que ce soit lors de son université d’été annuelle au château de Neuvy-sur-Barangeon ou dans son local parisien du Forum Jeunesse. Il faut dire que le bassiste du groupe, Eymeric G., en était toujours militant et que cela facilitait donc les contacts. Cela rend comme d’habitude pitoyable les dénégations du FN de l’Indre prétendant n’avoir rien à voir avec ces « gens là » !!! On peut d’ailleurs impatiemment attendre les réactions du FN du Cher si le groupe Europa Nostra dont les membres sont des militants FNJ et qui est une réplique exacte d’Insurrection est inquiété dans les semaines à venir par la police dans le cadre de l’enquête en cours…
Si Paul Thore était un peu plus en retrait depuis deux ans, il n’était malgré tout pas à la retraite, en témoigne le Nouvel An BBR du 31 décembre 2003, grâce au commerce ouvert en juillet 2001, la Taverne Saint-Georges, qui servit durant un temps de boîte postale pour BBR avant que l’association ne rouvre une boîte postale. Le maître des lieux y organisait des concerts variés ce qui permettait de diluer le RIF dans un univers officiellement apolitique, suivant en cela les consignes de BBR. Accessoirement, la Taverne servait également de « cantine » à l’Institut d’Histoire des Identités Nationales et Régionales, fondé à Saint-Marcel (36) par Francis Bergeron, vieux militant solidariste, en 2002.

Popaul n’avait pourtant pas que des amis. Orgueilleux, sectaire et politiquement borné, il avait contribué très largement à jeter la division au sein du RIF entre BBR et l’équipe de Memorial Records / In Memoriam. Les attaques de l’Épervier contre ces derniers furent féroces, tel ce commentaire sur l’album En Palestine d’In Memoriam : « Voici le CD tant attendu qui devait être gratuit. Ce CD devait être offert avec le numéro spécial d’un magazine autrefois nationaliste et dont la haine anti-catholique systématique nous oblige à taire le nom . Bref, quoi qu’il en soit, le 3 titres a vu le jour mais il n’est pas gratuit puisqu’il vaut 40 francs. L’événement majeur de ce CD, c’est l’arrivée dans le groupe d’un deuxième chanteur-compositeur. Nous nous réjouissons de l’arrivée de Xavier [Schleiter. NDLR] dans le groupe car il a su donner un sens plus politique aux textes du groupe ! Musicalement, c’est toujours du bon rock français ; pour ça, on n’a jamais dit le contraire… ». Dans toutes les adresses disponibles à la fin de la revue, on ne trouvait d’ailleurs pas l’adresse de la librairie de Gilles Soulas, ni le contact de Memorial Record. L’Epervier était distribué à Paris à la Licorne Bleue, tenue par Thierry Dreschmann, concurrent de Gilles Soulas dans le petit monde de la librairie faf. Ces relations tendues purent d’ailleurs aller jusqu’à la confrontation physique lors de concerts, comme à Bourges avec Julien Beuzard en décembre 1999 par exemple. L’équipe de Memorial Records lui rendra d’ailleurs la pareille chaque fois que ce sera possible et Paul Thore sera violemment mis en cause comme mec fliqué et subventionné par des mairies de gauche par Louise Alaux, épouse de Gilles Soulas et ancienne trésorière du MNR, début novembre 2002, pour justifier le refus d’accueillir BBRock à la Fête de l’Identité et des Libertés du 09 novembre 2002.

Aujourd’hui, cet ensemble a du plomb dans l’aile et il y a fort à parier que les activités nationalo-catholico-négationno-musicalo-fascistes de Châteauroux vont connaître une baisse de régime. Pour autant le moment choisi par la police pour intervenir pose bien des questions. Sans aller jusqu’à la thèse défendue par BBR selon laquelle il s’agissait de faire oublier l’arrestation de militants islamistes, on ne peut que rester perplexe devant l’importance accordée à cette histoire si on la compare avec le silence dont ont bénéficié d’autres démantèlements récents de trafics d’armes dont les protagonistes étaient également des militants nationalistes ou néo-fascistes. C’est par exemple le cas le 10 mars dernier avec l’arrestation dans les Vosges par le SRPJ de Nancy de 17 personnes pour détention d’armes de guerre et d’explosifs. Si la presse locale n’a pas cité le nom de la seule personne écrouée, nous la connaissons pour notre part très bien puisqu’il s’agit de Cédric Bégin. Ce skinhead a longtemps été membre du PNFE et animateur du fanzine Swastika durant la première moitié des années 1990. Exclu des parachutistes lors de son service militaire, membre du génie civil durant quelques temps, il est écroué le 19 octobre 2000 à Épinal pour incitation à la haine raciale, détention d’armes et d’explosifs et dégradation de monuments publics (pour une affichette raciste apposée sur le monument du maréchal Leclerc à Madonne-et-Lamerey). Cette arrestation est alors la conséquence du coup de filet faisant suite au solstice d’hiver du 18 octobre 2000 à Plainfaing et dans lequel était impliqué un responsable du FN, Jean-Yves Douissard. Bégin sera condamné en appel le 20 juin 2002 par la Cour d’appel de Nancy à 2 ans de prison dont 20 mois avec sursis. N’ayant pas renoncé à ses activités explosives, il a donc continué à tremper dans divers trafics dont le club de tir qu’une partie des militants et sympathisants nationalistes impliqués fréquentaient était le pivot central. Autre trafic d’ailleurs dont la presse n’a pas parlé et qui avait lieu lui aussi dans les Vosges : celui qui était animé par André Leroy, ancien militaire et sympathisant d’extrême droite, qui a été arrêté au début du mois de novembre 2003 en possession d’armes de guerre et d’explosifs. S’il s’est suicidé lors de sa détention préventive, l’individu était bien connu des clubs de tir de la région de Saint-Dié et son trafic durait depuis 1995. Autant dire que Paul Thore et ses petits camarades peuvent passer à côté pour des petits joueurs avec leur vieille Sten et leurs grenades à main…
Dernier détail piquant : l’avocat de Paul Thore est Frédéric Pichon. Militant depuis qu’il a 15 ans au FNJ puis à Troisième Voie et au GUD avant de revenir au FN, il a déjà été l’avocat d’une multitude de militants nationalistes impliqués dans des affaires délictueuses. Il fut ainsi le défenseur des militants du GUD Nancy poursuivis le 19 octobre 2001 pour incitation à la haine raciale devant le tribunal correctionnel de Nancy pour une participation à une manifestation d’Unité Radicale le 28 octobre 2000. Mais il a surtout été l’avocat d’Adeline Rimoux, fille du directeur de cabinet de Dominique Perben, dans l’affaire Clippel puis Scheckler (Cf REFLEXes n°7), pour une détention illégale d’arme à feu et une provocation au suicide.

Décidément, le monde est petit et les préoccupations nationalistes bien monomaniaques !

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