(Article publié en octobre1993 dans le n° 40 de la revue REFLEXes)
Il y a des villes de la banlieue parisienne où il fait bon vivre ! Se promener tranquillement en toute sécurité le long des rues piétonnes, nettoyées toutes les deux heures. Faire du shopping sans craindre d’être dévalisé, déshabillé, torturé alors que l’on rentre tranquillement vers l’immeuble «neuf» qui nous sert alors d’humble logis. Et alors, rentré chez soi, on est sûr d’être tranquille derrière sa porte triple blindage, de n’entendre aucun bruit suspect venant de la rue et de s’endormir facilement, bercé par les sirènes, langoureuses et rassurantes, des véhicules de police.
Tel sera votre sort si vous avez la chance, l’unique chance de vivre à Levallois-Perret. Située aux portes de Paris, cette ville des Hauts-de-Seine est un véritable petit paradis…
Son maire, le député RPR Balkany, est le principal instigateur du changement radical qui s’opère depuis cinq ans environ. Cet homme d’une cinquantaine d’années, très proche de Charles Pasqua, a beaucoup d’imagination et présente la particularité de savoir l’utiliser contre ceux qu’il veut chasser : les pauvres. Ainsi, il fait détruire tous les immeubles ayant plus de dix ans et fait reconstruire à la place des immeubles neufs, histoire tout d’abord de les empêcher de se loger (vive les prix !).
Puis, vu qu’on ne peut pas les empêcher de rentrer dans la ville et qu’il faut bien se résoudre à les voir déambuler sur les trottoirs, le remède est simple : il faut fliquer ! Pour cela, une devise est de mise à la mairie de Levallois, «Pour obtenir de grands résultats, il faut de grands moyens». Ainsi, tout est mis en oeuvre pour que Levallois ressemble le plus possible à l’heureuse société dont nous rêvons tous, brillamment dessinée par George Orwell dans son livre, 1984. «Big Brother is watching you !» Tel est bien le cas aujourd’hui à Levallois, où plus de 60 caméras (120 prévues), renseignent la police municipale armée, qui ensuite peut rapidement prévenir de son véhicule d’intervention (voir photo 1), la police nationale seule habilitée à intervenir.
C’est alors la pleine confiance qui s’instaure entre la police et les habitants de la ville dans un climat de solidarité, d’entraide…
Qu’il est beau de voir une ville la nuit où chaque citoyen se transforme en indicateur de police, près à lui téléphoner dès qu’il entend un bruit suspect. Qu’il est bon de pouvoir laisser ses enfants encore en bas âges seuls au parc sous la protection ô combien efficace ! des municipaux (voir photo 2). Qu’il est agréable de savoir que bientôt les 85 rues de la ville seront minutieusement quadrillées, surveillées, gardées…
Et pourtant, tant de confiance envers sa police, n’est-ce pas trop présomptueux ? Est-elle réellement à la hauteur des dangers qu’encourent les habitants ?
La réponse nous est donnée par le maire lui-même, qui, ne croyant pas en la totale sécurité des caméras et de leurs intervenants physiques sur le terrain, les policiers municipaux, s’est fait construire son appartement au-dessus du commissariat de la police nationale (voir photo 3, les deux derniers étages) ! Et pourtant, l’immeuble flambant neuf de la police municipale (photos 4 et 5), semble tout aussi confortable, si ce n’est plus.
De toutes manières, vouloir habiter au-dessus des policiers nationaux dans une ville où toutes les rues sont sous haute surveillance, relève de la paranoïa aiguë. Bien qu’il faille noter que, depuis avril 1993, date à laquelle la Commission nationale informatique et libertés (!) a demandé à la mairie de Levallois de «faire procéder au réglage des caméras de manière à éviter toute visualisation des entrées d’immeubles et, a fortiori, de l’intérieur des appartements», on n’est plus totalement sûr d’être en toute sécurité chez soi.
On comprend alors pourquoi il ne restait plus à ce paranoïaque maniaque de la sécurité que les deux derniers étages du commissariat.
Moralité : Habitants de cette triste ville, tremblez, les pauvres peuvent encore venir troubler votre petit bonheur sous surveillance !
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