À la RATP, il existait depuis longtemps déjà des caméras de surveillance. Mais il s’agissait d’une surveillance purement technique, pour prévenir les accidents et assurer une bonne marche des réseaux.
En 1989, un pas est franchi. Le président de la RATP, Christian Blanc, annonce la mise en place de mille caméras de surveillance. Elles sont réparties dans les trente stations de métro les plus «chaudes» et sont reliées à un centre de sécurité.
La mise en place de la vidéosurveillance
Ce programme s’appelle T2S (Télésurveillance et sécurité). Il est réalisé par la société Techno sud. Il se définit comme un «système de vidéosurveillance actif». Il comprend des caméras, des détecteurs, des dispositifs de transmissions, de visualisation, d’enregistrement et de communication. Il s’organise selon une architecture à trois niveaux. Le niveau 1 (station) est le «niveau de détection élémentaire». Des caméras et divers détecteurs sont associés à la station : capteurs préprogrammés détectant les variations brusques de mouvement, capteurs audiométriques détectant un dépassement du niveau sonore ambiant, capteurs vidéosensor préprogrammés, capteurs d’ouverture et de fermeture. Toutes les informations collectées par ces dispositifs sont adressées en temps réel au niveau 2 (groupe de stations). Ce niveau est celui du «traitement des informations élémentaires au centre de surveillance local». Les capteurs du niveau 1 ont déclenché une alarme sonore et visuelle (affichage sur un écran de la zone concernée). L’agent qui reçoit ces informations peut laisser tomber s’il les juge non pertinente ou dans le cas contraire les transférer au niveau supérieur. Le niveau 3 (PC Sécurité de la RATP) coordonne les interventions. Les agents qui y travaillent ont une vision d’ensemble du réseau. Ils font intervenir les équipes opérationnelles de sécurité ou de secours les plus proches de l’événement. Ce système n’empêche en aucun cas les délits d’être commis. Il marque donc clairement, dans son architecture technique l’orientation de la RATP vers une action répressive.
T2S est mis en place en 1990. La RATP l’expérimente dans quatre stations : les Halles, Réaumur-Sébastopol, Strasbourg-Saint-Denis et République. Ce dispositif expérimental coûte 24 millions de francs et est présenté comme une première mondiale.
En 1993, le système AIGLE et en 1995 la mise en place du PC 2000 optimisent ce système de vidéosurveillance. Les caméras peuvent s’utiliser en mode automatique (suite capteurs) ou en mode manuel (à l’initiative de l’opérateur). Un magnétoscope enregistre toutes les images associées à une alarme ; l’archivage des bandes se fait au moyen d’un robot.
La vidéosurveillance se généralise peu à peu sur les lignes 3, 4 et 11 ainsi que dans certaines stations (comme Louvre-Rivoli) ou dans les gares RER Auber, gare de Lyon et la Défense. En 1999, l’équipement de la gare Châtelet-les-Halles s’élèvera à huit millions de francs. Ce programme s’achèvera pour les gares RER en 2001 par Charles-de-Gaulle-Étoile et par Nation.
En 1998, la RATP décide d’équiper vingt nouvelles stations de métro de 160 caméras, ce qui coûtera vingt millions de francs.
Des caméras dans les bus
Les bus sont touchés à leur tour. Les deux premiers bus équipés de caméras circulent sur la ligne 272 (Sartrouville-la Défense) en 1996. Les caméras sont placées face aux portes. Le déclenchement par le conducteur de l’alarme enclenche le système de vidéosurveillance. Les images sont enregistrées (une toute les sept secondes), ainsi que celles qui précèdent le déclenchement de l’alarme. Le poste central est alerté, tout comme les équipes d’intervention les plus proches, qu’elles soient de la police ou de la RATP.
Pour l’instant, seuls quelques bus ont été équipés de caméras. Ces systèmes encore marginaux devraient se généraliser. En octobre 1998, Lionel Jospin a décidé que 500 bus recevraient rapidement une installation de vidéosurveillance.
Météor : l’avenir ?
La nouvelle ligne de métro (la 14) inaugurée en grande pompe en octobre 1998 se veut la vitrine technologique de la RATP, voire même de la France. Une nouvelle fois la RATP innove en plaçant 120 caméras à l’intérieur même des rames. Deux caméras (première mondiale !) sont embarquées dans chaque voiture. Les voyageurs ont à disposition des interphones en relation avec le PCC (Poste de Commande Centralisé) de la ligne. Lorsque l’interphone est activé, l’opérateur parle avec le voyageur. S’il estime que la situation se justifie, il déclenche le système vidéo et commande un enregistrement.
Les sept stations de la ligne 14 ne sont pas en reste puisque 297 caméras (environs 40 caméras par station) contrôlent 98% des espaces.
Un sombre futur
L’ensemble du réseau RATP possède 5000 caméras (en décembre 1998). Ce chiffre va croître dans les années à venir. Toutes les gares RER seront vidéosurveillées. Les contrats locaux de sécurité prévoient au volet «transport» l’installation de dispositifs de vidéosurveillance. Aujourd’hui, un nouveau pas vient d’être franchi avec la mise en place de caméras embarquées dont l’investissement peut-être soutenu à 50% par l’État. De plus, les caméras numériques beaucoup plus performantes arrivent sur le marché.
Face à ces dispositifs liberticides, les garde-fous sont minces. L’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 «d’orientation et de programmation relative à la sécurité» a défini un cadre légal à la vidéosurveillance. Cette loi soumet l’installation de caméras à l’obtention d’une autorisation délivrée par le représentant de l’État dans le département du lieu d’installation des caméras. Dans le cas de la RATP, les autorisations sont très souvent accordées. Cependant, l’exploitant doit respecter quelques obligations : informer le public par l’apposition d’affiches de l’existence du système de vidéosurveillance (la RATP s’y emploie actuellement), les enregistrements doivent être détruits dans un délai maximum fixé par l’autorisation (inférieur à un mois), un droit d’accès aux enregistrements est accordé au public afin de les visionner et d’en constater la destruction dans le délai prévu.
La RATP s’oriente vers le tout-caméra ; elle s’inquiète tout de même des répercussions que pourra avoir cette politique. Au cours de l’année 1998, une recherche menée par le département commercial (CML) avec le sociologue Romain Breuil a fait apparaître le risque que la vidéosurveillance soit perçue négativement par une partie de la population (notamment les jeunes). Breuil et CML proposent que la RATP ne reste pas en attente mais devance ces éventuelles réactions par une communication mettant en avant la «vidéo-convivialité» plutôt que la vidéosurveillance. Il s’agit là de faire accepter aux rares individus encore réfractaires à cette logique sécuritaire la présence des caméras, et par là même cette société de contrôle.
Les équipes de sécurité et leur organisation sur les réseaux de la RATP
Le GPSR
Le Groupe de Protection et de Sécurité des Réseaux compte environ 700 agents (dont trois femmes).
Le GPSR est né en 1994 de la fusion du GIPR et de la SuGe dans le cadre du plan Khéops. Ces agents sont sous statut RATP, ils sont assermentés et détenteurs de l’autorisation du port d’arme. Ils sont chargés dans leur domaine de compétence d’assurer la sécurité des personnes (voyageurs et agents), la protection des biens et installations RATP et le respect de la police des chemins de fer.
Ils portent souvent un uniforme et sont munis de radios, de bombes lacrymogènes, de tonfas et de menottes. Ils patrouillent le plus souvent par trois ou quatre équipes constituées de trois agents. Désormais, ils peuvent être en civil.
Les GPSR sont recrutés en interne ou en externe. Le recrutement se décompose en cinq étapes :
1. Une épreuve d’instruction générale ;
2. Des épreuves sportives (faire moins de 17 »30 au 100m, grimper une corde de 5m en moins de 16 »1, lancer un poids de 7,260kg à plus de 5,4m) ;
3. Un entretien psychologique et de motivation ;
4. Une visite médicale poussée (taille minimale de 1,75m pour les hommes) ;
5. La commission finale de recrutement (commission composée d’un responsable sportif, d’un cadre de DRH, et de psychologues).
Le postulant fait ensuite un stage dirigé par l’unité formation et prévention. Il est ensuite affecté dans un attachement Khéops.
Le plan Khéops
En septembre 1993, la RATP met en place le plan Khéops I dans le sud de l’Ile-de-France. L’ensemble des effectifs de sécurité de la RATP sont progressivement installés dans cinq attachements décentralisés, intermodaux, appelés Khéops et dans sept camps de base situés dans des centres bus. L’effectif standard d’un Khéops comprend, outre l’encadrement, 50 à 80 agents opérationnels.
Cette sectorisation permet une gestion de proximité de la sécurité en accord avec la police (renforcement de la coopération et développement d’actions conjointes), la gendarmerie, les tribunaux et les «partenaires sociaux». Elle réduit aussi les délais d’intervention.
La SPSM
Le Service de Protection et de Sécurité du Métro a été créé dans les années 1970. Il s’agit d’une formation centralisée qui dépend de la préfecture de Paris. Elle comprend environ 450 policiers en tenue (avec une casquette «à l’américaine») ou en civil. Elle remplit une mission de prévention, de dissuasion et de répression dans le métro et dans le RER entre 6h30 et 24h.
Le CRFP
Le Commissariat des Réseaux Ferrés Parisiens dépend de la préfecture de police. Il comprend un effectif de 85 personnes, organisées en sept antennes (gare d’Austerlitz, gare de Lyon, gare Saint-Lazare, gare du Nord, gare de l’Est, gare Montparnasse, Châtelet).
Ce commissariat est chargé de rechercher et de réprimer les infractions pénales sur les réseaux et dans les grandes gares parisiennes. Il assure également le suivi judiciaire des affaires traitées en première instance par le SPSM.
À ces effectifs, il faut ajouter les centaines de CRS, gendarmes, gendarmes mobiles ainsi que les maîtres-chiens qui circulent sur le réseau. Le plan vigipirate a renforcé ce dispositif sécuritaire.
De minuit à 6h30, une trentaine de patrouilles de trois à quatre policiers dépendants de la brigade anticriminalité de nuit sont présents.
La DICCILEC (Direction Centrale du Contrôle de l’Immigration et de la Lutte contre l’Emploi des Clandestins) agit sur le réseau ferroviaire au bénéfice de la SNCF, et donc dans certaines interconnexions SNCF/RATP.
Le coeur du dispositif : le PC 2000
Le PC 2000 rassemble en un même lieu, dans les sous-sols de la maison de la RATP, les salles de commandements de la RATP et de la police nationale. Ce PC sécurité a été inauguré le 2 mai 1996, et est, selon la RATP «un dispositif unique au monde, doté d’équipements sophistiqués, qui optimise l’efficacité des moyens humains et techniques mis en oeuvre pour répartir au mieux les forces sur le terrain en fonction des événements».
Opérationnel en permanence, il se compose de deux salles identiques, une pour la RATP, une pour la police. Chaque salle comporte six pupitres opérateurs faisant face à un pupitre superviseur et à un grand écran. Les pupitres disposent de moyens techniques permettant la détection quasi instantanée des événements, la localisation des moyens humains disponibles sur le terrain, la communication avec les équipes d’intervention et autres acteurs, le contrôle des espaces par vidéosurveillance, une écoute discrète de certains guichets du métro et le suivi du déroulement des interventions.
Tous les pupitres du PC 2000 sont équipés d’une station de travail connectée au système AIGLE (localisation par GPS).
Le PC 2000 communique avec les équipes d’intervention par radiotéléphonie. Les opérateurs peuvent interconnecter les équipes, diffuser des messages sur plusieurs canaux, identifier les équipes émettrices d’un appel d’urgence.
Publié à l’automne 1998
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