REFLEXes

C18 : C comme combat, 18 comme Adolf Hitler

9 décembre 2006 International, Les radicaux

(Article publié en juin 1993 dans le n° 39 de la revue REFLEXes)

C18

Depuis 14 mois, on assistait en Grande-Bretagne à une vague de terreur nazie, comprenant des attentats, des agressions, des descentes dans des locaux politiques ou syndicaux et des centaines de coups de téléphone anonymes. Ces événements n’avaient entraîné que peu de réactions de la part de la police et peu d’intérêt dans les médias.

Publié en juin 1993

Le groupe responsable de toutes ces actions est Combat 18 (les 1ère et 8ème lettres de l’alphabet sont les initiales d’Adolf Hitler), groupe formé à l’automne 1991, en coopération avec le néo-nazi américain Harold Covington. On connaît Covington : il est l’instigateur de la tuerie de Greensboro (en novembre 1979 en Caroline du Nord) qui fit 5 morts et 9 blessés chez les militants antifascistes[1]. La révélation de sa présence en Grande-Bretagne par Searchlight en juin 1992 l’obligea à quitter le pays en catastrophe. Mais il laissa l’ossature d’un groupe néo-nazi qui transcende les rivalités des diverses factions de l’extrême droite et qui avait déjà de solides contacts avec le groupe protestant terroriste UDA (Ulster defence association).

Combat 18 s’est développé secrètement depuis 1991 et le jour où Covington quitta le pays, ils organisèrent de nombreuses attaques contre des antifascistes et des gauchistes dans la rue. Ils avaient commencé à faire des repérages de cibles potentielles, comme les bureaux des journaux radicaux ou des maisons de syndicat, contre lesquelles les attaques de Combat 18 allaient du pavé dans la devanture jusqu’au plastiquage. Le journal du parti communiste The Morning Star qui avait déménagé début 1992 dans de nouveaux locaux, reçut la visite d’un commando de C18 qui tenta d’incendier l’immeuble. Ce n’est que grâce à la rapide réaction des voisins que les pompiers ont pu sauver la vie des personnes dormant aux étages supérieurs. Des attaques similaires eurent lieu en dehors de Londres, par exemple de sérieux dégâts ont été infligés à plusieurs immeubles à Birmingham.

Une seule fois, C18 essaya d’attaquer l’Anti Fascist Action dans un pub de Londres ; une douzaine de membres de l’AFA résista à une attaque d’une soixantaine de fascistes. Après cet échec, C18 ne mena des actions que contre des cibles plus faibles lors d’actions de nuit.

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Le British National Party présenta plusieurs candidats aux élections générales d’avril 1992. Ce qui lança dans les rues non seulement les membres de C18, mais aussi d’anciens activistes nazis qui avaient fait leurs classes aux beaux jours du National Front dans les années 1970 ou dans des partis ouvertement nazis comme le British Movement au début des années 1980. On y trouve aussi la plupart des hooligans les plus en vue, en particulier ceux des « Chasseurs de têtes de Chelsea ». D’autres auraient appartenu aux services d’ordre des groupes skins. C18 n’a pas d’adhésion formelle, personne ne possède de carte d’adhérent pour des raisons de sécurité. C’est une association souple des éléments les plus violents de l’extrême droite, encadrée par les plus efficaces de ses instructeurs. La direction vient en partie de l’intérieur du British National Party, le parti d’extrême droite le plus important d’Angleterre.

C18-2Parmi les personnages-clef, on peut citer Paul David Sargent, par ailleurs connu sous le nom de Charlie « Ginger Pig » Sargent, condamné pour violence et trafic international de drogue ; ses deux frères, Stephen lui aussi condamné pour violence, et Bill organisateur de combats illégaux de chiens, sont aussi membres de C18 ; Eddie Wicker, un ancien cadre du National Front, candidat au Parlement, a lui aussi été condamné pour violence et il entretient des liens très étroits avec le groupe protestant Ulster Defence Association, un groupe paramilitaire interdit en Irlande du Nord mais pas dans le reste de la Grande-Bretagne. L’un des personnages les plus importants de C18 est Paul Ballard, un ancien militant du National Front et du British Movement. Il avait gardé des liens étroits avec son collègue Tim Weight, alias Tim Scargill, un des leaders du groupe anarchiste Class War jusque récemment.

Scargill est lui aussi un ancien du British Movement et du National Front il y a dix ans, mais également du fameux White Defence Group basé à Croydon dans le Sud de Londres. Une autre relation de Scargill est la femme d’un activiste de C18, John Merritt de Croydon. Tim Scargill a joué un rôle central dans la désinformation ambiante à propos de C18, en particulier dans la distribution d’une liste de noms et d’adresses de membres supposés de C18, dans le but de les transformer en cibles pour les antifascistes. La plupart des informations de cette liste étaient fausses et d’après les informations recueillies par les taupes de Searchlight dans l’extrême droite britannique, il est clair que Scargill participait à un plan visant à déclencher une guerre entre nazis et antifascistes. Il y a deux ans et demi, Scargill a demandé à des personnes qui sont aujourd’hui à la tête de C18 de plastiquer une librairie anarchiste. Une attaque a effectivement eu lieu en avril 1993 à Freedom Press, depuis 100 ans au coeur du mouvement anarchiste en Grande-Bretagne, par un commando masqué de C18 ; cela semble être la réponse à une demande de Scargill. Cette action, aussi bien organisée qu’exécutée, a causé des dégâts pour plusieurs dizaines de milliers de francs.

La loyauté de C18 est d’abord acquise à l’UDA puis ensuite aux groupes néo-nazis. La plupart des membres de C18, surtout les amis de Sargent, des hooligans, semblent moins intéressés par le racisme que par la cause loyaliste. C18 doit avoir au maximum 70 membres à Londres et entre 20 et 30 activistes dans le reste du pays.

C18-3Simon Chadwick, un ancien fonctionnaire, et Graham Tasker, tous deux de Chesterfield dans les Midlands, poursuivis pour agressions, en font partie. Un autre activiste des Midlands, Gordon Jackson, est actuellement en prison préventive. C’est un membre important du British National Socialist Movement, le successeur du British Movement. Il a été arrêté pour possession de drogue et pour détention d’armes à feu et munitions. C’est un des membres les plus endurcis de C18, il a déjà fait de la prison pour violence. Pour des raisons de sécurité, C18 chargea Harold Covington de s’occuper du courrier lorsqu’il retourna en Caroline du Nord ; ainsi, C18 n’avait aucune adresse publique en Grande-Bretagne. Le journal de C18, Redwatch, contenant les listes des cibles potentielles avait comme adresse la boîte postale de Covington Dixie Press, qui retournait les demandes de renseignements à la BP de Stephen Sargent dans le Nord de Londres. Au milieu de l’année 1992, la Ligue de St Georges, un groupe ouvertement national-socialiste, commença à publier un supplément «Target» dans son magazine League Sentinel ; comme Redwatch, il listait les noms et adresses de ceux que la Ligue considérait comme ses ennemis et de nombreuses attaques s’en suivirent. A la Ligue, c’est John Harrison qui en était chargé. Officier de sécurité à l’usine de moteur Ford de Dagenham à l’Est de Londres, il cultive une relation suivie avec David Irving (dont les réunions sont protégées par C18).

Deux des attaques les plus vicieuses de C18 ont eu lieu dans le quartier de l’East-End, quand des néo-nazis du BNP et de C18 essayèrent de « purifier » les rues de leurs opposants en les attaquant à coups de couteau et de battes de baseball. Les infiltrés de Searchlight dans l’extrême droite ont été capables d’identifier les attaquants.

Parfois, C18 a été aidé par la couardise ou la stupidité de ses victimes. Par exemple, la maison de Marc Wadswaorth, un responsable de l’Anti-Racist Alliance, a été cambriolée et des documents et carnets d’adresse ont été volés. Mis à part ses collègues les plus proches, il n’a dit à personne que C18 avait des dizaines de victimes potentielles supplémentaires. Searchlight a monté depuis 14 mois une enquête sur Combat 18 avec l’appui de la communauté juive de Grande-Bretagne. Searchlight et «World in Action», le magazine de reportage le plus important d’Angleterre, suivi par 9 à 10 millions de téléspectateurs, ont réalisé un documentaire montrant les activités de C18 (programme diffusé le 19 avril). Quand l’équipe de «World in Action» a cueilli Charlie Sargent dans la rue, devant ce qu’elle pensait être son refuge le plus secret du sud de Londres, il menaça de tuer le reporter. Eddy Wicker voulut éviter de répondre au sujet des liens existant entre C18 et l’UDA, mais sans succès. Quelques personnes ont pu être démasquées, dont John Cato, un éditeur nazi de 26 ans du Nord du Kent. Il est le contact d’Harold Covington et des personnes qui impriment le très illégal bulletin de C18, Redwatch. L’un des gros bras itinérant qui avait pris part à l’attaque d’un photographe de Searchlight l’année dernière sur ordre de Sargent, a été découvert ; il s’agit de Warren Bennett, d’Écosse.

Un des aspects les plus alarmants qu’a découvert Searchlight est le rôle de Phil Edwards, du sud de Londres. Ce maniaque du couteau a été arrêté en juillet dernier pour avoir poignardé un homme dans un pub. Il est laissé en liberté en attendant le procès et participe même à certaines actions de rue de C18. Sargent et ses amis se sont vantés qu’Edwards ne serait jamais condamné car ils menaçaient le témoin d’accrochage. Quand le procès eut lieu, le témoin-clé vacilla et Edwards fut libéré. Combat 18 a des liens étroits, par l’intermédiaire de Sargent et de Covington, avec le groupe terroriste suédois VAM et l’anti-antifa allemand. Sargent a des contacts en Belgique et en France. Searchlight et «World in Action» ont donné les preuves des attaques racistes organisées de C18 au Comité des Affaires Intérieures du Parlement britannique, en espérant que les principaux activistes de C18 seront arrêtés ou au moins neutralisés politiquement et militairement dans le futur.

Mis en ligne le 9 décembre 2006

  1. Voir Roger Martin Amérikkka, voyage en Amérique fasciste, p. 19 à 28 (N.D.T.).

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