Jeudi 26 juillet Roland Gaucher est décédé. Cet homme, peu connu du grand public, était un journaliste et un militant nationaliste, l’une des dernières grands plumes de l’extrême droite. Il a participé comme acteur et comme témoin à toute l’évolution de l’extrême droite française depuis plus de soixante ans. Il était l’un des derniers représentants de cette génération de militant nationaliste dont l’engagement avait commencé avant la seconde guerre mondiale. Roland Gaucher, de son vrai nom Roland Goguillot est né 13 avril 1921. Il a commencé à militer à l’extrême gauche, à la Fédération des Etudiants Révolutionnaires, puis aux Jeunesses Socialistes Ouvrières. De cette période, il gardera un goût pour la formation et l’organisation politique des partis socialistes et communistes et une certaine fascination pour l’extrême gauche française. Pendant la guerre, il rejoint le camp de la collaboration, en adhérant aux Jeunesses Nationalistes Populaires, le mouvement de jeunesse du « Rassemblement National Populaire » de Marcel Déat en 1942. Il en devient le responsable de région parisienne de mai en novembre 1943. Il assure également le secrétariat du service de propagande du RNP. Il débute sa carrière de journaliste en travaillant pour le journal National-Populaire, journal antisémite pro-allemand. En 1945, Gaucher est contraint de quitter la France. Il s’enfuit en Italie et en Suisse grâce au secours de certains prêtres catholiques. Rattrapé, il est emprisonné. Il fait alors la connaissance de Jean Castrillo, engagé chez les Waffen SS sur le Front de l’Est. Libéré à la fin août 1948, Roland Gaucher intègre les réseaux anticommunistes de Georges Albertini (qui plus tard recyclera Alain Madelin !) via le BEPI (Bulletin d’Etudes et d’Informations politiques internationales) et le journal Est-Ouest. Son passé d’ancien militant d’extrême gauche lui permet de se créer au sein de l’extrême droite le profil du « spécialiste du communisme » dont il est un des seuls à connaître et comprendre les mécanismes et les fonctionnements. Il reprend son activité militante au milieu des années 1950 avec Tixier-Vignancourt, en devenant secrétaire général du Rassemblement National. Il est employé en 1959-1960 par l’ANFAN (Association National des Français d’Afrique du Nord). En 1961, il est secrétaire de l’AEIPI. Gaucher est mis en cause lors de la perquisition du 7 avril 1961 au siège de la FNAF (Front National Pour l’Algérie Française) et le 2 septembre 1961 chez Bosquet, journaliste à Rivarol et inculpé pour complot contre l’autorité de l’État.
Il poursuit sa carrière de journaliste en travaillant pour l’Auto-Journal (dont le propriétaire est Robert Hersant, lui-même condamné à la Libération pour collaboration) et les Ecrits de Paris, revue conservatrice. En 1965 il rentre à Minute, aux côtés de François Brigneau, ancien milicien, pour s’occuper des questions politiques. En parallèle de ses activités de journaliste Roland Gaucher va publier plusieurs ouvrages sur l’URSS et le PCF. Editions Albin Michel 1967
Au centre, entre Alain Robert (Ordre Nouveau/ Parti des Forces Nouvelles) et Jean-Marie Le Pen. Le GUD et Le PFN tentent d’empêcher Jean-Marie Le Pen de tenir un meeting à la faculté d’Assas, fief du GUD, le 14 décembre 1977. C’est en 1972, avec le lancement par Ordre Nouveau des réunions de préparation du Front National que Roland Gaucher retourne au militantisme pur et dur. Il devient membre du comité directeur du FN en octobre 72. En novembre 73 Roland Gaucher suit les militants d’Ordre Nouveau qui quittent le FN, jugeant ses positions trop timorées, pour fonder le Parti des Forces Nouvelles (PFN) dont il intègre le bureau politique. Il devient l’un des animateurs d’Initiative Nationale, le mensuel du PFN.
Manif du PFN en novembre 1977. Roland Gaucher au centre
Il prend la parole au nom du PFN lors du meeting de l’Eurodroite (où l’on retrouve le MSI italien et Fuerza Nueva d’Espagne) à Paris le 28 juin 1978. L’année suivante, il quitte le PFN avec François Brigneau pour revenir au FN, à la demande de Jean-Pierre Stirbois. Sous les couleurs FN, il sera élu au conseil régional de Picardie et député européen en 1989. Il sera un membre actif de 1981 à 1993 du Front, exerçant divers mandats électifs, dont celui de député européen de 1986 à 1989, de conseiller régional de Picardie (élu en 1986) puis de Franche-Comté (élu en 1992).
En 1993 des révélations dans la presse sur son passé et des problèmes récurrents avec Jean-Marie Le Pen le font s’éloigner du FN. Il quitte le FN en août 1994 par non-renouvellement d’adhésion mais reste apparenté FN au Conseil régional. Il se rapproche alors de la nébuleuse des structures nationalistes qui tentent d’exister hors du FN en se tournant vers l’équipe du journal Militant, de son ami Jean Castrillo, et l’Alliance Populaire de Jean-François Touzé.
Au milieu des années 90, Roland Gaucher va prendre ses distances avec le militantisme classique. Il se consacre à l’écriture de plusieurs livres dont une histoire des Nationalistes en France, qui fait la part belle aux anecdotes et révélations sur le passé de nombreux militants de droite et de l’extrême droite. Il participe à la rédaction en 1996 du n°1 du journal L’Insurgé édité par l’association CMN. La revue était consacrée aux antisémites de gauche. Roland Gaucher fera quelques apparitions lors de meetings ou colloques d’extrême droite dont le premier meeting de Nation en décembre 1999 ou les assises de la radicalité d’Unité Radicale le 22 septembre 2001. Lors de cette conférence, Roland Gaucher était venu apporter tout son soutien aux jeunes NR, appelant de ses vœux à l’unité de la mouvance nationaliste radicale tout en refusant de se lancer une nouvelle fois dans l’aventure. Il signe l’appel pour « l’Unité du Mouvement National », appelant à la réconciliation entre le FN et le MNR en 2001. Il consacrera ses dernières années à écrire (dont certains textes extrêmement lucides sur les réalités et possibilités du camp nationaliste, les « tares de l’extrême droite » où il dénonçait : l’individualisme, l’égoïsme, la lâcheté et la paranoïa du militant nationaliste). Il collaborera également avec Christian Bouchet jusqu’en 2005 (à travers des éditos pour le site voxnr ou le journal Résistance) et Philippe Randa (quelques livres et une participation aux numéros 14 et 15 de Dualpha). Roland Gaucher fut également directeur de National-Hebdo de 1985 à 1993 et propriétaire du « Crapouillot » de 1991 à 1994. Inclassable, Roland Gaucher, qui dans l’un de ses ouvrages se disait appartenir au courant national-populiste du FN, avait autant de liens avec les catholiques lefebvristes qu’avec les Nationalistes Révolutionnaires, dont il peut être considéré comme un compagnon de route. Il fut également un temps cité au comité de patronage de Nouvelle Ecole, la revue du GRECE. Mis en ligne le 11 aout 2007
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