Entre la fin des années 1990 où ont eu lieu arrestations et procès dans la scène néo-nazie et l’arrivée au pouvoir du FPÖ le 4 février 2000 en coalition avec le parti conservateur, les néo-nazis autrichiens, connus pour leur violence meurtrière, semblent s’être volatilisés. Ils ne font en tout cas plus la une de l’actualité. Quelle stratégie ont-ils adopté depuis que le parti de Haider a son mot à dire au gouvernement et a ainsi déclaré qu’il n’y avait plus de néo-nazis en Autriche ?
Depuis que les cadres dirigeants de la Volkstreue Ausserparlamentarische Opposition (VAPO) ont été arrêtés puis condamnés entre le début et le milieu des années 1990, cette organisation a été, dit-on, «démantelée». Entre autres choses, l’enquête consécutive aux attentats à la lettre piégée revendiqués par la Bajuwarische Befreiungsarmee (BBA) a permis de mettre à jour la structure de la VAPO et d’en accélérer le démantèlement. Et en effet, la VAPO n’existe plus en tant qu’organisation depuis cette époque ; cependant, un grand nombre de militants qui en faisaient partie à la fin des années 1980 et au début des années 1990 ont repris leurs activités au sein de la scène néo-nazie, après avoir, pour quelques-uns, purgé une peine de prison. Un seul des cadres dirigeants de la VAPO, Hans-Jörg Schimanek junior[1] s’est tenu éloigné de toute activité politique publique : depuis sa sortie de prison en juin 1999, il travaille dans l’Est de l’Allemagne dans l’immobilier. Ce n’est pas le cas de Günther Reinthaler, l’ancien responsable de Salzbourg pour la VAPO, qui a de nouveau été placé en détention préventive en attendant d’être jugé pour apologie du nazisme.
À l’attitude offensive de la police et de la justice autrichiennes au début des années 1990 et qui a valu aux néo-nazis arrestations et interdictions, les cadres dirigeants de la VAPO ont répondu par le slogan suivant : «Entrons dans la légalité». Dans une lettre que Franz Radl a envoyé à Gottfried Küssel, il était suggéré de renoncer à toute apparition publique en tant qu’organisation (manifestations par exemple) sous l’étiquette VAPO et de se fondre dans le FPÖ et dans les organisations qui gravitent autour du parti de Haider (Burschenschaften[2] en particulier). La VAPO entretenait déjà d’excellentes relations avec les Burschenschaften, et la plupart de ses cadres dirigeants (Küssel, Radl, Kurt Hofinger, etc.) étaient membres de Burschenschaften. Après le démantèlement de la VAPO, presque tous les cadres de la VAPO qui étaient encore à l’université ont trouvé refuge dans une Burschenschaft, dans la Wiener Teutonia pour la plupart.
Parallèlement à cela s’offrait une autre possibilité : l’association d’extrême droite Verein zur Förderung der ganzen Wahrheit[3] dirigée par Horst-Jakob Rosenkranz qui anima en son temps la liste Nein zur Ausländerflut[4]. On retrouve dès 1990 plusieurs militants de la VAPO au bureau de cette association : Kurt Hofinger, Reinhold Kovar, Stefan Tanscos, Andreas Sammer et Alois Desch.
Après sa libération, Franz Radl a rejoint le groupe qui s’est formé autour de Robert Dürr, un militant d’extrême droite du Burgenland : ce dernier a créé en 1995 le Partei Neue Ordnung (PNO)[5], dans lequel Radl a été consacré spécialiste de l’anti-antifascisme[6]. Pour combler le vide laissé par le démantèlement officiel de la VAPO chez les jeunes néo-nazis (des boneheads pour la plupart), Dürr a mis en place la Neue Jugendinitiative (NJO)[7]. Cette organisation a cependant raté sa première apparition publique : un concert de musique bonehead qui devait avoir lieu pendant l’été 1998 à Mönchhof dans le Burgenland a été interdit par les autorités. En outre, on rencontre toujours Radl dans l’entourage immédiat de son père spirituel Herbert Schweiger du Nationalistische Front (NF) et du Deutsche Kulturgemeinschaft (DKG)[8] : le dernier exemple en date remonte à l’automne 2000, où Radl était le pianiste d’une semaine organisée par le DKG.
On retrouve en Haute-Autriche un autre ancien cadre de la VAPO : Rene Lang. Au milieu des années 1990, il a créé le Förderwerk Junge Familien[9], qui a appelé le 5 août 2000 en coordination avec les néo-nazis bavarois de la Nationaler Widerstand[10] à une manifestation dans la ville de Freilassing, située à la frontière germano-autrichienne : les organisateurs appelaient à manifester pour «stopper la dictature de l’Union européenne» et pour «en finir avec le boycott de l’Autriche». Michael Swierczek, un cadre néo-nazi bien connu de Munich devait y prendre la parole : il s’agit du président de la défunte Nationale Offensive (NO)[11] qui s’est efforcé de construire des groupes néo-nazis «autonomes»[12] et de mettre en réseau tous ces groupes dans le sud de l’Allemagne.
Gottfried Küssel, quant à lui, reste relativement prudent depuis sa libération anticipée à l’été 1999 du fait des obligations liées à sa condamnation avec sursis. Mais il a de nouveau été vu en public en compagnie d’anciens camarades de la VAPO : ainsi, on l’a vu en février dernier au musée du cinéma de Vienne à l’occasion de la projection du film de Leni Riefenstahl Triumph des Willens. Il semblerait également qu’il veuille progressivement réintégrer la scène néo-nazie. En effet, lorsqu’en novembre 2000, au cours d’une intervention de routine, la police, alertée par les riverains dérangés par des bruits de bagarres, a découvert la tenue d’une réunion de 50 néo-nazis de l’Arbeitsgemeinschaft für demokratische Politik (AFP)[13] dans leur local de Vienne, elle est tombée sur Küssel ainsi que son ancien adjoint, Gerd Endres, et a confisqué d’ailleurs à cette occasion des documents révélateurs de leur activité d’extrême droite. Il reste à savoir comment les autorités vont qualifier cette réunion, organisée principalement par des militants viennois de Blood and Honour : en fonction de cela, Küssel sera accusé ou non d’avoir manqué aux obligations liées à sa condamnation avec sursis.
La création de la section autrichienne de Blood and Honour remonte à 1998 et représente pour la «vieille garde» des néo-nazis autrichiens un véritable défi : elle a en effet décidé d’appliquer à la lettre les concepts de «résistance sans chef» et de «camaraderies libres» et a d’ailleurs d’ores et déjà commencé à les mettre en oeuvre. La VAPO, qui avait à peu près le même concept, a échoué, à cause du besoin irrépressible de Küssel d’être reconnu et d’être le chef. Ce dernier risque fort d’essayer prochainement de prendre une position-clé au sein de la structure de Blood and Honour, même si le succès d’une telle entreprise n’est pas encore avéré. Malgré tout, dans le deuxième numéro de la revue publiée par la section autrichienne de Blood and Honour[14], on se réjouit en tout cas que «de la libération anticipée des camarades Küssel et Schimanek.»
Heribert Schiedel
du Centre de Documentation de la Résistance autrichienne (DÖW)
- Il s’agit du fils de Hans-Jörg Schimanek, cadre du FPÖ.[↩]
- Corporations étudiantes ultra-conservatrices voire d’extrême droite, exclusivement masculines.[↩]
- Association pour la promotion de la vérité tout entière. Depuis 1991, cette association a pris le nom de Kritische Demokraten, les démocrates critiques, et publie la revue fakten.[↩]
- Non à l’Invasion étrangère. Cette initiative populaire (Volksbegehren) qui, si elle arrive à rassembler un certain nombre de signatures, peut être proposée sous forme de projet de loi au Parlement fédéral, remonte à 1982 et était emmenée par le néo-nazi Gerd Honsik, du NDP (Nationaldemokratische Partei) interdit en 1985.[↩]
- Parti pour un Ordre nouveau.[↩]
- Travail de renseignement sur les antifascistes, avec établissement de listes noires en vue d’éventuels attentats.[↩]
- Nouvelle Initiative pour la Jeunesse.[↩]
- Front nationaliste et Communauté culturelle allemande.[↩]
- Association d’aide aux jeunes familles.[↩]
- Résistance nationale.[↩]
- Offensive nationale, qui a été interdite en 1992.[↩]
- Connus sous le nom de Freie Kameradschaften, les camaraderies libres, d’où le terme autonome.[↩]
- Groupe de travail pour une politique démocratique.[↩]
- L’adresse de cette revue est une boîte postale hongroise.[↩]
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