REFLEXes

Le maire d’Orange défie le chef du FN

10 février 2003 Les institutionnels, Les radicaux

Né en 1943, Jacques Bompard a fait ses premières armes d’abord à la FEN (Fédération des Étudiants Nationalistes) menée par Pierre Sidos, puis à Occident dans les années 1960, avant d’être parmi les premiers à rejoindre le Front national lors de sa création en 1972. Rapidement membre du bureau national, Bompard est toujours resté discret mais dans l’entourage proche de Le Pen. Proche des milieux catholiques intégristes, il compte parmi ses amis Bernard Antony, président de Chrétienté Solidarité et chef de file du courant traditionaliste au FN, et Bruno Gollnisch, l’actuel numéro deux du parti.

Ce chirurgien-dentiste de profession fut des premiers combats électoraux dans les années 1970. Très tôt, il s’implante localement, en créant en 1975 la fédération FN du Vaucluse. Conseiller régional de la région PACA depuis 1986, il s’est surtout fait connaître en reportant les élections municipales à Orange en 1995, devenant l’un des quatre maires FN de villes de plus de 20 000 habitants. Élu à l’époque au second tour avec un peu moins de 36% des voix, c’est avec près de 60% qu’il est réélu dès le premier tour en mars 2001… Mais en laissant son étiquette FN de côté, et en menant une campagne « apolitique ». Menant les conseils municipaux avec une certaine brutalité, ce qui causa dans les premières années de son mandat quelques départs forcés au sein de sa propre équipe, Bompard gère la ville en concentrant ses efforts sur la rénovation du centre-ville, laissant à l’État le soin de s’occuper des quartiers défavorisés et des équipements lourds.

Élu député FN en 1986, Bompard était le seul candidat FN lors des élections législatives de 2002 à avoir une chance d’être élu : et il a fallu que toute la droite se mobilise derrière Thierry Mariani, le candidat de l’UMP, pour que ce dernier l’emporte finalement au deuxième tour, avec 35,23% des voix contre 34,06% des voix (à noter que les deux hommes s’étaient déjà retrouver face à face en 1997 : perdant, Bompard avait tenté une demande d’annulation de l’élection auprès du conseil constitutionnel pour divers motifs, requête qui fut rejetée). Mais le 24 novembre dernier, nouvelle victoire de Bompard : il remporte l’élection cantonale d’Orange-ouest avec 54,36 % des suffrages, une fois de plus sans étiquette FN…

Alors que ce parcours pouvait laisser penser que Bompard se contenterait de mener sa petite vie tranquille de notable de province, en faisant oublier son appartenance au parti de Le Pen, le maire d’Orange vient de créer la surprise en lançant un club de réflexion nationaliste, « L’esprit public »[1], faisant référence non à Le Pen mais à Jean-Pierre Stirbois, qui fut le n°2 du FN jusqu’à sa mort accidentelle en 1998. Dans une lettre adressée à tous les conseillers généraux et régionaux FN, il déclare : «Nous sommes encore loin du pouvoir. C’est la conséquence d’un certain nombre d’erreurs de méthode et de stratégie de notre camp ainsi que le résultat de notre incapacité à analyser nos revers ». Un discours déjà entendu au sein du Front, tenu par un certain Bruno Mégret… Mais la situation de Bompard est bien différente de celle du patron du MNR : figure « historique » du FN au passé ancré à l’extrême droite, qui a connu la traversée du désert du FN dans les années 1970, fort d’une implantation locale réussie et du soutien du principal courant organisé au sein du FN, à savoir les catholiques traditionalistes, Jacques Bompard, qui a toujours soutenu et Le Pen et Gollnisch, ne peut pas être soupçonné de vouloir faire un « puputch », mais simplement de prendre la place qu’il estime mériter, au mépris de son « amitié » avec le prétendant à la succession, Bruno Gollnisch. Après avoir fulminé contre la création de ce club, en déclarant notamment au journal La Provence que Bompard avait autant de chance « de devenir Président du FN que [lui-même] d’être archevêque », Jean-Marie Le Pen a réuni son bureau exécutif pour s’expliquer avec l’ambitieux, qui sans se démonter avait répliqué au patron du FN que ce dernier avait « davantages de chances de devenir archevêque que d’être un jour élu au scrutin majoritaire à deux tours. » On pouvait compter sur l’onctueux Carl Lang pour arrondir les angles et minimiser l’incident, qui fut qualifié de « malentendu ». Mais l’absence de réactions de Le Pen face à ce genre d’insolences doit moins être interprétée comme un affaiblissement de la pugnacité du chef que comme la prise en compte par Le Pen des atouts d’un Bompard qui pourrait bien avoir les moyens de ses ambitions.

  1. Révélé par Libération dans son édition du 4 février 2003[]
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