REFLEXes

Petite histoire récente du néofascisme italien

18 décembre 2007 Les nostalgiques, Les radicaux

La droite radicale italienne est un magma complexe et fragmenté en perpétuelle recomposition, pour en dresser un tableau complet duquel ressort le sens de certains des choix faits par ses actuels protagonistes il est nécessaire de faire quelques pas en arrière. Hier : Fin des années 80, début des années 90: l’Italie sort du reflux apolitique des années 80. A la suite du terrible attentat de la gare de Bologne du 2 août 1980 (80 morts), des mandats d’arrêt sont prononcés contre tous militants des principaux groupes de la droite extra parlementaire italienne. Les nombreux arrêtés se comptent parmi les jeunes militants, tandis que tous les cadres réussissent à s’enfuir à l’étranger. Les exilés sont quasi tous des responsables de “TERZA POSIZIONE” Roberto Fiore, Massimo Morsello (à Londres), Gabriele Adinolfi (à Paris), Peppe Dimitri et d’autres. Au début des années 90 la politique recommence à retrouver la rue en cherchant des modèles alternatifs à la lutte armée, à gauche c’est la vague des centres sociaux qui porte le mouvement, à droite c’est l’émergence de la mouvance des skinheads nazis. C’est une période d’agressions continues à l’encontre des “compagni” c’est à dire des militants de gauche ( NDT : le terme compagno/compagnon est exclusivement utilisé par les gens de gauche, celui de camerata/camarade strictement employé par les fascistes on gardera tout au long de l’article les mots italiens ce sera plus clair), immigrés, homosexuels, et tous ce qui affiche une diversité. C’est ainsi que naissent les premières tentatives pour encadrer ces “skinheads” et donner une dimension politique et militante à leur action : à Milan “AZIONE SKINHEAD” de Duilo Canu, en Vénétie “VENETO FRONTE SKINHEAD” mené par Pietro Puschiavo, à Rome le “MOVIMENTO POLITICO” de Maurizio Boccacci. Ces groupes se fédèrent et forment un réseau national nommé “BASE AUTONOMA”. Base autonome est donc un réseau spécifiquement nazi qui organise des concerts pour la défense de la race à l’occasion de l’anniversaire d’Adolf Hitler, mais orchestre aussi des campagnes antisémites contre les commerçant juifs en placardant des étoiles jaunes sur les rideaux de fer de leurs magasins, et multiplient les bagarres de rue avec les compagni. En 1993, consécutivement à la promulgation de la loi “Mancino” (type loi Gayssot en France) qui punie l’incitation à la haine raciale Movimento Politico et Azione Skinhead sont dissouts. Le seul à échapper à cette sanction est le Veneto Fronte Skinhead, et seulement au terme de longs procès. Curieusement, alors que les groupes locaux sont interdits par la loi, le contenant “Base Autonoma” n’est touché par aucune action légale. Cette situation de l’après 1993 met la droite radicale dans une situation de débandade comparable uniquement à celle de 1980. En 1995 le principal parti parlementaire héritier du fascisme, le “Movimento Social Italiano”, commence sa dérive vers le post-fascisme et change de nom pour s’appeler désormais “Alleanza Nazionale”. Les mécontents de ce retournement démocratique, principalement des ex-fascistes qui ont connu de leur vivant la “République Sociale Italienne”, fondent un nouveau parti qui à pour objectif de rassembler tous ceux qui refusent de renoncer à l’héritage du fascisme : FIAMMA TRICOLORE. Durant quelques mois, Fiamma Tricolore semble capable de faire cohabiter tous ces courants, puis tout se casse la figure au moment de l’arrivée d’un nouveau mouvement FORZA NUOVA, capable de ratisser la nébuleuse skinhead et la jeunesse néo-nazie. FORZA NUOVA : 1997: Roberto Fiore e Massimo Morsello, dont faut rappeler l’héroïque fuite à Londres en 1980 suite aux inculpations pour l’attentat de la gare de Bologne, ont profité de leurs années de cavale pour se construire un empire économique fondé sur une agence de voyage européenne (Easy London/Meeting Point) tout cela avec l’appui des services secrets britanniques. Ils fondent à distance le mouvement FORZA NUOVA (leur retour en Italie a lieu plus tard, seulement lorsque les délits pour lesquels ils sont inculpés tomberont sous le coup de la prescription) et recueillent toutes les survivances de Azione Skinhead et du Movimento Politico, en gros tous les morceaux épars de Base Autonoma qui ont subit la dissolution de 1993. De 1998 à 2002 Forza Nuova est le seul mouvement de d’extrême droite réellement en activité en Italie. Grâce aux énormes disponibilités financières de Fiore, des sièges du mouvement ouvrent dans les grandes villes ainsi que dans des villes de moyenne importance même s’il n’y a que 2 ou 3 militants à les tenir. Le parti s’inspire de la “Garde de Fer” roumaine de Codreanu et est d’inspiration catholique intégriste : ses points fermes sont la lutte contre l’immigration, l’opposition au droit à l’avortement, croisades contre les homosexuels et la restauration du concordat entre l’Eglise et l’Etat italien. Son logo est une croix celtique et le style celui des plus purs skinheads nazis. En décembre 2001, le trésorier de Forza Nuova est arrêté alors qu’il cherchait à placer une bombe, qui lui explose entre les mains le blessant grièvement, devant la porte du quotidien communiste “il Manifesto”. De 2002 à aujourd’hui : A Rome, à partir de l’an de grâce 2002 Forza Nuova commence à décliner. L’élan de départ de 1998 s’épuise parce que du point de vue électoral les résultats continuent à être terriblement décevants (0,5%) et du point de vue militant FN ressemble de plus en plus à un parti et moins à un groupuscule à l’esprit de “bande” comme le souhaitaient beaucoup des militants de la première heure. ZETA ZERO ALFA et les occupations : C’est consécutivement à tous ces échecs de structurations que commencent à grandir des communautés « méta politiques » (NDT : on n’est pas au pays de Gramsci pour rien) hors des partis, qui se regroupent autour d’un groupe de musique « Zeta Zero Alfa ». Le chanteur et figure de proue de ce groupe est Gianluca Iannone, ex du Movimento Politico. Loin des logiques de partis, il tente de reconstruire un imaginaire nouveau pour l’extrême droite, en recherchant un langage novateur et attractif. « Zeta Zero Alfa » est un groupe musical mais aussi une campagne de slogans par autocollants, une ligne de t-shirts, un crew, un pub où aller boire… Le groupe grandit, se fortifie et décide de faire son premier pas politique, l’occupation d’un bâtiment abandonné aux portes de Rome : CasaMontag. Directement copié de l’expérience des centres sociaux, commence ainsi le chemin des soi-disant “occupations non-conformes”. Après quelques mois, c’est au tour de Casa Pound d’ouvrir en plein centre de Rome dans le quartier le plus cosmopolite de la capitale (NDT : Pas loin de la gare de Termini). Un immeuble qui devient le siège d’initiatives politiques et d’où se lance la campagne pour le “Mutuo Sociale” (NDT : prêt social), une sorte de grande escroquerie au vernis social imaginée par les fascistes qui prévoie une aide réservée aux seuls italiens pour accéder à la propriété et qui s’oppose à « l’usure » (au crédit). D’après les militants l’immeuble héberge de nombreuses familles italiennes, en réalité il s’agit de quelques familiers des fascistes et rien d’autre. En quelques mois une série d’autres immeubles est occupée, quasi tous à fin habitative, afin de véhiculer l’idée que les fascistes “font aussi dans le social”. En réalité les immeubles sont à moitié vides, certains sont même occupés par des familles immigrés afin de pouvoir tenir la position (les fascistes nieront toujours en bloc cette réalité en jurant à la presse que ce sont de véritables familles italiennes). Le véritable concepteur de cette opération est Gabriele Adinolfi, l’ex terroriste fasciste qui a couru se réfugier à Paris en 1980 et qui à peine de retour en Italie recommence à tirer les ficelles en inspirant ce microcosme, en fournissant des outils théoriques, culturels et intellectuels (et peut être d’autre choses) à ces jeunes fascistes apprentis squatters. La nouvelle Base Autonoma n’est plus un réseau mais un groupe : Pendant ce temps, toujours à Rome un autre groupe s’active. La bande de Boccacci, le fondateur du Movimento Politico des années 90. Après un bref passage à Forza Nuova il décide de reprendre en main son propre destin politique : il ressort du placard le déjà ancien nom de Base Autonoma qui cette fois devient le nom d’un groupe romain et non plus celui d’un réseau national. Les leaders incontestés de ce groupe sont Boccacci et son dauphin Giuliano Castellino enthousiaste ex militant de Forza Nuova qui se voit assigner pour la première une charge de dirigeant. Base Autonoma 2.0 est un mouvement au cachet véritablement “street” : affiches ouvertement fascistes, célébration de la marche sur Rome, une composition à cheval entre le monde des supporters de foot, la politique et le moyen banditisme. Boccacci lui-même est un grossiste du trafic de cocaïne de la région de Rome, dans le groupe se distinguent pèle mêle anciens détenus, braqueurs de banques et criminels en tous genres. Révélatrice du personnage qu’est Boccacci cette petite anecdote : Originaire d’Albano Laziale une bourgade au sud de Rome, son fief et son lieu d’activités, Boccacci peut influer sur le vote de dizaines sinon de centaines de jeunes nazis, de skins et autres. En 2002 le candidat à la municipalité étiqueté centre droit veut trouver un accord avec Boccacci. Pour s’assurer de la victoire, en échange des voix garanties par l’influence qu’il a sur le secteur le candidat promet l’assignation d’un parc et l’implantation d’un centre sportif communal dont la gestion sera attribuée au caïd. Marché conclu, la combine marche au poil, le candidat est élu au poste de maire. Il réalise au passage quelle sorte de personnage est celui avec qui il a passé un accord et cherche à gagner du temps. Boccacci s’impatiente, il déboule un beau jour à la mairie et cogne sur les employés municipaux qui ont la malchance de le croiser. Le jour d’après il revient et colle des affiches un peu partout dans Albano Laziale “oui, je l’ai fait, Moi Boccacci, le fasciste”. En à peine une semaine il reçoit livraison de ce qu’il avait demandé en échange des voix : le parc et le club sportif qu’il gère encore aujourd’hui. Cette manière d’agir est la grande différence entre Forza Nuova et la nouvelle Base Autonoma. Alors que FN est un parti “loi et ordre”, Base Autonoma appelle à une révolte extrême et mène une campagne en faveur des détenus et pour l’amnistie, qui du reste lui apportera que très peu de consentement dans la sphère d’extrême droite. Fiamma tricolore, une coquille vide à remplir : Vous vous souvenez de Fiamma Tricolore? Le parti né des irréductibles anciens combattant refusant le virage démocratique d’Alleanza Nazionale et qui avait tenter de rassembler l’extrême droite jusqu’à la naissance de Forza Nuova. Depuis ce départ de toutes ses forces vives militantes vers d’autres groupes Fiamma Tricolore est resté un parti vide, sans militants, sans jeunes, composé uniquement de vieux nostalgiques et qui recueille 1% des suffrages rien que sur le sigle et la réputation historique. Un parti vide, signifie un espace à occuper. Maurizio Boccacci, Giuliano Castellino et leur Base Autonoma sont les premiers à s’en rendre compte. Le style de vie qu’ils mènent et les sempiternels problèmes avec la justice qui en découlent les convainquent d’entrer dans un parti dans lequel ils perçoivent au passage l’existence d’un bon petit paquet d’argent. En 2003 Base Autonoma de s’auto-dissout et tous ses militants entre dans Fiamma Tricolore. Toute la fédération romaine est ainsi intégralement composée de militants de Base Autonoma. Boccacci et Castellino sont bombardés illico respectivement dirigeant national et régional du parti. Pour les fascistes, c’est un tournant car pour la première fois ils se retrouvent dans un parti qui leur garantie une manne financière ainsi qu’une couverture politique sans précédant grâce notamment au staut du secrétaire national Luca Romagnoli, parlementaire européen. C’est lui qui avalise cette opération d’entrée dans son mouvement des fascistes les plus extrèmes. A ce moment les romains, satisfaits, décident d’inviter leurs vieux camarades de route, tout du moins ceux qui avaient vécu la première aventure du réseau Base Autonome début années 90 : le Veneto Fronte Skinhead. En quelques mois, le Veneto Fronte Skinhead entre lui aussi en masse dans Fiamma Tricolore. Comme pour la région de Rome, la fédération de Vénétie du parti est intégralement composée par cette joyeuse troupe. Le leader historique du Veneto Fronte Skinhead, Piero Puschiavo, obtient directement un poste de dirigeant à l’intérieur du parti comme de bien entendu. La situation se présente donc ainsi : un parti de vieux, inexistant sur le plan militant dans toute l’Italie mais avec deux bassins ultra militants et de rue à Rome et en Vénétie. C’est ainsi qu’en très peu de temps le nouvel éclat de Fiamma Tricolore attire comme des mouches tous les skins nazis d’Italie qui suivent les péripéties des romains et vénètes. Le parti reçoit très rapidement de plus en plus de demandes d’adhésions au niveau national, se présentant en quelque sorte comme le parti des skinheads nazis. Un beau retour de flamme en somme. Ce qui fut arrêté par la loi en 1993 revient, avec en plus toutes les couvertures politiques nécessaires. Et qui peut avoir le plus besoin de couverture politique que ceux qui pratiquent les occupations? Car même si Casa Pound tient bon et reste « intouchable », ailleurs les évacuations se multiplient. Il devient urgent pour la clique des Zeta Zero Alfa de trouver des appuis politiques… C’est ainsi qu’en 2005 Zeta Zero Alfa, Casa Pound et toute la mouvance des « occupations non conformes » font leur entrée dans le cirque Fiamma Tricolore. C’est ainsi, air connu, qu’une charge de dirigeant au sein du parti est automatiquement attribuée à Gianluca Iannone, qui se retrouve ainsi aux commandes de Fiamma Tricolore aux côtés des déjà médaillés Boccacci, Castellino et Puschiavo. La situation institutionnelle et culturelle du pays : Pour comprendre les raisons profondes de la renaissance de l’extrême droite en Italie, il est fondamental de prendre en considération le climat culturel qui sévit dans ce pays. L’opération de révisionnisme historique en marche en Italie a débuté déjà à la fin des années 90 quand de nombreuses ouvertures ont été concédées aux ex fascistes par des représentants de tout premier ordre du centre gauche. Ouvrant de fait une dé-légitimisation de fait à la Résistance et en même temps une réhabilitation de la « République Sociale Italienne » de Salo, ultime tentative de survie du fascisme avant sa chute. Cette opération subit une accélération durant les 5 années du gouvernement Berlusconi et semble aujourd’hui inexorable. L’opération a été ouverte sur trois fronts : – La période de la seconde guerre mondiale sur laquelle se multiplient les publications de livres estampillés « best-sellers » sur les crimes des Partisans, des productions de téléfilms diffusés par les chaînes nationales qui racontent avec sympathie la vie quotidienne et personnelles des dirigeants du régime fasciste ou qui criminalise la Résistance. – La période des années 70 : là encore on trouve un foisonnement de publications de type best-sellers dans lesquels sont escamotés systématiquement la stratégie de tension et tous les attentats à la bombe dans les gares et sur les places perpétrés par les fascistes, l’extrême droite y est dépeinte comme “ des pauvres garçons victime de la barbarie rouge et de l’Etat antifasciste”. – La période actuelle : on assiste à la légitimation et à l’institutionnalisation des repaires occupés par les fascistes, des reportages télé sur Casa Pound présentés comme une bande de “braves petits jeunes” proposant une alternative aux centres sociaux de gauche. Alleanza Nazionale: Le parti Alleanza Nazionale mérite une attention particulière (outre avoir eu des ministres parmi les plus importants du gouvernement Berlusconi, dont celui de vice-premier ministre, et avoir été en première ligne de cette opération révisionniste) car il a toujours été un appui politique privilégié pour toute l’extrême droite. Culturellement la matrice est la même, les cadres d’Alleanza Nazionale (pas ceux présentables mis devant les caméras mais ceux qui travaillent sur le terrain) sont issus des mêmes rangs des groupes armés des années de plombs. C’est le cas de l’aide de camp de l’ex-ministre Allemano (NDT : il a exhibé lors d’une interview la croix celtique qu’il porte en collier), Peppe Dimitri (décédé cette année), du président de la fédération romaine Piso, ou du sénateur élu pour cette législature Marcello de Angelis tous les trois sont issus de Terza Posizione et tous trois avec des histoires de cavale et des condamnations sur lesquelles on a fermé les yeux. Les jeunes d’Alleanza Nazionale sont culturellement très proches de leur congénères des « Occupations Non Conformes », à tel point qu’ils occupent aussi leur propre lieu le “Foro 753” à Rome qui sera évacué par la majorité municipale Veltroni (actuel maire de centre gauche), ce dernier leur concède tout de même un autre local (offert par la commune !) avec présence d’officiels représentants la mairie lors de l’inauguration, rien que ça. Le scenario actuel : Maintenant que l’on a bien compris et que l’on discerne les différents personnages et les fils de leurs histoires, on peut essayer de comprendre quels sont leurs rôles. Mis à part Alleanza Nazionale, dont on vient juste de parler, les deux principaux acteurs de l’extrême droite italienne sont Forza Nuova et Fiamma Tricolore. Divisés par une très vive rivalité qui aboutit dans des cassages de gueules réciproques, ils se retrouvent néanmoins lors des dernières échéances électorales à faire cause commune avec le groupe parlementaire “Casa Delle Libertà”, qui est plutôt de centre droit. Le garant de ce genre d’opération est depuis toujours Silvio Berlusconi, qui a toujours voulu ces mouvements avec lui et a suivi lui même les négociations pour tous les accords électoraux. La justification “éthique” des fascistes à soutenir une politique ultra-libérale est d’abord stratégique (entrer dans la Casa Delle Libertà est l’unique moyen d’obtenir des parlementaires au vu de la loi électorale), mais aussi d’ordre idéologique: la Casa Delle Libertà n’a aucun préjugé antifasciste affiché comme il semble que ce soit le cas pour le centre droit français. Berlusconi a toujours été absent, même lorsqu’il était premier ministre, à toutes les cérémonies de commémoration de la Résistance. Forza Nuova, agressions et procès : Forza Nuova semble aujourd’hui privée de toute perspective, son âge d’or est passé et sa tentative de surfer dans les marécages les plus boueux de la xénophobie conduit à l’enlisement: ni électorat, ni militants. En outre Forza Nuova est touchée depuis quelques années par toute une série d’enquêtes et de procédures judiciaires débouchant sur des arrestations à travers l’Italie avec pour fil conducteur des chefs d’inculpations pour agressions, raids squadristes, expéditions punitives aux dépends des compagni, des immigrés, des homosexuels. Cette vague d’arrestations ne touche pas simplement des militants épars, mais des sections entières, démontrant ainsi une stratégie « squadriste » conçue par le parti et non “l’impulsivité” de quelques “incontrôlables”. Malgré cela, sa légitimité démocratique ne semble pas être mise en doute par qui que ce soit, la dissolution d’un tel parti n’a jamais été évoquée. Aucune enquête sur la stratégie squadriste n’a été suggérée. On en est resté à la simple enquête de routine et au constat des faits. Fiamma triclore et le laboratoire romain : Laboratoire de la droite radicale depuis les années 70, Rome est un poste d’observation hélas privilégié pour comprendre les dynamiques et les tranformations des nouvelles droites. Fiamma Tricolore est, comme vu précédemment, sans aucun doute le mouvement le plus novateur (enfin, pour autant qu’on puisse considérer que calquer les initiatives passées des compagni le soient), mais celà ne suffit pas à garantir des résultats électoraux. Comme dit auparavant, la campagne du « Mutuo Sociale » (prêt social) est essentiellement un échec, les « occupations non conformes » qui se sont succédées à Rome (et continue de se succéder) reste de espaces semi-désertiques, presque toujours clos, animés des éternels même militants qui se déplacent de quartier en quartier au fur et à mesure des ouvertures. C’est pourquoi en 2007 l’attention de Fiamma Tricolore s’est tournée vers deux autres secteurs : l’école et le stade. L’école : au début de l’année 2007 aparait dans les lycées le sigle “Blocco Studento” (Bloc Etudiant). Il s’agit de la nouvelle organisation estudiantine de Fiamma Tricolore (NDT : le logo est celui de l’organisation d’extrème droite anglaise du B.U.F. de Mosley), expérimentation inédite dans les lycées romains où la politiqiue est depuis toujours exclusivement de gauche. Le Blocco Studento débute par une campagne pour se faire connaître qui est d’une très grande agressivité et qui reporduit toujours le même schéma : une dizaine de jeunes accompagnés par autant d’adultes de Casa Pound font la sortie du lycée en diffant des tracts. Il provoquent et repèrent les “gauchistes” et les agressent à coup de casques et de chaines (les joies du scooter à Rome). En faisant le tour des bahuts romains de cette manière le Blocco Studento fini par attirer rapidement sur lui l’attention des médias, les plaintes répétées des enseignants et des sociologues lui rajoutent encore un peu plus de visibilité : lors des élections estudiantine le Blocco Studento réussit à faire élire un bon nombre de délégués et constitue ainsi une noyau dur d’une cinquantaine d’étudiants/militants. Consécutivement on assite à l’occupation d’un lycée pendant quatre jours, occupation portée à bout de bras et manu militari par des lycéens quadragénaires de Casa Pound. Malgré cet activisme forcené et les disponibilités économique du parti, les règles rigides et le sectarisme empêchent le Blocco Studento de croitre au dessus des 50 unités. Cette nouvelle année scolaire nous offre pour l’instant quelques agressions repoussées par des compagni étudiants désormais péparés et rodés à ces manoeuvres et des fascistes en déroute fuyant pour aller panser leurs blessures. Stade : Toujours en 2007 on voit appaitre une bache au stade, dans le virage sud Romaniste (celui de l’AS ROMA), avec écrit dessus “Padroni di Casa” (maîtres de maison). Les Padroni di Casa sont le premier groupe ultras formés par un parti politique de l’histoire du football italien. Intégralement composé de militants de Fiamma Tricolore, les Padroni di Casa est un groupe issu d’une réflexion stratégique prenant en compte des données politiques et économiques et pas de la passion pour le ballon rond. Les leaders du groupe, les habituels Iannone et Castellino n’ont pas de passé dans le virage ou stade, beaucoup ne sont jamais allé au stade, d’aures ont même milité dans des groupes ultras d’autres équipes. L’expérience, encore en cours, est encore essentiellement un ratage : même si le tifo organisé de la Curva Sud Romaniste est principalement aux mains de groupes de matrice fasciste (BOYS, Ultras Romani par exemple), une opération aussi politicienne et autant étrangère au milieu “ultras” est perçue avec méfiance même par ceux qui ont la même sensibilité politique, mais une approche radicalement opposée du tifo. Les Padroni di Casa ont implanté leur siège dans le quartier populaire de Casal Bertone, à quelques pas de centres sociaux et d’occupations habitatives animées par des compagni. C’est d’ailleurs de cet avant poste qu’est parti cet été une expédition menée par un quarantaine de fascistes casqués et armés de bâtons en direction d’une ancienne école occupée par la coordination de la lutte pour le logement, dans laquelle habitent beaucoup de familles immigrées. La réaction des occupants à été très vive, et c’est avec l’énergie du désespoir que les fascistes ont été repoussés (les fascistes ont découvert à leurs dépends à quel point des mères de familles protégeant leurs enfants peuvent être de redoutables combattantes). Quelques heures après un regroupement de compagni du quartier venu apporter leur solidarité aux habitants s’est dirigé vers le local des Padroni di Casa, en a forcé le rideau de fer et détruit l’intérieur du local. A ce jour le siège semble de nouveau réouvert, encore une énième preuve que l’argent ne manque jamais à ces messieurs. Le fascisme comme imaginaire : L’idée qui sous tend ce type d’opération renvoie à l’imaginaire, le véritable point de force du groupe Casa Pound. A travers une série de slogans et un vocabulaire novateurs, un graphisme coordonné, des instruments d’auto narration (les Zeta Zero Alfa chantent leurs propres faits et gestes, écrivent de livres sur eux, filment et mettent en scène leurs actions, ouvrent une web radio…) le groupe cherche à renforcer et construire une rhétorique épique qui permet de le rendre plus compact et résistant. Cette obsession de toucher tous les compartiments de la vie du militant (le groupe du stade pour le dimanche, le Blocco Studento pour les études, le pub pour le soir, la librairie pour faire des cadeaux, etc…) entre dans cette logique : politiser tous les aspects de la vie du militant , l’impliquer 24 heures sur 24 pour l’empêcher de prendre de la distance. Agressions, Homocides et autres évènements, fascistes et police : En plus de ce qu’est la ligne de conduite officielle de la droite radicale romaine (même si elle reconnaît officiellement un taux élevé de conflictualité) il existe une ligne de conduite dans la rue sur lequel il faut encore faire la lumière et qui jouit pour l’instant d’une parfaite complicité des forces de police. Depuis plus de deux ans une bade de 40-50 fascistes est en action à Rome et suit toujours le même mode opératoire. Ils débarquent en scooters et voitures à la fin d’un concert se déroulant dans n’importe quel centre social, tous casqués et armés de bâtons, couteaux (parfois des machettes), des cocktails molotovs et des bombes agricoles (pétards ultras puissants) et se ruent à l’assaut du centre social, agressent les gens aux alentours et disparaissent en un clignement d’œil. On sait peu de chose de cette bande, parfois on arrive à identifier des participants à ces raids, ce que l’on peut en dire c’est qu’il s’agit d’un groupe le plus souvent mixte, c’est à dire composé d’électrons libres et de militants de divers partis opérant ensemble, avec tous une grande expérience du monde des virages. La dynamique est celles des affrontements entre ultras, l’utilisation du couteau faisant parti des us et coûtumes. Parmi les actions de ce groupe on peut relever l’attaque du centre social La Torre le soir de l’anniversaire de la mort de Valerio Verbano (compagno assassiné par les fascistes le 22 octobre 1982), l’assaut du centre social Ex Lavenderia au cours d’une soirée du RASH, deux autres raids contre le centre social Forte Prenestino dont un qui s’est soldé par un coup de couteau à la gorge d’un compagno de Radio Onda Rossa qui s’en est tiré par miracle, et enfin l’attaque du parc de Villa Ada lors d’un concert du groupe Banda Bassotti. Là encore on compte 8 coups de couteau dans le dos d’un homme de 50 ans. La descente de Villa Ada est révélatrice de la connivence entre police et fascistes : les forces de l’ordre prévenues dix minutes avant l’attaque par des personnes ayant signalé des déplacements suspects de voitures et de scooters ont mis quarante minutes à se rendre sur les lieux. C’est à dire à la fin du raid, nonobstant le fait que le commissariat le plus proche soit à 200 mètres du parc. A son arrivée, la police laisse filer les fascistes en fuite qui passent au milieu du barrage avec une facilité déconcertante tandis que les mailles du filet policier se ressèrent autours de cinq compagni qui ont subit l’agression et cherchaient à repousser l’assaut en trouvant de quoi se défendre (pierre et bâtons). Cette synergie de repli couvert par la police et de l’arrestation de compagni agressés s’est répété quelques jours après à Casal Bertone. Il est important de rappeler que dans une ville submergée de caméras de vidéosurveillance, dans laquelle tous les délits sont punis grâce à l’identification de ceux qui les commettent via toutes ces mêmes caméras ce groupe ne soit toujours pas identifié. Pas un seul de ses membres n’a été arrêté à ce jour. Renato Biagetti : On peut aussi parler de connivence entre fascistes et police dans l’affaire de l’assassinat de Renato Biagetti, jeune de 26 ans tué en septembre 2006 à Focene sur le littoral romain à la sortie d’une soirée reggae. Ceux qui l’ont tué et ont blessé grièvement une autre personne sont deux jeunes, non militants mais imprégnés de cette culture fasciste qui serpente dans les rues de Rome (pas de carte d’un parti dans la poche, mais une croix celtique tatouée sur le bras) et qui est autrement plus dangereuse que n’importe quel groupe organisé parce qu’elle arme la main de gamins incontrôlables qui ne répondent à aucune logique sinon celle de la haine de ce qui est différent. Là encore dans cette affaire après un premier moment de détournement de l’enquête par les forces de l’ordres les deux jeunes sont arrêtés. L’un des deux est le fils d’un brigadier des carabiniers (gendarme), ce dernier a cherché par tous les moyens à retarder l’enquête de manière à pouvoir à réserver les billets d’avion à son fils vers un pays qui n’a pas d’accord d’extradition avec l’Italie. Cette affaire a été décrite par les journaux comme une “bagarre entre jeunes écervelés” alors que cette affaire est l’agression fasciste la plus dure qui soit arrivée ces dernières années. Ce qui nous attend : le modèle romain à l’échelle nationale : Le triste climat romain a pour responsable le maire Walter Veltroni et sa politique de l’équidistance. Cette prétention à vouloir donner une représentativité et absorber toutes les expressions politiques à l’intérieur du cadre « démocratique » se concrétise par l’assignation d’espaces aux centre sociaux de gauche et aux « occupations non conformes » de droite radicale, avec l’inauguration de rue aux noms des morts de gauche et de droite radicale. On efface les différences de fond, les explications, les choix et en aplanissant tout avec un refus général de la violence. Cette tolérance a donné une légitimité et une mise en conformité aux groupes fasciste qui ont ainsi pu se trouver des sièges offerts par la commune. Au même moment les agressions fascistes sont dépossédées de leur caractère politique et considérés comme des bagarres de rue, du hooliganisme ou une simple divergence entre extrémisme. Dès l’instant où Veltroni a été élu secrétaire général du Parti Démocratique, reprenant une paranoïa xénophobe et promettant un brutal virage sécuritaire si jamais il est élu premier ministre, il est possible d’entrevoir quel type d’avenir nous est promis… Par Reddi, traduit par Oronzo Canà

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