REFLEXes

SOS Chrétiens d’Orient : Noël en Syrie, Pâques au tison ?

28 avril 2015 Les nostalgiques

Sujet incontournable de l’actualité depuis quelques mois, le sort des chrétiens d’Orient subissant les foudres de Daesh et autres groupes radicaux intéresse de plus en plus les médias français. Tout indécrottables athées que nous soyons,nous ne nions évidemment pas les persécutions que subissent les chrétiens dans certaines parties du monde. Et si certains les soutiennent pour des raisons humanitaires, cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur leurs motivations premières. Nous ne parlerons pas ici de cette micro-affaire d’affiches de prêtres dans le métro parisien, mais de l’association SOS Chrétiens d’Orient (SCO), qui mérite une présentation un peu plus poussée.

Intervenant depuis un an et demi dans des pays aussi peu accessible actuellement que la Syrie ou le Kurdistan irakien, elle s’emploie à apporter un soutien humanitaire aux chrétiens d’Orient. Rien à redire à cela : mais quand on regarde qui participe à ses missions, l’image lisse que cherche à donner SCO commence à se troubler sérieusement…

De biens drôles de paroissiens

Dès sa première sortie en décembre 2013, SCO envoie ses militants (ou volontaires) en Syrie pour un noël chrétien en Syrie. A l’époque déjà la « grande » presse s’en est fait l’écho, avec par exemple avec cette interview du professeur Willem, personnalité qui a servi de caution à cette première mission :

Direct Matin du 21 janvier 2014 « Jean-Pierre Willem, aider les chrétiens en Syrie »

Direct Matin du 21 janvier 2014 « Jean-Pierre Willem, aider les chrétiens en Syrie »

Mais ce sont les plus jeunes, la majorité du groupe, qui ont attiré notre attention, car leurs visages nous étaient déjà connus. Damien Rieu, de son vrai nom Damien Lefèvre, est l’un d’eux.

Capture d'écran du site SOS Chrétiens d'Orient

Capture d’écran du site SOS Chrétiens d’Orient

 

Membre du Bloc Identitaire et porte parole de Génération Identitaire, il est de tous les bons coups médiatiques tels qu’en raffolent les leaders du mouvement : les opérations de « sécurisation » dans le métro lyonnais, l’occupation du toit du siège du PS en marge d’une Manif pour Tous[1], ou l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers pour lequel il sera mis en examen[2]. On le voit aussi dans le documentaire de Canal+ « Violence d’extrême droite : le retour » diffusé en novembre dernier, et dans lequel il définissait sa préférence nationale en des termes très clairs, pour lui « c’est le droit du sang » et c’est tout. À la même période, il est nommé directeur adjoint à la communication de Julien Sanchez, maire Front National de Beaucaire.

 

En haut à gauche Damien Rieu contrôlé dans le métro en avril 2014 (Photo : PAB/metronews). En dessous : coincé entre Robert et Vardon lors de la Manif pour Tous du 13 janvier 2014. Et on vous laisse découvrir les commentaires de ses amissur son compte Twitter lorqu'il poste une photo de sa "mission".. sans équivoque, surtout le dernier !

En haut à gauche Damien Rieu contrôlé dans le métro en avril 2014 (Photo : PAB/metronews). En dessous : coincé entre Robert et Vardon lors de la Manif pour Tous du 13 janvier 2014. Et on vous laisse découvrir les commentaires de ses amis sur son compte Twitter lorsqu’il poste une photo de sa « mission ».. sans équivoque, surtout le dernier !

Noël en Syrie à la Traboule

Noël en Syrie à la Traboule

 

 

Ainsi, c’est certainement afin d’éviter de malheureux amalgames que Damien Rieu n’a pas mentionné le nom de l’association SOS Chrétiens d’Orient sur le tract d’annonce de la soirée à La Traboule (le local des Identitaires dans le vieux Lyon), en février 2014, au cours de laquelle il a fait le récit de son voyage humanitaire en Syrie.

 

 

En haut M. Gaucher dans le bulletin de l'association. En bas dans le métro avec son camarade Damien, ou encore gesticulant et beuglant face aux antifas. Et en septembre 2009 candidat FN aux cantonales.

En haut M. Gaucher dans le bulletin de l’association. En bas dans le métro avec son camarade Damien, ou encore gesticulant et beuglant face aux antifas. Et en septembre 2009 candidat FN aux cantonales.

Puisque l’on parle des Identitaires, évoquons aussi la présence d’un autre de leur militant, bien connu des antifas lyonnais : Maxime Gaucher, qui lui est parti en Irak pour SCO. Adepte de la violence, dans les stades comme dans les actions politiques, il est depuis cinq ou six ans un des meneurs des Identitaires lyonnais, après avoir fait ses premières armes au Front national. Nous n’en dirons pas plus, l’ayant déjà évoqué dans un précédent article[3].

 

 

 

 

 

 

Du Duce aux enfants d’Irak !

 Toutefois, SOS Chrétiens d’Orient ne recrute pas que chez les Identitaires, puisque l’on a vu au sein d’une mission partie à Erbil, capitale de du Kurdistan irakien, François-Xavier Gicquel,un ancien militant de l’Œuvre Française (OF) et des Jeunesses nationalistes. Lui aussi débute sa carrière politique au sein du FN : il est notamment responsable du FNJ de Vendée au début des années 2010 et candidat aux cantonales de 2011. Il fut également un des animateurs des Jeunes avec Gollnisch (avec Amaury Navaranne, lui aussi militant à l’OF), mais après l’échec de son candidat à la présidence du FN en 2011, il suit tout naturellement les exclus de l’OF (suite à la purge orchestrée par la nouvelle présidente Marine Le Pen) et en premier lieu leur étoile montante, Alexandre Gabriac. Il le colle de tellement prêt lors de ses multiples sorties qu’on aurait pu le considérer comme un de ses gardes du corps[4]. Mais peut-être est-ce sa fonction de sous-officier de réserve qui nous faisait voir en lui le combattant qu’il n’est pas. De même que ces attributions militaires ont dû être une des causes de sa mise en retrait du mouvement, certains sites antifas commençant à publier des photos du monsieur avec une crampe au bras droit.

Les photos du haut sont extraites du bulletin de SOS Chrétiens d’Orient, celle du bas pas vraiment, il est en Italie où il commémore avec ses amis, dont A. Gabriac la mort du Duce (Crémona le 27 avril 2012).

Les photos du haut sont extraites du bulletin de SOS Chrétiens d’Orient, celle du bas pas vraiment, il est en Italie où il commémore avec ses amis, dont A. Gabriac la mort du Duce (Crémona le 27 avril 2012).

Il a porté un coup fatal à sa carrière au sein de l’extrême droite radicale en mettant justement un coup de pied (par derrière) à une des militantes des Femen lors de leur happening contre une manif des cathos intégristes de Civitas en novembre 2012. Gicquel ne pouvait se douter que l’action allait être ultra-médiatisée : en effet, Caroline Fourest avait suivi ses copines féministes, pour préparer un documentaire. Moins de 48h plus tard, les premiers agresseurs des Femen se faisaient interpellés chez eux, tant il était aisé de les reconnaitre sur les différentes photos. Mais le plus drôle dans cette histoire reste sans aucun doute la suspicion qu’a pu créer son comportement et son accoutrement dans les rangs des milieux cathos intégristes : beaucoup ont vu en lui un agent provocateur de la police[5], à cause de son brassard orange.

Sur la première photo il parade fièrement en tête du cortège des Jeunesses Nationalistes (avec juste derrière lui Logan Djian), avant de relever son sweat-cagoule sur son visage et de bondir sur les Femen. Hé ! ducon, t’as oublié ton autocollant sur la manche !!

Sur la première photo il parade fièrement en tête du cortège des Jeunesses Nationalistes (avec juste derrière lui Logan Djian), avant de relever son sweat-cagoule sur son visage et de bondir sur les Femen. Hé ! ducon, t’as oublié ton autocollant sur la manche !!

Malgré tout cela, SOS Chrétiens d’Orient, décidément bien peu regardante sur ses volontaires,le nomme chef de mission, comme le montre sa fiche sur des sites professionnels, où il ne manque pas de rappeler son passé militaire, même peu glorieux. Un vrai CV comme on les aime : du militaire teinté d’humanitaire, avec de fortes convictions patriotiques, le tout intervenant dans des zones de conflits intéressant certains services…En général, on sait où cela mène !!

A droite une de ses fiches professionnelles circulant sur le net. A gauche lors d’une de ses périodes de réserves, où l’on peut voir qu’il n’a guère dépassé le stade, le grade pardon, de caporal-chef !

A droite une de ses fiches professionnelles circulant sur le net. A gauche lors d’une de ses périodes de réserves, où l’on peut voir qu’il n’a guère dépassé le stade, le grade pardon, de caporal-chef !

En haut Marie-Liesse de Givry au JT de TF1. Une image plus présentable que sur les photos où elle trinque avec Logan Djian…

En haut Marie-Liesse de Givry au JT de TF1. Une image plus présentable que sur les photos où elle trinque avec Logan Djian…

 

 

 

A Erbil d’ailleurs il a eu l’occasion de parler politique avec une autre volontaire ayant suivi SOC, et d’évoquer certains vieux amis qu’ils ont en commun. On trouve sur cette mission Marie-Liesse de Givry, qui se trouve être aussi une vieille copine de Logan Djian et de pas mal de militants du GUD de la nouvelle génération tel que Loik Le Priol ou encore Julien Billardon, sans toutefois s’afficher publiquement avec eux.

 

 

 

 

 

Les gardiens du troupeau

On comprend mieux pourquoi cette association est tout d’abord apparue dans différents cercles nationalistes, de l’Action française au Centre Charlier de l’Agrif, pourquoi elle a été invitée sur Radio-Courtoisie ou TV-Libertés, ou sur des sites d’extrême droite comme Nouvelles de France ou Médias-Presse…

Journal de TV Libertés d'octobre 2014.

Scan du journal de TV Libertés d’octobre 2014.

De plus, le parcours de ses dirigeants et membres fondateurs confirme que ces pauvres chrétiens d’Orient ne devront pas être trop regardants sur le soutien qui leur est proposé.

Si nous n’avons pas grand-chose à dire du président l’association, Charles de Meyer, son trésorier est un vrai « patriote ». Benjamin Blanchard, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est l’ancien assistant parlementaire de Jacques Bompard, poste qu’il quitte en 2014 pour prendre (encore) un poste d’attaché parlementaire mais cette fois au Parlement européen et auprès de Marie-Christine Arnautu du Front National (et dont le son second assistant n’est autre que Gérald Gérin dont on parle beaucoup ces jours-ci suite aux révélations de Médiapart sur « l’argent caché de Jean-Marie Le Pen »), jetant ainsi de l’huile sur le feu dans le conflit qui oppose la Ligue du Sud de Bompard et les frontistes locaux menés d’une main de maitre par Marion Maréchal–Le Pen. Pas rancunier pour un sou, Bompard le remplace par… Charles de Meyer, le président de SOS Chrétiens d’Orient[6] ! Au vu d’une telle direction, on comprend mieux d’où sortait ce recrutement de jeunes militants natios que nous découvrions à chacune de leurs missions.

Affaires syrienne .. à faire !

Pour finir, il reste dans l’organigramme de l’association un individu qui n’a pas été encore évoqué, et pour cause : contrairement aux autres, il tient à rester discret et ne s’affiche pas dans les médias. Il s’agit du secrétaire de l’association Olivier Demeocq, un personnage intéressant pour qui veut comprendre, au-delà de leurs convictions religieuses, l’intérêt de certains membres pour les régions où intervient SCO. Déjà évoqué sur le site d’informations antifascistes La Horde en tant qu’organisateur du concert du groupe RAC In Memoriam l’an dernier, il y était présenté comme proche de l’École de Guerre Economique (EGE) de Christian Harbulot, proximité confirmée s’il était nécessaire par un événement récent. En effet, en février dernier, Christian Harbulot se rend à Casablanca au Maroc pour y lancer son « Club Maroc », censé exporter le savoir-faire français en matière d’intelligence économique. Et, tout comme à Paris où l’EGE organise ses soirées au Carré Parisien, la salle gérée par Olivier Demeocq, c’est à nouveau chez son ami que Harbulot lance son club marocain, mais cette fois-ci au Carré Français de Casablanca, établissement ouvert à peine quelques mois plus tôt par le même Demeocq. Décidément inséparables ces deux-là !

 

Christian Harbulot au Carré Français de Casablanca en février 2015, facebook public d'Olivier Demeocq.

Christian Harbulot au Carré Français de Casablanca en février 2015, facebook public d’Olivier Demeocq.

Olivier Demeocq en Syrie en décembre 2013, photo tirée du site de l'Observatoire de la christianophobie.

Olivier Demeocq en Syrie en décembre 2013, photo tirée du site de l’Observatoire de la christianophobie de Guillaume de Thieulloy.

Cette proximité avec l’EGE n’est pas anecdotique de la part de quelqu’un qui se rend en Syrie avec son association SOS Chrétiens d’Orient, surtout lorsque l’on sait le repaire qu’est l’EGE pour les spécialistes des questions de renseignements, et pas seulement économiques. Tout comme l’évolution de la situation politique en Iran les intéressent énormément (il y a quelques jours encore, l’EGE organisait une rencontre en présence de l’ambassadeur d’Iran), le conflit syrien est aussi pour ces spécialistes un sujet d’un grand intérêt. Olivier Demeocq, qui s’est rendu en Syrie en décembre 2013 avec son association, a bien évidemment été en contact avec les autorités du pays, les déplacements dans ce pays ne se faisant pas sans leur autorisation mais aussi et surtout sans leur protection. Si l’on rajoute à cela que sur place, ils ont été en contact avec Sœur Marie-Agnès de la Croix[7], dont on sait aujourd’hui qu’elle est une des porte-voix du régime de Bachar et fait le lien avec ses fameux Moukharabat, on peut sincèrement se demander si Olivier Demeocq n’est pas en train de remplacer Frédéric Chatillon dans le rôle d’agent de contact entre la France et la Syrie, tout au moins entre ceux en France qui soutiennent le régime et le pouvoir syrien. Et on sait que la soupe est bonne chez Bachar, n’est-ce pas Fred !

Pour conclure, on peut dire que SOS Chrétiens d’Orient a réussi le tour de force (là ou tant d’autres échouent) de réunir toutes les familles de l’extrême droite française autour d’une même cause, puisqu’on y trouve pêle-mêle : des identitaires, des anciens de l’Œuvre Française, des frontistes (et pas des moindres), des cathos intégristes… Reste à savoir maintenant si cette cause est simplement un soutien humanitaire aux chrétiens d’Orient persécutés, ou la nouvelle forme d’un soutien au régime syrien tel que l’a toujours affiché une majeure partie de l’extrême droite française. La réponse est sans aucun doute les deux à la fois !!

 


 

 

[1] Si il ne participe pas directement à l’action, il en a été le relais auprès des médias après avoir posté sur son compte Twitter les premières photos.

[2] Cette opération a été citée comme exemple des dysfonctionnements de la DCRI dans le rapport parlementaire sur les services de renseignements publié en mai 2013. Bien que présente dès le début derrière la dizaine d’identitaires parisien qui participeront à l’opération, la DCRI lâche l’affaire en cours de route estimant que cela relève plus du travail du SDIG (sous direction de l’information générale dépendant de la direction centrale de la sureté publique). Au final ce sont les policiers municipaux de Poitiers qui informeront les renseignements sur l’opération, on peut appeler cela un échec!!

[3] Voir aussi à son sujet le site d’infos alternatives Rebellyon

[4] à l’instar d’un Jeremy Teiwaz qui nous avait bien fait rire, traversant la place du Capitole à Toulouse aux côtés d’A. Gabriac et son avocat (militant de l’OF lui aussi) Pierre-Marie Bonneau, avec sa panoplie des plus mythos.

[5] Voir l’article « Civitas, Femen et le mystère du “brassard orange” : retour sur images » sur le site de l’Observatoire de la Christianophobie, qui se conclue par cette question « Qui ce jour là était autorisé à porter un brassard orange »

[6] Comme Bompard s’en est expliqué par voie de communiqué suite à des insinuations sournoises du journal Minute, Charles de Meyer travaillait déjà bénévolement pour lui, et, satisfait de son travail, il a officialisé sa fonction à ses côtés à l’Assemblée nationale.

[7] Tout comme Thierry Meyssan, elle assure le service après vente du régime auprès des médias occidentaux, pas toujours avec une grande réussite puisque une de ses première invitation c’était adressé entre autre à la clique de Clap36 de Francesco Condemi et Béatrice Pignède (proches de Dieudonné et Soral), et sur une autre de ces invitations c’est le journaliste Gilles Jacquier qui malheureusement pour lui s’est retrouvé embarqué avec elle !! La suite on la connait.

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