REFLEXes

C18 : c’est reparti !

26 février 2003 International, Les radicaux

Les luttes de pouvoir qui ont lieu à l’intérieur du Parti conservateur ne constituent qu’un seul des éléments actuels de la vie politique britannique : on ne sait pas encore si les Tories vont continuer à être dirigés par un homme de centre-droit, le premier ministre John Major, ou si un homme plus à droite idéologiquement comme John Redwood va s’imposer. À l’extrême droite, la lutte pour la conquête de l’espace politique néo-nazi et néo-fasciste est aussi engagée.

Le British National Party, qui a essuyé plusieurs revers aux élections locales, semble abandonner la stratégie électoraliste. John Tyndall, son leader, cherche à créer un regroupement du même type que celui qu’avait formé le National Front dans les années 1967 à 1973 où coopéraient des groupes de droite extrême proches du Parti conservateur et des néo-nazis. Le National Front avait été capable d’intégrer de nouvelles recrues à cette époque.

John Tyndall tourne autour du River Club qui a été créé et est dirigé par d’anciens amis de John Tyndall, de l’époque où ils étaient tous au National Front. De nombreuses personnes de la droite extrême assistent aux réunions de ce club, de l’écrivain révisionniste David Irving à des responsables proches du nouveau magazine tory très à droite Right now, dirigé par Ralph Harrison. Harrison est un ancien candidat conservateur aux municipales : il s’était présenté au milieu des années 1980 en menant une campagne ouvertement raciste. Il a été par ailleurs très proche de la très raciste Lady Jane Birdwood, dans un groupe appelé Fairplay.

Aujourd’hui, il est également un des membres les plus en vue d’un groupe païen de droite, Odinic Rite. Pour ses activités dans Right Now, Harrison a tenté de dissimuler son identité en utilisant son deuxième prénom, Michael, puis en trouvant une autre personne pour jouer le rôle d’éditeur. Le magazine comporte de nombreux articles ou interviews de parlementaires conservateurs hostiles à Maastricht.

Tyndall passe son temps à répéter aux membres restants du BNP qu’ils doivent passer leur temps à distribuer des tracts, et qu’il faudra quatre ans avant que le BNP voie son électorat grandir. Il pense que les Conservateurs resteront au pouvoir encore deux ans, avant que le Parti travailliste gagne les élections. Il pense qu’il faudra encore deux ans pour que les électeurs se détournent du Labour (qui aura été incapable de concrétiser ses promesses), et se tournent peut-être vers l’extrême droite. On ne peut qu’être ébahi par la confiance que Tyndall a en lui ; il se sent capable de gagner contre des personnalités très conservatrices comme Michael Portillo et John Redwood.

Le groupe terroriste néo-nazi Combat 18, qui doit être envisagé comme une création des services de renseignement britanniques, a depuis juin 1994 son mouvement politique, la National Socialist Alliance (qu’il ne faut pas confondre avec la National Alliance de John Cato). Les actions de la NSA servent de couverture à de nombreux néo-nazis membres entre autres de Blood and Honour (l’organisation qui fait la promotion de la musique néo-nazie), ou bien servent à attirer de nombreux hooligans d’extrême droite.

Les groupes nationaux-socialistes sont désormais alliés à la NSA qui a attiré de nombreux membres des comités de rédaction de plusieurs publications néo-nazies, une bonne partie des adhérents du groupuscule British Movement, un autre groupuscule appelé National Socialist Group et l’ensemble de la section d’Irlande du Nord du BNP. Cette année, la NSA a renforcé ses liens avec les «loyalistes» d’Ulster qui refusent les négociations de paix qui ont lieu dans cette région. Leurs réunions publiques ont vu beaucoup plus de monde que celles du BNP aujourd’hui, et ils ont organisé des concerts de Blood and Honour de façon régulière. Ces activités se sont déroulées sans une véritable opposition massive du mouvement antifasciste.

La NSA a organisé des meetings régionaux importants à Londres, Birmingham, Wolverhampton, Heanor, Derby, Halifax et Nottingham. Presque à chaque fois, un officier du groupe paramilitaire Ulster Defence Association (UDA) était présent, accréditant ainsi l’idée que des liens profonds existent entre la NSA/Combat 18 et les paramilitaires d’Irlande du Nord. Des néo-nazis d’autres pays européens ont assisté aux concerts organisés par la NSA, à Londres, Cambridge, Heanor, Nottingham, dans les West Midlands et dans le Somerset. Le BNP ne compte plus qu’entre 400 et 700 membres après le départ de militants mais aussi de sections entières pour la NSA. Ces arrivées ont fait de la NSA et de Combat 18 le groupe le plus important de l’extrême droite anglaise, et pour la première fois dans l’histoire politique britannique, c’est un groupe national-socialiste qui est le parti le plus important de l’extrême droite. On a aussi assisté au retour sur la scène politique de Nick Griffin, qui selon ses collègues peut jouer un rôle à part. Il fut président de la tendance political soldier[1] du National Front, avant d’être le fondateur d’International Third Position. Il édite aujourd’hui The Rune, une publication du BNP, mais il ne garde pas tous ces œufs dans le même panier ; il écrit sous pseudonyme dans des revues de gauche ou dans des revues écologistes. Il est capable de promouvoir ses idées tercéristes dans un regroupement plus large.

Sans illusions à l’égard des partis traditionnels, et en particulier à l’égard du travailliste Tony Blair qui n’a pas su leur offrir une alternative de gauche (ou même centriste), les gens se détournent de plus en plus des urnes. Ils cherchent alors des réponses dans une multitude de groupes qui mènent des campagnes contre l’exportation des animaux vivants, le nucléaire, les déchets toxiques ou le programme gouvernemental de construction des routes. L’extrême droite est active dans plusieurs de ces groupes, et ses idées trouvent un écho certain dans des cercles plus larges. Le plaidoyer pour les idées eugénistes et racistes est régulièrement véhiculé par la télévision britannique et par les grands journaux où une nouvelle vague d’universitaires réécrivent l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et donnent un nouvel essor aux théories raciales. Cette nouvelle droite reprend le flambeau laissé par David Irving. À noter que cette nouvelle respectabilité des idées racistes est liée aussi aux secousses qui ont lieu à l’intérieur du Parti conservateur.

Paru dans REFLEXes N° 47, oct./nov. 1995

  1. * Concept britannique utilisé à l’intérieur du mouvement NR et qui considère le militant comme un soldat pour son parti et pour la cause.

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