REFLEXes

Droit de réponse

26 février 2003 ... Et les autres

L’article «Nous ne mangeons pas d’antispécistes pour ne pas tuer d’animaux» paru fin 1993 dans la revue REFLEXes n°40, reste toujours présent dans les esprits. Il est vrai que REFLEXes, en ne publiant pas un des articles reçus à cette occasion défendant un autre point de vue, a manqué d’ouverture d’esprit. Mais, mieux vaut tard que jamais… et nous publions donc un des textes signé par Jany.
Publié en octobre/novembre 1995

Le fait que certain-es d’entre vous mangent probablement de la chair animale, ou soient peu ou pas sensible à la lutte de libération animale, ne vous permet pas de ridiculiser (forme d’oppression et de pouvoir) les militant-es végétarien-nes et/ou végétalien-nes, dans votre article «Nous ne mangeons pas d’antispécistes pour ne pas tuer d’animaux». Ca ne justifie pas non plus les mensonges et les amalgames qui y sont fait. Ces méthodes d’information ou de propagande sont a jeter dans les poubelles de la presse journalopourrie. La lutte de libération animale n’est ni mystique ni radical-à-cent-balles comme vous semblez le sous-entendre, mais une lutte contre une forme de domination et d’exploitation. Elle est dans la logique des autres luttes sociales antiracistes, antisexistes et/ou antihomophobes. Il y a vingt ans, les féministes faisaient marrer les mâles les plus males qui auraient préféré que l’on taise l’autorité et le pouvoir qu’ils avaient sur les femmes.

Aujourd’hui’ les antispécistes font marrer celles et ceux qui souhaiteraient qu’on ne dénonce pas leurs, et nos privilèges… Et histoire d’entretenir la dérision qui ressort de votre article, je me demande si ceux qui ricanent de l’antispécisme aujourd’hui ne sont pas ceux qui hier, et encore aujourd’hui, ricanent des féministes et des tantes ? Faire l’amalgame entre les groupes de défense ou de protection animale et les groupes de libération animale est aussi censé que de confondre la lutte antiraciste de Reflexes et celle de France Plus. La Ligue Française Contre la Vivisection (infiltrée par le Front National) n’a rien à voir avec AIDA (qui priviligie la lutte de libération animale sans distinction des idéologies), qui n’a rien à voir avec les groupes que vous citez (Apache, Zarmazone), même plus spécialisés (les Cahiers Antispécistes Lyonnais, Boule de Neige). On peut encore être pour la liberation animale sans etre cul et chemise avec Brigitte Bardot… La défense (la libération !) animale n’est pas un sujet à la mode. Les végétarien-nes et les végétalien-nes ont toujours fait partie de l’histoire du mouvement anarchiste, pour ne citer que celui-là, même si ils et elles y ont toujours été minoritaires.
En plus, depuis une quinzaine d’année environ, différents mouvements musicaux engagés, babes, keupons ou hard-cores développent et propagent ces idées. Il vous aurait suffit de lire/traduire quelques textes de groupes tels que CRASS, M.D.C ou Conflict, pour prendre les plus connus, pour vous en rendre compte. groupes, leurs idées et leurs attitudes font partiellement partie de ma culture. Les «soit végos et tais-toi» sortent du placard et c’est certainement gênant pour ceux et celles qui ne veulent pas en entendre parler. D’autre part, que l’importance de l’antispécisme en France n’en (fasse) pas un sujet capital- ne me gêne pas. Je ne suis pas plus-pas moins lié à ce qui se passe en France qu’ailleurs, dans mon quartier ou chez moi, et des répercutions que peuvent avoir mes attitudes ici sur les autres régions et populations de la planète. Les Etats occidentaux transforment et pillent l’agriculture des pays en «voie de développement» ;. (développement façon occidentale blanche…), affament leurs populations pour nourrir le bétail animal qui goinfrera une tripotée de citoyen-nes bien de chez nous. Ca pourrait être une bonne raison, pour les anti-imperialistes, d’arrêter de consommer de la chair animale (d’élevage industriel par exemple). Ca ne changerait évidemment pas radicalement le monde et la pourriture ambiante, mais ça nous éviterait d’y contribuer, au moins à ce niveau là. L’impérialisme, c’est la nausée !

Que I’importance de l’antispécisme en France n’en (fasse) pas un sujet capital ne signifie pas qu’il n’est pas interressant. A force de lire certaines revues alternos, de trainer dans certains concerts punks/hard-cores ou antifascistes, d’être confronté aux attitudes machistes des uns et aux réflexions homophobes des autres, je me dis que le sexisme et l’homophobie ne doivent pas être des sujets capitaux non plus. Ils sont pourtant interressants, et le travail de recherche (relation entre le patriarcat et le fascisme) qui avait été fait par Willem Reich, et dont vous aviez parler dans un numéro spécial Noir & Rouge/Réflexes sur le fascisme, le montre bien. Enfin, même si la libération animale n’est pas encore un sujet capital, de plus en plus de fanzines locaux, de zines DIY, posent le problème, et remettent en question notre attitude. Ce n’est pas négligeable. Le fait même que vous en parliez est révélateur, il ne servait donc à rien de ridiculiser l’anti-spécisme. Vous n’êtes, également, pas les premiers à vouloir insinuer que, effectivement d’après l’extrait du livre de Léon Poliakov, le Mythe Arien, «le végétarisme et le fascisme peuvent faire bon ménage». Que voulez-vous dire ? Que l’anti-fascisme ne le peut pas ? Que le viandisme de Napoléon, de Pinochet, de Duvalier, d’Amin Dada, de Bush et Reagan, de Thatcher et autres Pasqua ne peuvent pas faire bon ménage avec ce qu’ils et elle sont ? … Ca m’étonnerait ! Malheureusement (ou heureusement) les choses ne sont aussi simples ! A défaut d’être de bonne foie, votre article aura à nouveau permi de lancer le débat sur l’antispécisme à l’intérieur des groupes antifascistes, et c’est tant mieux ! Si la lutte antifasciste se limitait juste à critiquer et à nous informer sur les groupes fascistes $et ,ca reste évidemment bien nécessaire), elle risquerait, à plus ou moins long terme, de se retrouver dans une impasse. L’antifascisme doit aussi être une force de propositions et avoir des objectifs pour être crédible. L’antisexisme, I’antiagéïsme, I’antihomophobie, la lutte pour la libération des moeurs toujours aussi réactionnaires, I’antispécisrne en sont quelques-unes… Il reste que c’est dans le respect de nos différences, et dans la lutte contre toutes formes de discrimination et de privilèges, que l’on peut; concevoir un quotidien (ou un avenir ?) «révolutionnaire».

Jany, queer antifasciste, végétarien.

Sans répondre au texte de Jany, nous tenons à apporter quelques précisions qui éclairciront notre point de vue.
Nous centrons nos activités sur un militantisme antifasciste dont les fondements politiques, économiques et sociaux sont la lutte contre le système capitaliste qui engendre le système de domination totalitaire, et avec des actions déterminées et multiples dans ses formes et ses objets contre les idées autoritaires et sécuritaires.

Ce que nous combattons, c’est le rapport de production capitaliste, l’inégalité des échanges entre le Nord et le Sud, le rapport d’apartheid social qui se généralise sur la planète, le développement des exclusions tant dans les pays riches et industrialisés que dans les pays laissés à l’abandon par la division internationale du travail, le retour des nationalismes barbares… L’absence de perspective révolutionnaire, l’éclatement des repères et des identités des mouvements d’émancipation, l’absence de projets alternatifs sont caractéristiques de notre époque et nous esssayons par nos luttes et nos pratiques de reconstruire ces utopies et ces outils de lutte dont tous ceux qui se battent pour un autre futur ont nécessairement besoin.

Changer le quotidien pour changer la vie et la société est un facteur à développer au cours des luttes et des mouvements sociaux auxquels nous participons. Changer les rapports entre les hommes et les femmes, lutter contre le patriarcat, transformer les comportements de domination et de pouvoir font partie intégrante de notre mouvement.

Sur le végétarisme, il y a bien longtemps que dans nos groupes des membres en sont adeptes, et cela n’a jamais créé de problèmes ni aux uns, ni aux autres.
Pour autant, nous faisons une différence entre les humains et les animaux. Et si cela suffit à nous traiter de meurtriers, il est certain que l’échange entre nous sera en effet très difficile et difficilement serein.
Pour finir, nous tenons à réaffirmer le droit des deux thèses à s’exprimer et à se confronter sans que cela donne lieu à des anathèmes.

Paru dans REFLEXes N°47, oct./nov. 1995

Cet article est libre de droit, mais nous vous demandons de bien vouloir en préciser la source si vous en reprenez les infos : REFLEXes http://reflexes.samizdat.net , contact : reflexes(a)samizdat.net

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