REFLEXes

Les autonomes nationalistes en Allemagne/ Méfiez-vous des imitations !

12 novembre 2009 Les radicaux

Dans l’extrême droite allemande, cohabitent deux tendances contraires qu’il importe de différencier. D’une part, une tendance forte avec une volonté de coopération qui gravite autour du NPD (Nationale Partei Deutschland). Dans cette mouvance, différents acteurs et groupes néonazis sont intégrés, et diverses actions parlementaires et extra-parlamentaires ont fusionné. D’autre part, un nombre considérable de néonazis qui se refusent à une politique considérée comme bourgeoise et persistent dans des formes d’organisation autonomes. Depuis quelques années, cette tendance connait une croissance importante du nombre de ses militants ; militants qui par ailleurs n’adoptent pas la panoplie du parfait facho.Ils portent des vêtements noirs, leurs banderoles et leurs slogans sont très offensifs et pleins d’anglicismes, et ils cherchent volontiers la confrontation avec la police et les antifascistes. Par le look qu’ils arborent, ils cherchent à s’approprier un style généralement associé à l’extrême gauche, et par conséquent, il est difficile de les différencier, au premier coup d’œil, des autonomes et des antifascistes. Ils se désignent souvent eux-mêmes comme autonomes nationalistes. Dans la première moitié des années 1990, un certain nombre d’organisations néonazies ont été interdites en Allemagne, leurs militants ont alors été contraints de s’organiser en petits groupes informels sans statut officiel (dits « organisation sans organisation ») et à se connecter en réseaux. Si la notion d’autonomes nationalistes, apparue à cette période, a été remplacée par celle de « nationalistes libres » ou de « forces libres » dans un premier temps, elle est réapparue au début des années 2000, avec un sens modifié. Ces différents groupes et activistes néonazis propagent une politique strictement antiparlamentaire, choisissent des formes de lutte radicales et refusent et combattent les tentatives de récupération d’une « NPDVolksfront-Politik » (« politique de front populaire du NPD »). Les spécificités des autonomes nationalistes ne sont pas idéologiques, mais axées principalement sur les formes d’action et d’apparition qu‘ils adoptent ainsi que sur leur tenue, toutes empruntées à l‘extrême gauche. La tenue de rigueur se compose de vêtements noirs, de casquettes, de baskets, de lunettes de soleil et ainsi accoutrés, les militants se masquent également volontiers. Sur leurs banderoles comme sur leurs tracts, on peut voir des symboles de gauche, récupérés et parfois détournés, et pendant les manifestations, ils forment très souvent un black bloc. Ainsi, visuellement, ils se différencient fondamentalement de l’image « Biedermeier »(petite-bourgeoise) du NPD aussi bien que de l’image traditionnelle de la scène skinhead. Le but qu’ils poursuivent est clair : c’est une tentative visant à attirer et à mobiliser la nouvelle jeune génération et à créer le néonazi moderne.

« Peu importe quelle musique les gens écoutent, ou comment ils portent leurs cheveux ou quelles fringues ils mettent. Il s’agit plutôt de s’infiltrer et d’utiliser des franges de la jeunesse et de la société pour arriver à nos fins. »

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Les modifications sémantiques ont le même but : s’adresser à un public qui n’était pas, jusqu’ici, réceptif à l’idéologie de l’extrême droite. La ressemblance avec l’extrême gauche et ses codes et en particulier avec les autonomes est loin d’être le fruit du hasard : elle est tout à fait voulue et recherchée. C’est une tendance qui attire la jeunesse et en même temps un mode de camouflage grâce auquel les néonazis échappent aux attaques et à la chasse qui leur est faite. Idéologiquement, les autonomes nationalistes restent très superficiels. Aucun document fondateur n’existe, qui pourrait représenter une base idéologique de cette mouvance. Même s’ils soulignent en permanence qu’ils s’inspirent du mouvement national-révolutionaire des années 1920, il est rare de trouver une vraie relation à cela dans leur argumentation.
Les références à l’idéologie des gauchistes du NSDAP, aux frères Strasser, à Gottfried Feder et au jeune Goebbels restent tout aussi nébuleuses. Certes, les autonomes nationalistes reprennent la question sociale et s’autoproclament fers de lance d’un anticapitalisme populiste, mais il s’agit là d’une tendance globale qui se dessine dans l’extrême droite en Allemagne, et non d’une nouvelle tendance dont il serait les instigateurs.

« Le bloc national-révolutionaire et noir ne se différencie pas principalement par son apparence physique d’avec les autres participants de la manifestation, mais par les contenus et actions révolutionnaires (blocus, occupations et refus etc.) : nous ne croyons pas que le système capitaliste peut être réformé ou amélioré – le système prédominant est l’erreur et doit être remplacé par une nouvelle forme de société, libre, juste, nationale et sociale. »

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Pour conclure, on peut noter que l’apparition des autonomes nationalistes marque surtout l’émergence d’une nouvelle génération de néonazis, relookés. Idéologiquement, on ne constate pas de changement radical de paradigme. En Allemagne, il existerait environ 30 à 40 groupuscules d’autonomes nationalistes plus ou moins actifs. Le premier a été fondé, en 2002, à Berlin, par des militants de la mouvance de la Kameradschaft Tor. Aujourd’hui, on trouve l’épicentre des autonomes nationalistes à Dortmund et dans la région de la Ruhr. Depuis 2004, chaque année, au 5 septembre, des militants proches de la Nationaler Widerstand Dortmund organisent une journée nationale contre la guerre avec une manifestation à Dortmund. Cette année, 700 néonazis, pour la plupart des autonomes nationalistes, ont pris part à cette manifestation. Les antifascistes étaient dix fois plus nombreux…

« Organisez le black bloc national ! Bientôt il n’y aura plus ni droite ni gauche ! Alors, il ne restera que les autonomes nationalistes. »
« Pour en finir avec la justice d’opinion, liberté pour tous les nationalistes ! »
« Ensemble contre le capitalisme ! Pour un socialisme national ! »
« Celui qui n’est pas son propre maître, restera toujours valet !
Combattez la terreur de gauche ! »

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No Pasaran n°76 octobre/novembre 2009

La réalité du phénomène en France

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Longtemps le phénomène ne s’est répandu qu’en Allemagne. Il se développe à présent très largement dans certains pays d’Europe de l’Est et même en Russie, avec un réseau de boutiques sur internet pour acheter la tenue complète du parfait Nationaliste Autonome, développant de nouveaux codes vestimentaires et des marques propres à ce mouvement, un peu comme cela avait pu se faire avec Thor Steinar. Participent à ce succès aussi bien la fascination pour le nationalisme allemand de la part de jeunes générations à la mémoire courte que l’efficacité des VRP « autonomes » dans des pays d’Europe centrale considérés comme une terre d’influence allemande. En comparaison, le concept des nationalistes autonomes reste très marginal en France.

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À titre d’exemple, il ne reste plus qu’un seul site internet accessible aujourd’hui – novembre 2009 – revendiquant cette appellation, au demeurant peu alimenté et au contenu politique très léger. D’une façon générale, on peut donc dire que le courant « nationaliste autonome » en France ne prend pas. Cela n’a pourtant pas été faute d’essayer de la part de certains. C’était en effet clairement l’axe de développement choisi par Pro Patria en 2006-2007. Le groupuscule parisien, composé très largement de « vieux » militants fit en effet quelques apparitions avec un look calqué sur les NA d’outre-Rhin et développa un style graphique qui en était directement inspiré, en particulier par le choix du drapeau noir.

Pro Patria avec Arnaud Derville en tête

Pro Patria avec Arnaud Derville en tête

Le tout était relayé par le blog Zentropa qui jouait ainsi le rôle de principal relais médiatique francophone de la scène nationaliste autonome européenne. Mais Pro Patria a fait long feu et il n’existe aucune perspective de développement pour ce courant en France. Depuis deux ans, seules deux actions ont été revendiquées par des militants se revendiquant « nationalistes autonomes », à savoir un rassemblement « anticapitaliste » en 2008 contre les traders à la Défense et une manifestation menée au pas de course dans les rues de Paris contre l’entrée de la Turquie en Europe. A chaque fois, il n’y avait pas plus d’une quinzaine d’individus présents. Par ailleurs, des militants nationalistes lorrains ont bien utilisé ce terme lors d’une apparition publique en 2009 mais sans pour autant donner le sentiment de revendiquer une filiation avec le modèle allemand. L’échec de la greffe peut recevoir une multitude d’explication. À l’évidence, la grande majorité des jeunes nationalistes français ne semblent pas prêts pour l’instant à abandonner le folklore et les références culturelles traditionnelles du milieu faf français. Bien que l’on puisse noter une certaine évolution dans la représentation et les symboles depuis une dizaine d’années, la rupture qu’implique ce courant politique est sans doute trop radicale pour être adoptée par le plus grand nombre. Par ailleurs, malgré les apparences, l’influence allemande est relativement marginale au regard d’autres influences étrangères au premier plan desquelles il faut citer l’influence italienne avec la scène « non conforme » autour de Zetazeroalfa et des centres occupés, en particulier à Rome. On retrouve cette influence aussi bien chez les Identitaires que dans d’autres milieux, en particulier ceux qui gravitaient autour de Pro Patria, et elle sous-tend très largement ce que diffuse la petite équipe italo-parisiano-quebecquoise qui anime Zentropa. Pas de quoi donc sonner le tocsin, surtout si l’on compare ce phénomène avec d’autres comme la montée en puissance de l’influence des stades de foot sur les milieux néo-fascistes européens.

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