Il y a un peu plus de trois ans commençait dans le nord de l’Angleterre une série d’affrontements entre les habitants de quartiers pauvres et de jeunes néo-nazis venus faire le coup de poing. Graeme Atkinson revient sur l’analyse de ce que les media qualifièrent alors et à tort d’émeutes raciales.
Ancien centre minier et textile, Oldham a vu son activité économique décliner depuis la fin des années 1950 jusqu’aux années 1980. Parallèlement, ses industries avaient eu recours à une large quantité de main d’œuvre étrangère. Si bien que sur une population de 219 000 habitants, Oldham en compte 24 600 d’origine asiatique. Ces populations, qui ont été ghettoïsées dans les parties les plus pauvres de la ville, ont aussi été les plus durement touchées par le chômage (25% dans la communauté d’origine bengali).
La nuit du samedi 26 mai 2001, des combats ont éclaté dans les rue d’Oldham, opposant des jeunes d’origine asiatique à la police anti-émeute dans le quartier pauvre et délabré de Glodwick. Ces événements se trouvèrent être les premiers d’une série d’affrontements violents, provoqués par les fascistes, entre des jeunes asiatiques et la police dans l’ancien centre textile du nord de l’Angleterre. Dans le mois qui suivit les incidents d’Oldham, le conflit se propagea à Burnley et à Bradford.
Oldham
À Oldham, lors de ce qui fut stupidement qualifiée d’émeute « raciale » par les médias nationaux et internationaux, des cocktail Molotov furent lancés, des voitures incendiées, un pub attaqué et plusieurs véhicules de polices détruits ; c’est seulement à l’aube, le dimanche matin, que le calme revint.
Ce qui s’est passé à Glodwick n’est pas une émeute « raciale » comme les politiciens du « New Labour » et les conservateurs se sont empressés de dénoncer lorsque la nouvelle a été connue mais, au contraire, le résultat de la frustration ressentie par les personnes d’origine asiatique après plus de quinze ans de chômage massif, de mauvaises conditions de vie, de politiques racistes et d’humiliations de la part de groupes tels que le British National Party, le National Front ou encore le groupe terroriste nazi Combat 18 (C18).
Cependant, ce qui a mis le feu aux poudres du ressentiment et de la colère à Oldham est un événement plus immédiat : l’invasion violente de Glodwick par des bandes fascistes qui ont attaqué les maisons, cassant des vitres, détériorant habitations et magasins, et agressant sauvagement une femme enceinte.
Après sept semaines d’actions fascistes, la patience de la communauté asiatique était à bout et il ne restait plus d’autre choix aux jeunes que de descendre dans la rue en légitime défense de leur communauté.
Ce sont les médias qui ont colporté le mensonge selon lequel les asiatiques auraient transformé Glodwick en une zone interdite aux Blancs. Dans ce but, la terrible photographie de Walter Chamberlain, âgé de 76 ans, battu par des jeunes d’origine asiatique a été régulièrement montrée à la télévision, comme pour corroborer ce mensonge. Chamberlain lui-même et sa famille ont dénoncé cette manipulation qui voulait présenter son agression comme une attaque raciste. L’incursion dans Glodwick d’un groupe de fascistes organisés et de hooligans fut à peine mentionnée dans les médias, pris dans leur volonté frénétique de transformer les victimes de violences en agresseurs.
En annonçant publiquement que le nombre d’attaques racistes à Oldham était le plus élevé d’Angleterre et concernait principalement des attaques perpétrées sur des Blancs, et en ignorant confortablement que les attaques d’asiatiques par des Blancs sont si fréquentes que rares sont celles qui font encore l’objet de plaintes, le chef de la police locale a donné le signal pour que les bandes racistes viennent à Oldham défendre la « race blanche ». C’est un rassemblement « contre les attaques racistes commises par des asiatiques », organisé au mois de mars par le BNP devant le commissariat d’Oldham, qui a allumé la mèche qui allait aboutir à l’explosion du 26 mai 2001.
Après le BNP, le National Front, Combat 18 et des hooligans suivirent ensuite chaque week-end, saccageant les quartiers asiatiques et manifestant dans les rues. Malgré le renfort de 500 policiers et l’interdiction de toute manifestation, le NF et les hooligans manifestèrent quand même et attaquèrent ensuite un quartier à majorité asiatique.
Le week-end du 26 mai, ils se montrèrent à nouveau, se rassemblant dans un pub à proximité d’un quartier asiatique. Ils furent encerclés puis autorisés à partir par groupes de six sans autres formalités. Leur destination suivante était Glodwick. La prétendue « émeute raciale » qui s’en suivit a boosté électoralement le BNP aux élections législatives (16,4% des votes dans la circonscription d’Oldham West).
À Burnley et ailleurs
Ce qui s’est passé à Oldham a engendré un climat de tension et de peur dans d’autres endroits. À une trentaine de kilomètres de là, dans la ville de Burnley, confrontée aux même problèmes économiques et sociaux, et dont la population originaire du sous-continent indien s’élève à 6000 habitants, le BNP a obtenu 11,2% des suffrages.
Trois semaines après ces élections, le BNP avait tellement empoisonné l’atmosphère à Burnley que la violence était devenue inévitable. L’agression raciste d’un chauffeur de taxi d’origine indo-pakistanaise a fait descendre les jeunes asiatiques dans la rue. Deux pubs utilisés comme lieux de rencontre par les bandes racistes furent attaqués. Bien que quatre personnes aient été arrêtées pour l’agression du chauffeur de taxi, la police ne fit pas grand chose pour s’occuper des fascistes qui étaient à l’origine des troubles.
Les fachos comprirent alors qu’ils pouvaient débarquer n’importe où dans le nord de l’Angleterre et provoquer des émeutes. Le 7 juillet, ce fut le tour de Bradford où le National Front annonça son intention d’organiser une marche. La réponse de la police et des autorités fut ambiguë : le ministre de l’Intérieur, David Blunkett, interdit toute manifestation dans la ville mais le conseil municipal capitula devant le National Front en annulant le dernier jour du festival interculturel de Bradford.
Le 6 juillet, Nick Griffin, le leader du BNP, tint un meeting devant 150 personnes dans un quartier ouvrier blanc afin de cristalliser la tension raciale. Le jour suivant, presque 2000 personnes, mobilisées par l’Anti Nazi League, se rassemblèrent pacifiquement. Dans l’après-midi, un groupe de cramés, avec à leur tête David Appleyard, un membre de Combat 18, sortit d’un pub pour narguer les asiatiques dans la rue. Un jeune garçon fut alors sauvagement tabassé et resta inconscient jusqu’à l’arrivée de la police et l’arrestation d’Appleyard.
La tension de l’après midi et le ressentiment envers la police du fait de son incapacité à gérer la présence des fachos, furent indubitablement une des causes des événements qui suivirent. Cependant, les affrontement qui opposèrent un millier de jeunes asiatiques à la police, à coup de briques, de bouteilles, de cocktails Molotov, de fusées de détresse et même de marteaux trouvent leur racines dans des raisons plus profondes : l’exclusion politique, la marginalisation économique, la ségrégation par le logement et l’éducation, dont cette communauté est la victime. Il semble cependant que le gouvernement, et à travers lui, le ministre de l’Intérieur, David Blunkett, se soit interrogé après les émeutes sur l’utilité de combattre la pauvreté et le racisme à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes…
Mais ce qui s’est passé à Bradford diffère des émeutes d’Oldham
À Bradford, on a vu l’implication des mouvement islamiques fondamentalistes issus de la communauté pakistanaise, des gangs de dealers et aussi d’un certain nombre de jeunes hommes cherchant à prouver leur virilité dans l’affrontement avec les forces de l’ordre.
Ces événements furent unanimement condamnés par la communauté asiatique de Bradford Mais ils servirent de prétexte à de jeunes Blancs pauvres qui attaquèrent, le lendemain, un restaurant et un garage propriétés d’asiatiques. Comme par hasard, ces jeunes étaient issus du quartier dans lequel Griffin avait tenu son meeting quelques jours auparavant…
Depuis, lors des élections locales, en 2002 et 2003, le BNP a gagné 13 sièges dans les conseils municipaux : 8 à Burnley, 2 à Halifax et un à Blackburn (anciennes villes industrielles qui se trouvent dans la même situation socio-économique que Oldham ou Burnley), 2 à Sandwell près de Birmingham et les autres à Staoke.
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