REFLEXes

Notes de lecture

29 novembre 2004 Ouvrages, revues et médias

Nadège MAZARS, Damien FELLOUS
Et la forêt se déplaça…
En marche avec les zapatistes

Éd. Noésis, 2001, 176 pages

Paru il y a deux mois déjà, le livre de Nadège Mazars et de Damien Fellous, qui relate la Marche des zapatistes pour la dignité indigène (24 février-11 mars 2001), méritait que la rédaction de REFLEXes s’y arrête.
Il s’agit d’un récit de voyage, des «Carnets de route» comme le précise le sous-titre, de deux journalistes indépendants et engagés, bien différents en cela de tous ceux qui, en proie à la Marcos-mania, se sont engagés dans cette aventure en espérant peut-être découvrir qui se cache sous la cagoule du sous-commandant. Rien de tout cela donc, dans ce récit à deux voix de la Marche zapatiste : au contraire, les auteurs retracent à grands traits l’histoire du mouvement zapatiste et de l’EZLN (en renvoyant également les lecteurs peu documentés sur la question à d’autres ouvrages plus spécifiques), et tout au long de la Marche, ils analysent à la lumière de leurs sentiments et de leurs réactions personnelles aussi bien l’atmosphère de la Marche, qui ne cesse d’évoluer au fur et à mesure que le long cortège de véhicules hétéroclites qui la composent progresse vers Mexico, et la situation nouvelle, exceptionnelle dans laquelle ils se trouvent être partie prenante. Une des interrogations récurrentes des deux récits est la suivante : où tout cela va-t-il les mener ? La Marche va-t-elle déboucher sur une situation insurrectionnelle, sur une révolution même ?
La tête pleine d’espoirs de ce genre, partageant les émotions des deux auteurs, le lecteur suit pas à pas Nadège Mazars et Damien Fellous dans leur découverte ou re-découverte du Mexique et des multiples communautés qui le composent. Les superbes photos en couleur présentes à chaque page plongent encore davantage le lecteur dans cette réalité mexicaine. Selon son expérience et ses connaissances du pays et du mouvement zapatiste, le lecteur peut choisir de se laisser guider par l’un ou par l’autre, ou bien encore par les deux, en remarquant au passage à quel point les deux récits s’entremêlent et se complètent sans jamais se répéter (et si c’est le cas, c’est que chacun voit un même événement d’une façon différente). Il glane au fur et à mesure des pages toutes sortes d’informations, de celles qu’on recueille lors de discussions passionnées avec des ami(e)s : pour ma part, j’y ai découvert la signification du mot gringo (de l’uniforme vert des soldats américains : «green, go home !») et surtout une perspective de lutte extra-européenne, dans le sens où les conversations rapportées par les auteurs avec des participant(e)s mexicain(e)s au sujet de la situation en France et en Europe montrent de nouvelles possibilités de penser nos luttes. En voici un extrait : «6 mars La Pila [...] Une vieille dame au brassard rouge s’enquiert auprès de nous des raisons qui nous ont amenés à accompagner la caravane. Elle s’étonne d’apprendre qu’il n’existe pas de mouvements de guérilla en France. “Il n’y a pas d’inégalités ?”, demande-t-elle, incrédule. Mes explications sur les difficultés engendrées par le type de relief, la domestication de la nature en Europe, et le contrôle social poussé à son extrême ne la satisfont pas beaucoup plus que moi. “Peut-être y a-t-il moins d’oppression de vos peuples indigènes ?”, essaye-t-elle. Nos indigènes à nous, ce sont les immigrés, pensé-je alors, et il me semble tout à coup comprendre les difficultés qu’ont dû affronter les zapatistes pour convaincre les Mexicains que le problème indigène était celui du peuple tout entier.» (pp. 101-102).
Il serait extrêmement difficile de noter toutes les raisons qui font de ce livre une lecture à la fois très enrichissante et tout à fait passionnante : j’en retiendrais le style accrocheur qui pousse le lecteur à avancer dans les récits sans reposer le livre, le titre expliqué au milieu du livre (la prédiction des sorcières dans le Macbeth de Shakespeare : le roi sera renversé par la forêt en marche), quelques précisions sur l’histoire de Marcos (comment le personnage a vu le jour, cf. encart p. 49) et surtout les traductions de discours des commandants zapatistes qui émaillent les récits des auteurs.

Christian BOUCHET
Les Nouveaux nationalistes
Éd. Déterna, 326 pages

Lecteur qui, par erreur, aurait ce livre dans les mains… laisse-le tomber ! Il y a en effet tristement tromperie sur la marchandise. Vu l’auteur qui a priori connaît bien son sujet étant donné que cela fait trente ans qu’il use ses fonds de culotte sur les bancs nationalistes, on pouvait s’attendre à des révélations extraordinaires.
Comment ? Il y aurait des «nouveaux nationalistes» et on n’en aurait pas entendu parler ? La police aurait laissé passer ça ? La Bête aurait fait des petits ? Après lecture, on respire. Non, non, ce sont toujours les mêmes. Les «nouveaux nationalistes» ne sont qu’une bande de jeunes cons bien décidés à prendre la place de vieux jouant dans la même catégorie. Une nostalgie vient juste en chasser une autre. Dans cette bande on trouve en vrac Guillaume Luyt (ancien FNJ, néo-NR), Eddy Marsan (ancien FNJ et FN, néo-NR) ou Philippe Vardon (ancien FNJ et néo-NR). On y trouve même Christian Bouchet dont la nouveauté n’est plus à démontrer. Le nombre de pages pourrait laisser croire qu’ils ont des choses à dire. Mais en fait c’est juste que c’est écrit gros. Que de papier gâché et d’arbres coupés !

Henri de FERSAN
L’imposture antiraciste
Publications HdF, 360 francs

Christophe Picard puisque tel est le vrai nom d’Henri de Fersan est un auteur prolifique. Un peu monomaniaque évidemment mais ce défaut est partagé par beaucoup de monde à l’extrême droite. Son obsession à lui, Christophe, c’est le «racisme anti-Français» et la «pieuvre judéo-communiste». À l’instar d’un mauvais peintre autrichien devenant dictateur allemand, il a raté ses études, n’est pas devenu le grand homme qu’il estimait devoir être et en garde une amertume sans fin. Alors il se démène comme un diable pour faire parler de lui. Visiblement, il a peut-être une chance de réussir avec ce nouvel opuscule dans lequel il accumule les possibilités d’être traîné en justice pour diffamation. Le premier à être tombé dans le piège est Guy Konopnicki qui multiplie depuis quelques temps les imprécations contre Henri de Fersan, ce qui comble d’aise ce dernier qui s’empresse de le faire savoir autour de lui. Il faut dire à la décharge de G. Konopnicki que le portrait qui est fait de lui au début du livre est pour le moins déplaisant. Mais l’infâme Picard n’attendait bien évidemment que ce genre de pseudo-scandale pour qu’on parle de son livre. Car sinon il n’y a aucune raison valable pour que ce soit le cas. Le livre est mauvais, empli des obsessions de l’auteur et constitue un vaste fourre-tout où sont dénoncés en vrac staliniens militants, ex-staliniens militants, crypto-staliniens militants, staliniens militants qui s’ignorent, juifs staliniens, juifs trotskistes, juifs anarchistes, juifs féministes, crypto-juifs, etc. tous évidemment antiracistes et tous copains. La plupart des sources proviennent d’autres auteurs et le pauvre Ratier s’est fait piller jusqu’à la dernière ligne. C’est par exemple le cas pour ce qui concerne le Scalp et REFLEX, toutes les informations provenant du dossier paru dans Faits & Documents. Picard a même l’outrecuidance d’essayer de faire croire que les informations internes de 1997 proviennent d’un matériel brut alors qu’elles étaient déjà publiées dans Faits & Documents. N’est heureusement pas Ratier qui veut. Seul point amusant du livre : la propension de Picard / Fersan à parler de lui. Comme personne d’autre ne le fait, il le fait lui-même, ce qui est la meilleure façon d’être servi. On assiste donc à des mises en scène tout au long du livre : Picard / Fersan quand il était à l’Institut Supérieur de Préparation (ISP, organisme privé pour préparer le concours d’entrée à Sciences-Po Paris) et qu’ «il dirigeait les étudiants nationaux», Picard / Fersan petit-fils de réfugié antifasciste (si, si, il le dit page 17 !), etc.
Bref, une seule direction pour ce livre : la poubelle !

Renaissance
Réflexion & culture

n°4, août 2001

La Nouvelle Droite est passée maître dans l’art de lancer des passerelles vers la droite libérale ou la gauche pour sortir du ghetto dans lequel elle végète depuis quinze ans. Mais depuis la polémique des «rouges-bruns» au début de la décennie 1990 et le relatif échec de la revue Krisis dirigée par Alain de Benoist, le GRECE en tant que tel ne tentait plus grand-chose. Restaient juste les rencontres à titre personnel d’Alain de Benoist avec des figures de l’intelligentsia bourgeoise comme Jean Daniel par exemple. Tout cela n’allait pas très loin. Mais à un niveau très local, dans le Vaucluse plus précisément, il semble qu’une petite équipe, qui était présente à la table ronde de février 2001 du GRECE à Paris, ait décidé de relever le gant. Cela donne la revue Renaissance, trimestrielle, dirigée par Richard Kitaeff et diffusée dans la région d’Avignon.
Officiellement, Renaissance veut faire «intervenir des personnalités de tous les horizons culturels et politiques, pour des débats alternatifs, un véritable pluralisme, un renouveau des idées…». Traduit en langage courant et non en novlang néo-droitier, cela donne des interviews de personnalités de gauche ou droite (Jean Lacouture, Axel Kahn, Elisabeth Guigoux, etc.) auxquelles on accole des interviews de néo-droitiers ou néo-fascistes comme Charles Champetier (ex-rédacteur en chef d’Éléments, revue du GRECE) ou Dominique Venner (ex-Jeune Nation et toujours néo-fasciste), les seconds étant bien sûr légitimés par les premiers. Cela permet également de diffuser des chroniques et des notes de lecture diffusant les idées du courant Nouvelle Droite et de faire de la publicité pour des amis locaux comme la revue régionaliste d’Oc Montségur. Celle-ci se trouve être un point de rencontre entre militants néo-droitiers (GRECE ou Terre & Peuple) et militants politiques (MNR et Unité radicale). L’un des membres du comité de rédaction de Montségur fait d’ailleurs également partie de celui de Renaissance. Une fois encore, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même… Le tout serait délicatement anecdotique si Renaissance ne parvenait à être correctement diffusée dans sa région, en particulier chez les étudiants, grâce… à sa gratuité ! En effet, la revue est entièrement financée par des publicités payées par des entreprises locales comme la librairie Les Genêts d’Or, la Caisse d’Épargne, le Body Center, etc., le tout à Cavaillon. La manœuvre est évidemment habile et les commerçants ne sont sans doute pas avertis de la nature politique de ce qu’ils financent. On peut compter sur nous pour leur faire savoir…

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