REFLEXes

Portrait Alexandre Del Valle

L’après 11 septembre a été la triste occasion de voir (ré)apparaître dans les médias quelques sales faces dont la légitimité intellectuelle est très largement sujette à caution. C’est le cas de quelques chevaux de retour comme Roland Jacquard ou Xavier Raufer, dont les orientations extrême droitières ne sont plus à démontrer. Mais de nouvelles têtes se sont mises à dépasser dont certaines ne nous sont pas inconnues. Alexandre Del Valle par exemple, pour qui le 11 septembre a été une chance historique. Vous n’avez pas pu le rater : cet obsédé de la reconnaissance médiatique, né en 1968 dans le sud de la France dans une famille pied-noir, connaît depuis deux mois une surexposition télévisuelle et radiophonique. LCI, TF1, Le Figaro… La liste de ses interventions serait trop longue à établir. Del Valle a pu y étaler ses thèses, bloubiboulga intellectuel à mi-chemin entre le «choc des civilisations» de Huntington et le «grand complot américain contre l’Europe» de la Nouvelle Droite. Pragmatique, notre «expert» a cependant compris à temps que le 11 septembre modifiait la donne et qu’il fallait passer à une démarche «schmittienne» de désignation de l’ennemi. Le monde arabo-musulman a tout naturellement endossé ce rôle, les USA se voyant reléguer au rang de simples adversaires. Cette orientation lui a permis d’être en phase avec ce que les médias et les masses voulaient entendre. Mais la consécration est venue d’ailleurs : de la communauté juive. Depuis deux mois en effet, Marc D’Anna, puisque tel est son vrai nom enchaîne les conférences à l’invitation de tout ce que la communauté juive parisienne compte d’organisations droitières ou simplement pro-israéliennes, du B’nai B’rith à l’association France-Israël. Le discours de D’Anna vient en effet à point nommé rencontrer la lente dérive raciste d’une fraction radicalisée de la communauté juive pour qui l’Arabe devient peu à peu l’ennemi à abattre. De certains sites Internet abjects au récent rapport du CRIF sur les violences antijuives qui désigne certains agresseurs par leur appartenance supposée à l’ethnie arabe, c’est la même perte de sang-froid qu’on peut observer et qui laisse mal augurer de l’avenir. Or les représentants de la communauté seraient bien inspirés de mieux choisir leurs nouveaux amis, surtout lorsqu’ils ont la prétention de soutenir la «seule démocratie du Proche-Orient». Marc D’Anna est en effet un digne représentant du courant politique français le plus droitier avec tout ce que cela implique. Ancien élève d’institutions catholiques, son passage à l’IEP d’Aix au début des années 1990 n’est pas passé inaperçu. Il y côtoie toute une fraction de la droite radicale et ses fréquentations le poussent à participer aux activités d’Yggdrasill, petite secte païenne ultra-droitière, pour laquelle il écrit quelques articles dans la revue Muninn. Même si son itinéraire universitaire l’éloigne ensuite quelque peu de ce courant pour le rapprocher de celui du général souverainiste Pierre-Marie Gallois au milieu des années 1990, les liens ne sont pas rompus. Tout naturellement, c’est l’extrême droite qui l’invite dans ses conférences à partir de 1998 : néo-droitiers (Terre & Peuple, GRECE), catholiques ultra (Chrétienté-Solidarité, JAC, lefebvristes)… D’Anna parle là où on veut bien l’écouter. Publier une brochure pour Synergies européennes dans la même collection que le négationniste Bernard Notin (sous pseudonyme de Frédéric Valentin) n’embête pas non plus ce compagnon d’une jeune femme juive argentine. En novembre 1998 n’écrivait-il pas que «l’Européen n’a pas à s’excuser éternellement pour les Croisades, l’Inquisition, la Colonisation ou la Shoah. L’utilisation systématique, obscène même, des drames de la IIème Guerre mondiale pour discréditer les Patriotes européens est devenu tout simplement insupportable» ?
Mais tout ceci ne semble hélas pas être contradictoire. Si professionnellement, D’Anna a bien compris le profit à tirer des liens avec la communauté juive, il semble que politiquement ses objectifs soient tout aussi clairs : profiter du contexte actuel, inespéré, pour faire sortir la droite radicale du ghetto politique dans lequel l’a placé son antisémitisme dogmatique, le tout grâce à un ennemi commun : l’Arabo-musulman. Il y a ainsi deux D’Anna : celui qui s’incruste dans la communauté juive et multiplie les gages de bonne conduite Politiquement Correcte en attaquant les «nazis» et celui qui continue à écrire dans des revues extrême droitières comme Relève politique, lancée en septembre dernier par Christophe Dungelhoeff (sous pseudonyme Xavier Van Lierde) avec d’autres anciens Aixois et continuerait à rencontrer quelques représentants de la droite la plus nazifiante comme William Bonnefoy pour leur expliquer sa démarche. Des attaques récentes d’Emmanuel Ratier et de Christian Bouchet (UR) montrent qu’une fraction du milieu nationaliste renâcle à ce rapprochement jugé contre-nature. Mais il y a fort à parier qu’une majeure partie de l’extrême droite comprenne tout l’intérêt politique que présente ce Guillaume Faye nettement plus présentable et adopte une attitude pragmatique consistant à considérer que le succès de D’Anna est objectivement une bonne chose puisqu’il permet la diffusion dans les grands médias d’un discours proche du sien. De fait, les représentants juifs ont-ils mesuré toute leur responsabilité ? On peut hélas répondre non. Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre…

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