REFLEXes

Identitaires, Bloc Identitaire, Jeunesses Identitaires : La soupe aux Vardon

9 novembre 2007 Les radicaux

Comme nous l’avions fait le mois dernier pour Terre & Peuple, l’article qui suit tentera un coup de projecteur sur les Identitaires à quelques jours d’une Convention annoncée avec moult tapage sur Internet. Cependant, difficile d’être exhaustif sans être très long et donc très vite pénible en ce qui concerne cette mouvance qui a beaucoup changé en quatre ans, d’autant que la trinité Jeunesses Identitaires – Bloc Identitaire – Les Identitaires complique un exposé clair des choses. Nous ne prétendons donc que donner un aperçu si possible synthétique, réservant un approfondissement de certains aspects dans d’autres articles à venir.

Pour essayer de faire simple…

Les Identitaires sont nés lors de la réunion à Salon-de-Provence les 29 et 30 août 2002 d’une quinzaine de militants ex-Unité Radicale (UR), ex-MNR et FN. Parmi ces 15 figurent Fabrice Robert, Philippe Vardon, Guillaume Luyt mais aussi André-Yves Beck , les Roudier père et fils ainsi que des militants extérieurs de passage comme d’anciens gudards. Sort de cette réunion le projet des Jeunesses Identitaires (JI) confiées à Philippe Vardon et officiellement lancée le 19 septembre 2002 ainsi qu’une association n’ayant pas vocation organisationnelle, les Identitaires. L’accent est alors mis sur l’absence de participation de Robert et Luyt aux JI pour éviter une procédure pour reconstitution de ligue dissoute, menace latente suite à la dissolution d’Unité Radicale. La nécessité d’intégrer des « adultes »se traduit ensuite par la création du Bloc Identitaire (BI) lancé les 05 et 06 avril 2003 et dont le bureau national est alors le suivant : Fabrice Robert (président), Guillaume Luyt (vice-président), Philippe Vardon (vice-président), Jean-Baptiste Santamaria (secrétaire national), Arnaud Menu (secrétaire administratif), Marie-Céline Bruneaut alias Marie Bérénice (déléguée à l’action sociale), Christophe Praturlon (délégué à l’action rurale), Yvan Lajeanne, alias Yvan Walgenwitz (délégué à l’action culturelle), soit un panel de militants venant d’UR, du MNR et du FN. L’ensemble se veut à la fois hiérarchie et réseau. À savoir : chaque groupe local jouit d’une très grande autonomie dans la gestion de ses adhérents, de ses réunions et activités. Il doit cependant relayer les campagnes nationales et diffuser le matériel lui aussi national. Chapeautant ce fédéralisme, on trouve les trois dirigeants historiques qui s’appuient éventuellement sur des structures collégiales comme le bureau national des JI mais qui en fait décident pour l’essentiel tous seuls des orientations stratégiques des Identitaires. S’il semble avoir permis un relatif développement des Identitaires, ce fonctionnement a tout de même montré des limites comme on a pu le voir avec l’affaire du 09 mai 2004 à Paris. La contre-manifestation Scalp-CNT a en effet poussé les dirigeants du Bloc et des JI à faire pression sur les militants parisiens pour qu’ils n’organisent pas la manifestation traditionnelle du 09 alors que l’édition 2003 avait vu Philippe Vardon et Guillaume Luyt mener les troupes. Une majeure partie des militants ayant refusé le diktat niçois a donc quitté les JI et menacé d’entraîner le Bloc parisien avec elle. Voyant que le Bloc risquait de perdre un groupe majeur sur le plan national, Fabrice Robert a alors décidé d’autoriser la constitution d’un BI d’Ile-de-France regroupant tout le monde, jeunes comme vieux, autour d’Odile Bonnivard et en autonomie avec le Bloc national. Les JI Paris se sont alors reconstituées avec d’autres militants autour de Gaëtan Bertrand.

Au niveau structuration, le Bloc Identitaire était censé être dirigé par un bureau national élargi intégrant des cadres de toute la France. La lourdeur du dispositif et son caractère virtuel amenèrent Fabrice Robert et Guillaume Luyt à décider lors des journées de l’Esprit Public à Orange en septembre 2004 une concentration des organes dirigeants dans un comité directeur qui réunissait, outre les deux pré-cités, Philippe Vardon et Jean-Baptiste Santamaria. Les tâches d’administration devaient être réparties entre plusieurs chargés de mission nationaux ce qui ne semble pas être le cas et la direction est largement opaque. D’une façon générale, le Bloc se résume essentiellement à ses groupes de Nice et Paris. Il semble évidemment avoir des contacts ailleurs : Savoie, Dauphiné, région lyonnaise, Languedoc… Mais cela ne se concrétise pas par un militantisme de terrain et les mêmes réunions de « prise de contact » sont annoncées régulièrement. Il en va de même des JI, dont la carte militante est en mutation constante, avec un turn-over très important. Les premiers cadres issus du MNR ont largement laissé leur place à de nouveaux militants comme à Lyon où Vivien Gitton, ancien cadre FNJ puis MNJ et premier dirigeant des JI lyonnaises, a été remplacé par Gérald Pichon, alias Franck Lancier, en 2005. Actuellement, la multiplication des blogs JI donne l’impression que l’organisation est présente partout. En fait, on peut limiter la présence réelle des JI à Nice, la région parisienne, la Lorraine, la région lyonnaise, le Dauphiné, la Franche-Comté, le Nord et le Languedoc, même si des contacts existent dans le grand Ouest par exemple. Le Nord est symptomatique de ce développement en accordéon. L’accumulation d’ennuis judiciaires y a brisé la dynamique qui existait dans cette région et qui avait vu les JI animer l’actualité nationaliste locale avec l’association Flandre Identité. En Alsace, l’accord local avec Alsace d’Abord a poussé les JI et le Bloc à ne pas tenter de lancer de structure locale, même s’il a existé un groupe local en 2002 dirigé par Pierre Muller et Clément Lebrun et que Jeune Alsace semble une émanation des JI. Mais Lebrun a rejoint le Renouveau Français et le premier semble avoir pris du recul avec l’activisme. Le changement récent de direction qui voit Philippe Vardon céder sa place à une direction collégiale pour mieux se consacrer à son destin niçois (sa boutique de fringues en clair) ne devrait pas fondamentalement modifier la situation dès lors que cette équipe est composée de militants déjà anciens de l’organisation.

L’organisation de l’ensemble demeure donc celle d’un tout petit groupe politique, voire par certains aspects d’un groupuscule : pas de direction collégiale élue en congrès ou convention, pas de permanent, des locaux limités à Nice, dont la « Maioun », un local de 50 m2 de surface, inauguré le 30 avril 2004 avec une soixantaine de personnes et qui est en fait l’ancien local des BSN, un club de supporters niçois. Il est situé derrière la librairie du Paillon gérée par Benoît Loeuillet, ce qui fait de ce quartier une petite base arrière des Identitaires puisqu’on y trouve également entre autres la boutique de Vardon.

 

Orientation idéologique

Les Identitaires comme leur nom l’indique s’inscrivent dans une perspective de défense de l’identité, en l’occurrence européenne. Cela donne-t-il une doctrine cohérente et facilement définissable ? La réponse est sans ambiguité négative. Le seul point qu’on peut affirmer est que le BI a rompu avec le nationalisme-révolutionnaire historique pour n’en garder que l’attachement à cette fameuse dimension européenne. Pour le reste, le phénomène identitaire s’alimente à une conception raciale de l’identité européenne entendue comme identité blanche, dans la vieille lignée völkisch de la révolution conservatrice allemande, la dimension religieuse en moins puisque les différentes structures se déclarent aconfessionnelles, ce en quoi les Identitaires diffèrent de Terre & Peuple. Cela n’empêche pas une partie des dirigeants (Vardon, Robert, les Roudier pour ne citer qu’eux) d’affirmer leur préférence païenne en participant ou même organisant des solstices d’été ou d’hiver. Mais les JI ou le Bloc comptent ou ont compté également des responsables chrétiens comme Nicolas Demade dans le Nord ou Gaëtan Bertrand à Paris. Cette orientation générale se trouve mélangée à une valorisation des racines régionales et d’un certain solidarisme social. Mais la doctrine n’est absolument pas unifiée et elle varie beaucoup selon le passé des militants. Il en va ainsi de l’anti-américanisme, certaines voix s’étant élevées par le passé pour soutenir la position de Guillaume Faye qui définit les USA comme un adversaire mais l’Islam comme un ennemi. La lecture schmittienne de la politique voulant que l’on définisse son ennemi pour le combattre, cela signifie que le combat anti-musulman est donc prioritaire. À l’inverse, certains militants comme Guillaume Luyt continuent de considérer que les USA demeurent l’anti-modèle absolu et qu’ils doivent être dénoncés comme tels.

Dès leur création, les Identitaires sont néanmoins parvenus à se mettre d’accord sur une ligne internationale résumée par le slogan « Ni keffieh, ni kippa », c’est-à-dire une position de neutralité affichée à l’égard du conflit proche-oriental et donc de ses répercutions en Europe et en France. Ce choix a sans doute été plus tactique que véritablement politique tant certains dirigeants avaient derrière eux des années de soutien verbal à la cause palestinienne. Mais il est évident que cela a éliminé un motif de discorde interne et a permis aux Identitaires de desserrer une source de pression politique et d’ennuis judiciaires. Étant donné l’évolution générale d’une partie de la communauté juive, en particulier dans sa composante jeune, on peut même se demander si cela n’aboutirait pas à terme à des rapprochements inimaginables il y a encore quelques années[1] .

Ceci étant, les thématiques développées par les Identitaires demeurent très pauvres. Certes Novopress, ID magazine et quelques militants brouillent les pistes en s’intéressant à des thématiques réservées jusqu’à présent aux milieux anticapitalistes de gauche et à quelques individus issus de la Nouvelle Droite (Alain de Benoist en particulier) comme la décroissance par exemple. Mais cela se limite à quelques individus et une analyse un peu poussée de leurs textes montre une focalisation quasi-monomaniaque sur l’immigration extra-européenne et l’islam. C’est particulièrement vrai pour les JI qui ne produisent quasiment rien qui ne soit pas dans la thématique de la « lutte anti-racailles ».

Finalement l’incantation identitaire permet de masquer l’absence de propositions dans le domaine poilitque, économique ou social, tout étant résumé dans le slogan «les Nôtres avant les autres». Restent les tirades d’autosatisfaction de Fabrice Robert croyant avoir imposé le terme identitaire dans le débat public alors que l’inflation récente d’un mot déjà utilisé il y a une quinzaine d’années témoigne simplement d’un contexte de crispation des identités face à la mondialisation économique et culturelle en cours.

 

Positionnement

De 2002 à 2006, les Identitaires se plaçaient officiellement en complémentarité du FN. Les dirigeants avaient tiré au moins un enseignement de leur expérience malheureuse du MNR : rien ne servait d’attaquer le FN frontalement. Cela s’est particulièrement vu dans un numéro de Jeune Résistance consacré aux 30 ans du FN. Il valaitt mieux pour les Identitaires tenir un discours d’apaisement et d’unité en se renforçant pour être prêt lorsque s’ouvrirait la succession de Jean-Marie Le Pen au sein du FN. Il est évident que les Identitaires pariaient alors sur un éclatement du FN et donc sur la récupération d’une partie de l’appareil FN pour peu que le BI ne soit plus une organisation folklorique. Le temps leur était compté dans cette stratégie et les Identitaires ont tout fait pour se respectabiliser. À partir de 2003, le BI a donc multiplié les prises de contact avec les «conservateurs» du FN par le biais d’André-Yves Beck qui avait suivi le Bloc plutôt que Christian Bouchet. Cela s’était de prime abord avéré payant : simples invités des premières journées de l’Esprit Public à Orange en 2003, les dirigeants du Bloc étaient officiellement invités les 21 et 22 mai 2004 puis fin août de la même année. Guillaume Luyt était ainsi intervenu à ce titre et avait d’ailleurs fait une piètre prestation. Les Identitaires semblaient alors appliquer la stratégie des fourmis face à un insecte prédateur plus gros : plutôt que de l’affronter directement, elles entraient dedans et elles le vidaient de sa substance… Cette stratégie semblait même payante dans certains départements. Ainsi dans les Alpes de Haute-Provence, tout le bureau de la fédération FN ayant démissionné en février 2004 avait pris contact avec le Bloc, entraînant sans doute avec lui quelques adhérents FN du département. Mais depuis 2005 la situation a évolué et pas forcément dans le sens voulu par les Identitaires. Jacques Bompard a rejoint Philippe de Villiers et le MPF, mettant un terme aux espoirs niçois d’alliance régionale avec les milieux frontistes dissidents. Le Bloc a bien donné l’impression d’être intéressé par cette évolution mais il semble que cela n’ait été qu’une initiative mal contrôlée de Guillaume Luyt. Par ailleurs l’évolution du Front et la prise de contrôle progressive de l’appareil par le clan de Marine Le Pen a brouillé singulièrement les perspectives puisque ce n’est un secret pour personne que la fille Le Pen ne porte pas les radicaux dans son cœur. Les Identitaires ont donc affiché de plus en plus ouvertement une position concurrente du FN, concurrence manifestée par leur participation aux élections cantonales puis législatives en 2006-2007 sur Nice.

Le Bloc ou les JI ont donc été obligés de se débrouiller tout seuls, en partenariat avec des mouvements partageant certains points de doctrine ou de tactique avec eux. C’est le cas en Bretagne avec Adsav ou en Alsace avec Alsace d’Abord. Dans les deux cas, les Identitaires ont renoncé à créer des sections locales susceptibles de nuire à ces mouvements très proches idéologiquement et qui lui renvoie « l’ascenseur » par le biais de Novopress par exemple ou de la soupe identitaire à Strasbourg. Par ailleurs certains militants jouent le rôle de « passerelle » comme Fabrice Lauffenburger en Alsace ou Dominique Lambert en Bretagne. Ailleurs les Identitaires sont globalement en bons termes avec Terre & Peuple (certains cadres ont la double casquette comme Yvan Lajeanne en Franche-Comté) ou la revue Réfléchir & Agir (on y retrouve Yvan Lajeanne ou Alexandre Faria à Toulouse), ainsi qu’Europae Gentes de Frédéric Pichon et l’Action Française Étudiante à Paris ou encore le Club de la Cité de Patrice Zehr et Alain-Christian Fragny à Nice. Ayant affirmé leur vocation européenne, les Identitaires se devaient également d’essayer de développer des relations internationales, essentiellement à destination des pays francophones : Belgique, Suisse, Québec. C’est évidemment en Belgique avec Nation que le travail a été le plus fructueux. Des militants belges sont fréquemment présents en France et Fabrice Robert est déjà plusieurs fois monté à Bruxelles pour des conférences. Nation a d’ailleurs relayé certaines campagnes, en particulier celle anti-Sniper en essayant de faire interdire le concert de Tournai début avril 2004 et en faisant annuler ceux de Bruxelles (25 avril) et Liège (30 avril). Fabrice Robert ou Philippe Vardon ont également fait plusieurs fois le déplacement en Suisse pour y travailler avec feu l’Avant-Garde ou constituer les JI Romandies, structure identitaire romande.

Mais hors de l’espace francophone, ils ont également établi des liens avec la Serbie par le biais de Tomislav Sunic, vieux contact du GRECE en Croatie. Par ailleurs, les Identitaires de Flandre – Hainaut ont de nombreux contacts avec les Flamands belges, en particulier le NSV de Gand. Des JI ont ainsi participé par le passé à la Zongfeest d’Anvers. Enfin le tableau ne serait pas complet si nous n’évoquions pas des rapports cordiaux avec le BNP britannique ou le NPD allemand même si cette dernière structure demeure très marquée par le passé allemand… C’est cependant avec les milieux néo-fascistes romains que ces contacts sont les plus poussés et réguliers, le camp d’été des JI ayant d’ailleurs eu lieu cette anée dans la capitale italienne..

De l’associatif

De la même façon, les Identitaires essaient depuis leur création d’occuper le terrain extra-politique par la création ou le maintien d’associations satellites intervenant sur des créneaux très précis :

• la solidarité avec les « prisonniers européens » (comprenons : les militants blancs emprisonnés pour faits de violence) avec le Comité d’Entraide des Prisonniers Européens (CEPE) animé par Richard Roudier ; cette structure a fait parler d’elle depuis l’année dernière en reprenant la campagne pour la libération de Michel Lajoye qui avait été soutenu par Unité Radicale. C’est en particulier le CEPE qui a géré les conditions de sortie de M. Lajoye (logement, travail).

• l’aide juridique aux victimes avec l’Association des Victimes de Violence, de Discrimination et de Spoliation (AVVDS) animée par Philibert Lepy ; un drôle de personnage ce Philibert Lepy, avocat du militant islamiste David Courtailler et qui a également récemment défendu Guillaume Labonne, le jeune homme ayant tiré à la carabine à plomb contre une école maternelle du XXe arrondissement de Paris. On regrettera malgré tout son remplacement de dernière minute par Frédéric Pichon lors du procès de « Vincennes » (voir sur le site du SRA), en effet ses attendus où il reclamait un complément d’enquête sur l’existence d’un groupe de combat formé de miliciens armés en ayant fait rire plus d’un.

• la solidarité avec les sans-abris avec l’association Solidarité Des Français (SDF) qui n’est plus à présenter. Lancée le 5 janvier 2004 à côté de la gare de l’Est, cette soupe est portée par la volonté d’ un couple de militants ex-FN et ex-MNR, les Bonnivard et nous avons déjà eu l’occasion d’en parler. SDF a été rejoint à Nice par Soulidarieta, dirigée par Dominique Lescure, et en Alsace par la soupe identitaire de Chantal Spieler. Une soupe est également annoncée par les JI Marseille.

• le soutien scolaire avec le projet Scholanet.

• le combat régionaliste avec l’Union des Pays Normands (UPN) de Virginie Binet et David Fulara, l’association Parcours d’Europe de Bruno Favrit, Richard Roudier ou Damien Tignard qui édite Montségur, l’association Lo Gripet de Olivier Roudier, Flandre Identité de Nicolas Demade et Xavier Fruleux dans le Nord ou encore Culture, Identités et Traditions d’Europe (CITE) à Nice, dont le but était de monter un festival occitan à Villefranche-sur-Mer ainsi que Nissa Rebela, en campagne pour les législatives de juin 2007. Sur ce créneau, le dernier né est le «collectif» Peuples-Identités-Cultures Occitanie, emmené par les inévitables Roudier et qui a fait une apparition frappante en 2006 lors d’une manifestation pour la défense de la langue d’Oc.

• l’ouverture d’un « local de quartier » avec la Maioun à Nice et l’association Union Familles Solidarité (UFS) présidée par l’avocat José-Marie Bertozzi, défenseur de militants d’Unité Radicale en 2002, figure locale du Club de l’Horloge et du MNR. Un autre local du même type était envisagé dans le Doubs sous le nom de la Cabiotte mais le projet ne semble pas encore avoir abouti.

• la solidarité avec la Serbie avec Solidarité Kosovo dans laquelle on retrouve Philippe Vardon mais également Arnaud Gouillon (alias Arnaud Borella), Gaëtan Bertrand ou encore Nicolas Mirkovic, ancien militant du MNJ et surtout membre du groupe de RIF Elendil au début des années 2000.

• la musique avec le label et distributeur Alternative-s, basé à Nice et qui a pris la suite de Bleu Blanc Rock, trop éclaboussé par la mise en cause dans l’affaire Brunerie puis l’affaire de Châteauroux.
Il faudrait ajouter à cette liste des associations locales comme l’association de paintball franc-comtoise Vobera de Yvan Lajeanne ou l’association « culturelle » Paris Fierté.

Cette toile associative peut sembler tout à fait cohérente et a de quoi impressionner mais il faut lui apporter deux bémols. Tout d’abord certaines associations semblent en coma prolongé (Flandre Identité, Scholanet, AVVDS) ou détachées du Bloc Identitaire (UPN). Par ailleurs cela ne semble pas directement profiter au BI ou aux JI. En effet certaines de ces associations ont un impact certain et jouent un rôle polarisateur. C’est le cas bien évidemment des soupes identitaires à Paris ou Strasbourg dans lesquelles s’investissent des militants issus des différentes familles nationalistes, y compris du FN. Ces soupes reçoivent d’ailleurs un écho favorable chez les partisans de Bruno Gollnisch qui était lui-même physiquement présent à la « soupe européenne » de février 2006 à Paris. C’est également le cas de Solidarité Kosovo qui a un certain écho dans la communauté serbe de Paris ou de la campagne du CEPE en faveur de Michel Lajoye qui a permis de toucher certaines figures d’extrême droite, jusqu’au mic-mac de la signature d’Alexandre Del Valle. Cependant, paradoxalement, les Identitaires font tout pour faire apparaître ces associations comme indépendantes. Ainsi Solidarité Kosovo est présentée comme une «association d’étudiants grenoblois qui n’auraient pas supporté de voir la situation réservée à la communauté serbe du Kosovo après la mise sous tutelle de cette province serbe par l’ONU». Or l’association a directement été créée de façon informelle en 2004 par des militants des JI, Arnaud Gouillon dirigeant effectivement cette structure depuis Grenoble et ayant par exemple été impliqué dans les violences commises par des militants JI à Nice le 3 avril 2005. Il est par ailleurs le gestionnaire de la BP de l’association située à Jarrie (38). Il en va de même avec Alternative-s, présentée comme un label indépendant et est en fait gérée par l’un des musicien du groupe Fraction qui là aussi n’est plus à présenter. Cette stratégie de dissimulation trouve sans doute son origine dans deux motivations n’ayant qu’un rapport indirect : d’une part la crainte d’une nouvelle dissolution, toujours latente et qui a été redynamisée par les menace de Dominique de Villepin au printemps 2005 ; d’autre part la volonté de draguer large, au delà de l’habituel cercle d’influence des Identitaires, en gommant le côté partisan de ces structures.

Cette stratégie a évidemment un coût politique : le Bloc ne bénéficie que fort peu d’éventuelles retombées positives de ces actions dans le champ associatif. Les réactions publiques du FN en sont un bon exemple, passant d’une attitude conciliante à une hostilité affichée. Il a par exemple soutenu le Bloc dans l’affaire de la soupe populaire parisienne lorsque celle-ci a connu ses premiers ennuis avec la Préfecture de Police de Paris. Mais Le Pen a également dénoncé le Bloc comme un mouvement d’extrême droite fin août 2004 lors de la polémique sur l’Université d’été d’Orange et on sait que Marine Le Pen ne rate pas une occasion d’exprimer son hostilité au mouvement. Localement, le passé mégrétiste des Identitaires continue d’ailleurs de faire grincer des dents, d’où certaines prises de position très hostiles de responsables du FN. Il va dans cette perspective être particulièrement intéressant de suivre l’évolution électorale des Identitaires sur Nice et sa région, en particulier pour les prochaines municipales de mars 2008, et de voir l’attitude du FN localement.

 

Un activisme débridé ?

L’activisme identitaire a pris plusieurs formes. La plus évidente est celle de n’importe quel groupe politique (manifestations, collages, etc) et se trouve être plutôt le fait des JI. Les JI et le Bloc ont par ailleurs développé des activités internes de cohésion comme les camps d’été JI. A la suite du premier qui avait eu lieu à Lodève en août 2003 dans la propriété d’Olivier Roudier, chaque été a vu la tenue d’un camp, dans des zones géographiques diverses (Dauphiné, arrière-pays niçois ou Luxembourg cette année), réunissant d’une petite trentaine à une petite soixantaine de participants selon les années. Le camp 2005 a fait l’objet d’un petit film transformé en DVD dont le seul intérêt est de nous montrer Guillaume Luyt dans une (ré)interprétation brillante du rôle de Jean-Claude Dusse. Les meetings publics (Lille, Lyon) ont globalement la même vocation que les camps même s’il n’y en a pas eu depuis celui de 2004 à Lyon (si on excepte un petit meeting à Orléans en octobre 2006), sans doute suite aux affrontements qu’il avait entraîné avec des opposants antifas. On peut ajouter à ces activités internes l’organisation régulière de raids de pleine nature, en Lorraine et Franche-Comté essentiellement.

Mais les Identitaires se sont surtout fait connaître par un activisme virtuel débridé, avec une multiplication les deux ou trois premières années de campagnes Internet et un « harcèlement démocratique » sur le modèle de ce qui a pu être fait par le passé par les organisations «démocratiques» du type Ras L’Front ou LDH :

- campagne Sniper : elle n’est plus à présenter puisqu’elle a fait l’objet d’articles de presse et d’une brève sur le site de REFLEXes. Rappelons simplement qu’elle a démarré en mars 2003, permettant au BI de ridiculiser le FNJ qui était à l’origine de cette campagne sans avoir rien obtenu, et qu’elle a abouti à l’annulation des 20 dates de la tournée 2004 du groupe. Elle a surtout permis au BI de se rapprocher de structures amies (Alsace d’Abord, Mouvement Régionaliste de Bretagne) mais également hostiles (AGRIF).

- campagne Battisti : lancée sur le Net, cette campagne a rapidement été relayée sur le terrain et en particulier à Paris, avec diffusion de tracts dans le quartier de Battisti, harcèlement d’une librairie soutenant l’écrivain, perturbation du conseil municipal du IXe arrdt le soir de la délibération sur le soutien à Battisti. Le BI a également pris contact avec des responsables politiques italiens d’Alliance Nationale et a sans doute obtenu des moyens financiers dans ce cadre.

- campagne Binazon : campagne menée contre ce militant immigrant sans-papiers particulièrement actif en 2003-2004 et qui s’est tué accidentellement dans son pays d’origine.

Depuis deux ans, le Bloc a largement diminué l’importance de ce lobbying virtuel. Cela ne signifie pas que les Identitaires ont disparu de la Toile, au contraire. Internet est constitutif de l’existence des Identitaires puisque les sites ont constitué la base de repli des futurs Identitaires après la dissolution d’UR et il est évident qu’ils se sont montré particulièrement inventifs dans ce domaine en comprenant qu’il fallait copier la démarche de contre-information de l’extrême-gauche. Outre les sites des Identitaires et du Bloc Identitaire (celui des JI sur le plan national est en déshérence depuis trois ans), les « zids » ont surtout développé une multitude de blogs et une pseudo-agence de presse indépendante. Fondée en collaboration avec des militants belges, elle s’est d’abord appelée altermedia, ce qui était particulièrement bien trouvé pour intoxiquer certains internautes non avertis. À l’automne 2004, les divergences politiques et techniques sur la gestion d’altermedia ont poussé les Identitaires à rompre les relations avec le militant belge qui gérait le serveur informatique et les ont amené à lancer novopress. Un temps hébergés par le BNP, les Identitaires ont ensuite acquis leur propre serveur Internet. Novopress se veut fondamentalement différent d’altermedia. L’interface graphique a été largement élaborée par Gaëtan Bertrand et se veut « moderne ». Le contenu est quant à lui « neutre », appliquant sur Internet la ligne générale du « Pas d’ennemis à droite ! ». On retrouve donc des communiqués de toutes les organisations de la droite nationaliste (FN, MPF, AF, Europae Gentes, Chrétienté-Solidarité, Esprit Public) si on excepte celles directement concurrentes des Identitaires comme le Renouveau Français. Celle ligne a pu prêter à confusion sur les intentions du Bloc Identitaire, contribuant encore plus à troubler une orientation politique déjà fort opaque. À cela vient s’ajouter l’intérêt marqué de certains animateurs de novopress, dont Thibaud Baladier alias Pierre Chatov, pour des théories estampillées de gauche comme la décroissance, ou pour des personnalités polémiques (Alain Soral, Kemi Seba), ce qui finit de brouiller les pistes. Cette polyphonie politique permet évidemment aux Identitaires de ratisser large et d’occuper une place bien supérieure à leur poids réel, tout en multipliant les contacts. À de multiples égards, novopress concrétise en France des orientations largement à l’œuvre en Italie avec les « milieux non-conformes », c’est-à-dire la mouvance militante héritière du néo-fascisme des années 1970. La même remarque pourrait s’appliquer à un blog comme Zentropa qui assure la liaison virtuelle de cet axe Rome-Paris-Quebec, étant alimenté en textes et photos par des militants identitaires de ces trois espaces, dont l’inévitable Thibaud B. La participation des uns et des autres à la radio Internet Radio Bandiera Nera depuis septembre s’inscritdans le même processus.

C’est sans doute cette frénésie virtuelle qui a contribué à donner l’impression fallacieuse que les Identitaires se développaient. La fable du bœuf et de la grenouille revisitée en quelque sorte…

Le support papier n’est pas oublié puisque les Identitaires ont maintenu une revue papier avec ID. Ce magazine a pris la suite de Jeune Résistance, au titre trop marqué et trop associé à Unité Radicale, en fusionnant au printemps 2005 avec Quartier Libre (France), Devenir (Belgique) et Franc-Parler (Quebec) permettant théoriquement à la revue d’acquérir une dimension francophone identitaire et d’économiser des frais inutiles. En fait, ID s’avère en fait assez pauvre sur le plan du contenu, surtout lorsque l’on songe qu’elle est censée réaliser la synthèse des quatre revues qui la précédaient…

Enfin, dernière opération de communication en date, les JI Paris ont monté un groupe de rock qui aurait été qualifié « groupe de RIF » il y a encore deux ou trois ans, à savoir Hôtel Stella. Emmenée par Gaëtan Bertrand au chant et bénéficiant de l’expérience de Richard Paretti de feu In Memoriam, la petite troupe ne devrait sans doute pas tarder à tomber dans les mêmes travers que leurs prédécesseurs et que nous analysions dans Rock Haine Roll.

Si les Identitaires se sont révélés de bons communicants à défaut d’être de bons organisateurs, il faut malgré tout souligner qu’ils ont été largement servis par les media grand public, qu’ils prennent la forme de la presse écrite ou de la télévision. Ils ont en effet accordé une couverture inespérée au BI en relayant ses coups médiatiques ou ses activités et en particulier la soupe populaire au cochon. Cela a commencé dès 2003 avec l’affaire Dantec, c’est-à-dire le soutien accordé par l’écrivain au Bloc Identitaire par rapport à une dénonciation de l’islamisation de la France et s’est poursuivi avec la soupe au cochon ou l’affaire Battisti. De son côté, le BI a développé une politique systématique de droit de réponse qui s’est avérée payante puisqu’il en a obtenu un certain nombre.

 

Une révolution culturelle ?

Les Identitaires ont construit tout leur discours sur la thématique de la rupture militante : rupture avec les « vieilles lunes » de l’extrême droite, avec le « folklore »… Il faut entendre par là que les Identitaires voulaient purger leurs rangs des militants néo-nazis ou provocateurs qui composaient l’essentiel des troupes d’Unité Radicale avant la dissolution de l’été 2002. Ils y sont globalement parvenus grâce à l’intégration à leurs débuts de nombreux militants du MNR ou du MNJ moins marqués que ceux militant auparavant à UR et par la mise au second plan d’activités annexes assez révélatrices comme le groupe Fraction. Cela ne signifie pas pour autant que les Identitaires, et en particulier la branche jeune, ait cessé d’être une structure d’extrême droite radicale. Cela se traduit par la proximité maintenue avec certains milieux a priori peu fréquentables, en particulier skinheads. Certains militants ont derrière eux un solide passé dans cette mouvance comme Mickael Perry, animateur du fanzine Militant Blanc devenu Le Glaive alors qu’il habitait Salon de Provence en 1995-1996, proche du PNFE à cette époque et poursuivi en tant que militant JI pour incitation à la haine raciale et condamné par le TC d’Épinal le 04 janvier 2005 à 1 mois de prison avec sursis et à des amendes et dommages et intérêts au profit de la LICRA. Mais d’autres plus jeunes ont rejoint les JI comme Mickaël Moustier, un temps responsable JI sur Aix, animateur du fanzine skinhead No one like us, membre du groupe RAC Frontline puis Hais et fiers depuis deux ans. Par ailleurs des militants JI ont déjà été largement impliqués dans des violences multiples contre des étudiants de gauche (Grenoble, Toulouse, Lyon, Paris), des personnes d’origine immigrée ou même d’autres militants nationalistes, à Nice en particulier. L’évolution du FN et le positionnement racial des Identitaires ne peut d’ailleurs que leur attirer des militants lassés d’une certaine modération. L’attaque violente à laquelle se sont livrés des militants identitaires des JI et proches de la revue Montségur lors d’une manifestation occitane le 18 mars 2006 à Béziers montre en tout cas que la violence demeure une des armes politiques envisagées par cette mouvance.

Pour conclure très provisoirement, on peut considérer que les Identitaires sont parvenus à ce qu’on pourrait appeler un moment clé de leur évolution. Fondés en 2002, le mouvement n’a pas réussi à devenir plus qu’un gros groupuscule dont l’activité forcenée de quelques uns masquent l’inaction de beaucoup d’autres. L’évolution récente montre que le BI ou les JI comptent à présent sur une récupération des déçus du Front pour se relancer, en coopération avec un milieu hétéroclite dont la journée de Synthèse Nationale a montré un aperçu. Il n’est pas dit que le pari aboutisse tant la mouvance identitaire est très loin de pouvoir leur offrir une structure d’accueil. Les Identitaires ou l’histoire de la grenouille raciste qui se rêvait plus grosse que le bœuf national-populiste…

Publié le 09 novembre 2007

  1. L’association SDF a ainsi utilisé les services d’un avocat connu pour sa proximité avec la LDJ, lors de ses démêlés avec le Préfet de Paris en 2006, David Dassa-Le Deist[]
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