REFLEXes

Philippe Vardon au Rassemblement Bleu Marine, retour sur un naufrage annoncé

26 novembre 2013 Les institutionnels, Les radicaux

Le Rassemblement Bleu Marine (RBM), nous avait promis Marine Le Pen, devait attirer des personnalités de tout bord, et donner un nouvel élan dans la dédiabolisation de l’image du Front National. Résultat, après plusieurs mois d’existence, on se retrouve avec le chansonnier Jean Roucas, Philippe Vardon qui a adhéré en douce, ainsi que quelques passagers clandestins comme on le verra plus tard. Autant dire que le butin est maigre.

On ne saura sans doute jamais ce qui est passé par la tête de Philippe Vardon dans cette histoire. Coup de bluff ou coup de folie, toujours est-il que le responsable des Identitaires n’aura pas profité longtemps de son coup médiatique. Et ce n’est pas son tweets du 5 novembre concernant la réception du chèque de remboursement de sa vraie-fausse adhésion au RBM qui va changer la donne.

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Cette histoire nous donne néanmoins quelques informations intéressantes sur la santé des Identitaires et de leurs chefs. Vardon semble avoir tiré un trait concernant le potentiel des Identitaires. Après plus de 10 ans passés à la tête de la formation, il en a fait le bilan, comme il l’avait annoncé au début de l’histoire des Identitaires. Si le mouvement ne réussissait pas à dépasser sa condition groupusculaire, il en tirerait toutes les conséquences et il irait voir ailleurs. Ce qu’il a tenté de faire bien maladroitement. Depuis la tentative ratée de présenter un candidat aux présidentielles de 2012, plus rien ne marche chez les zids. Ils se font piquer leurs idées et leur rhétorique sur la laïcité par Marine Le Pen. Leurs groupes locaux se cassent la gueule (on pense en particulier à Paris avec la perte de leur local) et les derniers coups d’éclat médiatiques (Poitiers et l’occupation du siège du PS) leur rapportent surtout des emmerdes. Si on rajoute à ça la campagne Génération Identitaire qui ne parvient pas à décoller, surtout si on la compare à la précédente « Une Autre Jeunesse« , et que d’autre part des cadres soient partis avec le clan Roudier pour fonder le Réseau-Identité, il ne reste plus grand chose.

 

Vardon à l'université d'été du Front National à Marseille en 2013

Vardon à l’université d’été du Front National à Marseille en 2013

Il est quand même naïf de la part de Vardon de penser que les cadres frontistes le laisseraient adhérer à l’une de leur structure, surtout si il n’avait négocié aucun contact avec les dirigeants du FN (au contraire de ce qu’avait fait Unité Radicale avec le MNR de Mégret en multipliant au moins par 10 ses effectifs d’après Eddy Marsan[1]. Il est beaucoup trop marqué pour le FN version Marine, et bien plus utile à l’extérieur du FN, en incarnant une extrême droite en apparence plus radicale que le Front National pour les médias.

La carrière de Philipe Vardon, dans les rangs de la mouvance nationaliste-révolutionnaire, commence dans la seconde partie des années 90. Membre un temps du FNJ, il rejoint le GUD et UR. Il devient le chanteur de Fraction (anciennement Fraction Hexagone) en 1999 sur l’album « Le son d’histoire ». Fraction, après s’être débarrassé du mot Hexagone, suite à l’affaire « une balle », jouera sous de nombreux noms comme Moloko Velocet, ou bien encore sous le nom Action, pour la compilation hommage à Légion 88, avec le morceau Légion Blanche (mais en version ska !). Il faut dire qu’entre le groupe, les paroles de la chanson, les autres groupes, rendre hommage au groupe phare de la scène RAC françaises des années 80 qui œuvrait alors dans la scène RIF, ça faisait un peu tache.

VARDON ET LA SCENE BLOOD & HONOR

Ce passé, certains dans le milieu nationaliste, ne l’ont pas oublié et se sont fait un plaisir de ressortir de vieux dossiers, qui comme c’est souvent le cas (souvenez-vous de l’affaire Gabriac) se sont retrouvés très rapidement dans les rédactions françaises. On a ainsi vu resurgir une vieille vidéo, tirée d’un documentaire diffusé sur ARTE il y a quelques années où l’on peut voir et entendre le jeune Vardon reprendre en chœur une chanson du groupe Evil Skin, la Zyklon Army, devant une forêt de bras tendus.Une vidéo qui avait déjà été postée par l’ Œuvre Française, l’ennemi juré des identitaires, il y a 2 ans sur un site très proche du mouvement. Vardon s’est bien évidemment empressé de porter plainte contre le journal arguant pour sa défense qu’à l’époque il n’avait que 15 ans.

Si effectivement Vardon a débuté très jeune dans la mouvance skinhead nazie, il l’a fréquentée, comme son camarade Robert, très longtemps et ceci jusqu’à un passé très récent. Les deux hommes avaient alors choisi leur camp, celui de Blood & Honour (dirigé par Greg Reemers), alors ennemis avec les Charlemagne Hammerskins d’Hervé Guttuso, qui n’aimaient pas grand monde il faut bien le dire.[2]

Dans les années 2000, plusieurs groupes vont successivement revendiquer l’étiquette Blood & Honour (que ce soit au niveau national ou régional) sans forcément avoir l’aval des Anglais. L’une de ces sections les plus dynamiques, était la section B&H Midgard, dont les liens avec Vardon et Robert sont très sérieux. Le groupe de Montpellier DSH (Division Skinhead ou Division Sang & Honneur, c’est selon), dont les membres appartiennent à Midgard, ont joué en 2002 ensemble, et le B&H Midgard a participé au SO du concert de Fraction à Nice pour le 1er mai 2004.

Le fanzine de B&H Midgard, Signal 28, de son côté parlait très positivement des Identitaires, comme dans son numéro 1 : « … il faut refaire les liens entre les partis dit nationalistes et nous. Il faut rassembler les gens de mêmes idées et éviter de trop vite juger sur l’apparence … nous devons donc diffuser la propagande des partis officiels comme entre autres le BI et les JI qui sont surement aujourd’hui les plus sérieuses et les plus militantes organisations au niveau national, composées de cadres politiques de valeur ».

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Lors de la date aixoise de la tournée européenne de Fraction en juillet 2007, on retrouve des membres de B&H Midgard dans le SO du concert comme on peut le lire dans le compte rendu de celui-ci dans le numéro 3 de Signal 28.

En octobre 2007, ils organisent leur 2ème festival dans la région de Montpellier après celui de 2005. Dans la salle on peut y croiser des « figures connues de la scène », en l’occurrence Philippe Vardon, qui ce soir là avait fait faux bond à la section des JI de Marseille. Ces derniers avaient décidé d’organiser une distribution de soupe au cochon pour leur première apparition publique. Mais lâché par leur chef, et devant la mobilisation des antifas ce soir là, leur action sera annulée et se terminera pour certains le lendemain à l’hôpital, suite à un tractage avorté.

Les mauvaises langues expliqueront que, au-delà de l’amour de Vardon pour la grande musique du type RAC, sa présence s’expliquait également commercialement. Il venait en effet d’ouvrir sa boutique de fringue à Nice, The Firm « casual shop », spécialisée dans les « marques anglaises ». Autant dire que le public du festival RAC était l’occasion de se faire connaître et de faire marcher les affaires.
Juin 2009 B&H Midgard annonce un nouveau concert dans le sud. Curieusement sur le flyers un petit pictogramme indique qu’il sera interdit de prendre des photos alors que généralement ce n’est pas le cas. A l’affiche : les lyonnais de Frakass, les locaux de Haïs & Fiers (groupe de la région aixoise) et un groupe inconnu, originaire de Nice, répondant au doux nom de NRHC. Dans l’unique interview donnée par ce groupe on apprend que le nom à l’origine « … signifiait Nationaliste Révolutionnaire Hard Core, puis c’est devenu Nice et sa Région Hard Core pour enfin Nissa Rebelle Hard Core ». Derrière ces explications un peu alambiquées, tout le monde aura reconnu Philippe Vardon et le groupe Fraction.

Le concert aura lieu dans un petit village du nom de Peyrolles, tout à côté d’Aix en Provence. Malgré les consignes de sécurité, on pouvait déjà en lire le compte rendu sur un site aujourd’hui disparu « les compagnons du Pain D’épice », animé par 2 figures de la scène skin des années 80, Olivier Moulin, devenu tatoueur à Saint Peray (Tatoo et traditions) et Philoi que l’on peut aussi admirer dans le film produit par Batskin « Sur les pavés ».

Le public à ce concert est un curieux mélange de militants identitaires (principalement d’Aix en Provence et Nice) et de skins fafs. On notera également plusieurs stands dans la salle d’association de la galaxie identitaire comme le CEPE, tenu par Richard Roudier en personne ce jour-là. Le 1er groupe à jouer sera Hais et fiers, suivit de Frakass qui se voit rejoindre sur scène par Pascal, alias « Le Squale » le 1er chanteur de Fraction Hexagone. Il enflammera la sale avec une reprise de Légion 88, qui provoquera une épidémie de crampes du bras droit dans le public.

Entre-temps une voiture de gendarmerie arrive devant la salle, visiblement alertée par les voisins à cause du bruit, provoquant une certaine panique dans les rangs des JI. Certains d’entre eux iront jusqu’à se cacher dans les fourrés environnant jusqu’au départ de la maréchaussée.

Pendant ce temps le père Roudier est monté sur scène et en appellera à la solidarité avec les prisonniers politiques avant que Fraction ne clôt le concert avec une nouvelle apparition du Squale sur scène pour reprendre les « tubes » de la grande époque.Le quotidien La Provence dans un article, publiera alors un très long article sur la mouvance néo-nazie en Provence ainsi qu’à cette mémorable soirée. On y apprendra que la salle était en autre décorée d’un drapeau à croix gammée et que sur les stands on trouvait de nombreuses revues négationnistes et antisémites.

On comprend mieux alors pourquoi les appareils photos étaient bannis car 4 mois plus tard en octobre 2009 Fabrice Robert et Philippe Vardon nous jouaient un air totalement différent. Ils annonçaient la transformation du Bloc Identitaire en parti politique, amorçant là un grand virage idéologique et stratégique en déclarant « Nous ne sommes pas des nationalistes… le nationalisme a été un drame pour l’Europe. Nous, nous sommes populistes. Ce que nous reproche l’extrême-droite c’est d’avoir rompu avec l’antisémitisme et l’antisionisme ».

Richard Roudier de son côté, pourtant lui aussi présent au concert de Peyrolles, affirmait au même meeting que « le FN a déshonoré la notion « d’identité « par les déclarations de JM LE PEN sur les chambres à gaz. Il en profitait pour condamner, au nom du BI, la célèbre phrase du « détail » de Le Pen.

A partir de cette date, Vardon va devenir de plus en plus prudent prenant soin de ne plus trop s’exposer officiellement avec les milieux skins nazis. Pourtant ses liens continuent d’exister, comme avec Alex Garcia, dernier guitariste de Fraction à l’origine de la création des Jeunesses Identitaire dont il était le trésorier. Les JI étant domiciliées à une époque à son adresse perso. Fin octobre 2010, Alex était encore présent sur scène, cette fois avec Frakass pour le concert organisé par B&H Midgard près de Montpellier.

Dans la série bonnes relations entre Vardon, les Identitaires et la scène skin néo-nazie n’oublions pas Mickaël Moustier, un ancien des JI (quelle zone ?), chanteur de Hais et Fiers et et de Time Bomb dont le guitariste n’est autre que …. Alex Garcia. Que le monde est petit !

Pour mémoire, le label Alternative-s, descendant direct du label Bleu Blanc Rock de l’époque d’Unité Radicale, fondé par Fabrice Robert avait produit l’un des albums de Hais et Fiers.

Pierre-Louis Mériguet tape l’incruste au RBM

Dans la famille ancien skin-néonazi tentant de se faire oublier et de la jouer petit notable de province, n’oublions pas Pierre-Louis Mériguet. Profitant de la couverture médiatique concernant la courte adhésion de Vardon au Rassemblement Bleu Marine, Pierre-Louis Mériguet, chef de Vox Populi sur Tours, a officialisé la sienne en toute tranquillité.

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Moins médiatisé que l’ancien chef d’Unité Radicale, ce monsieur gagne à être connu. Chef du groupuscule local d’extrême droite sur Tours, Vox Populi. Pierre-Louis a un sacré pédigrée.

Il commence à militer sur Châteauroux dans la Ligue National-Catholique et les Loups du Berry. Il quitte la ville en 2003 pour des raisons judicaires et s’installe sur Tours. Pour plus de détails sur cette période, nous renvoyons sur le dossier réalisé par des militants antifascistes de Tours.

Ancien de la mouvance skinhead NS (comme Philippe Vardon et Fabrice Robert), il a également été l’un des activistes de la scène RIF (Rock Identitaire Français) avec le groupe Insurrection. Groupe qui il faut le dire faisait un peu tache dans la scène RIF qui voulait se la jouer présentable. Le groupe tient plus du groupe RAC que du groupe pop. Sous le nom de scène de « Lapin » il officie au chant et à la guitare. Insurrection a été fondé en 1998, à Châteauroux, par des membres du FNJ, sous la houlette de Paul Thore (le bûcheron sur les albums d’Insurrection, chargé des paroles et du management).

Malgré le nom du manager, le groupe est sur une ligne national-catholique. La première démo a pour titre Honneur et Fidélité (petite référence à la devise SS), et rend hommage au néo-nazi Michel Layoye et au négationniste Vincent Reynouard. Parmi les titres présents sur cette démo on trouve la reprise de « Maréchal nous voilà » ou un morceau sur le « GUD », puis l’album Honneur et Fidélité, Radicalcore, sorti chez Patriote Production, le label du Renouveau Français et Ne plus subir. Le groupe jouera à de nombreuses reprises avec des groupes RAC (voir lien sur rock haine roll). Insurrection était également présent sur la compilation hommage à Légion 88 (tribute do légion 88, sorti chez streetfighting production, le dernier disque puisqu’il arrêtera avec ce disque. Le nom du label n’apparaît pas, on aperçoit juste le logo). Un disque sorti avec l’autorisation du groupe. Insurrection, sans grande surprise y reprend l’un des tubes de Légion 88 Terroristes (aux paroles explicites Terroristes à mort, Immigrés Dehors) un titre qui n’est pas sans rappeler un morceau du groupe de Pierre-Louis, « Invasion », avec ce refrain « Immigrés dehors ».

Pierre-Louis à la convention identitaire d’Orange en 2011

Pierre-Louis à la convention identitaire d’Orange en 2011

On pourrait parler d’erreur de jeunesse, sauf que Pierre-Louis continue de tourner avec Insurrection. Il a joué en particulier au Local, le bar associatif de Serge Batskin Ayoub, comme on peut le voir sur la photo prise par « un fan », en compagnie de Paul Thor.

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Pierre-Louis "Lapin" à gauche et Paul Thore à droite

Pierre-Louis « Lapin » à gauche et Paul Thore à droite

D’un côté il y a donc le Pierre-Louis de Vox Populi, tentant de nous la jouer cadre identitaire respectable, lorgnant vers un peu plus d’embourgeoisement, en rejoignant le RBM, et de l’autre « Lapin », qui hante les lieux de l’extrême droite radicale avec son groupe de RIC ou de RAC, selon ses préférences. Lapin joue à l’occasion avec Philippe Vardon en concert acoustique ou dans des RAC. Quel dommage que Vardon ait été viré du RBM. Avec Pierre-Louis, ils auraient pu animer les fins de soirées des conventions FN, ça aurait été plus rock ‘n’roll que les Forbans …

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Pierre-Louis et Vardon en concert

Pierre-Louis et Vardon en concert

 

  1. Ancien Secrétaire Départemental du FNJ du Lot et Garonne, puis responsable du FN et tête de liste pour les régionales en 1992. En 1998, il quitte le FN pour le MNR en fondant son mouvement l’Alternative Nationale, dans le but de regrouper militants FN et MNR sur une ligne « identitaire européenne sans ambiguïté » prônant un « discours radical ». Il publie alors son bulletin La Lettre de L’Alternative Nationale. Devant son refus de rentrer dans le rang, il est exclu du MNR et rejoint Unité Radicale. A la dissolution d’UR, il se rapproche de l’équipe de Militant et profite de son bulletin, transformé en Lettre d’Eddy Marsan, diffusé et financé grâce aux crédits qui lui sont alloués en tant que Conseiller Régional, pour régler ses comptes avec les différentes tendances et personnalités de la scène nationaliste. Ce qui lui vaudra quelques « cassages de gueules » lors de réunions unitaires, comme lors de la journée de l’Identité à Paris en 2003 ! Il semble qu’Eddy Marsan ait disparu des rangs nationalistes, certaines mauvaises langues affirmant que son goût immodéré pour la fête et la vie nocturne[]
  2. Pour ceux et celles qui voudraient se rappeler cette folle époque, nous vous invitons à consulter les articles publiés à l’époque dans la version papier de REFLEXes12, 3, 4[]
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