La crémation d’Emmanuel Ratier hier au cimetière du Père Lachaise marque un peu plus, s’il en fallait, la fin d’une époque et l’effacement de l’extrême droite activiste issue des années 1960 et 70. Nous ne reviendrons pas sur son itinéraire politique et professionnel : nous avons eu l’occasion de le faire il y a quelques années dans un pastiche de sa lettre d’information, Méfaits et Documents, qui avait à l’époque suscité son ire. Si notre publication avait pris la forme du pastiche pour éviter des poursuites judiciaires auxquelles E. Ratier pensa un moment, les informations qu’elle contenait étaient justes, à une ou deux approximations près à l’époque.
Tout au plus pouvons nous ajouter que contrairement à d’autres, nous ne considérions pas Emmanuel Ratier comme un adepte de l’explication du complot, ne serait-ce que parce que lui-même l’avait affirmé dans des interviews passées. Par contre sa ténacité contre les réseaux d’influence en place n’avait rien de révolutionnaire : il n’entendait pas lutter contre les réseaux en général mais uniquement contre ceux qui lui semblaient menacer le cœur de son combat : l’identité blanche de la nation française et de l’Europe. Il n’a donc eu de cesse de créer d’autres réseaux, susceptibles de pouvoir contrer, voire remplacer, ceux existant et en présentant les mêmes caractéristiques de secret et de discrétion. Le Cercle du Dernier Lundi fondé il y a une vingtaine d’années en était le meilleur exemple et la disparition de son principal animateur en fragilise bien évidemment l’existence future.
Cette dimension réticulaire de l’action d’Emmanuel Ratier s’est d’ailleurs parfaitement manifestée par l’éclectisme des personnes que l’on pouvait apercevoir hier sur le parvis du funerarium du Père Lachaise : de Jean-Marie Le Pen à Frédéric Chatillon, d’Alain Soral à Aymeric Chauprade, de Pierre Vial à Henri de Lesquen, toutes les chapelles de l’extrême droite étaient représentées par leurs figures dirigeantes, à l’exception des Identitaires et du FN marinisé. Ceci ne porte d’ailleurs pas forcément de signification, les responsables de ces mouvements ayant pu faire parvenir des messages de sympathie à la famille. Les inflexions des Identitaires ces 10 dernières années dans une lutte obsessionnellement anti-musulmane et les accointances passées avec la LDJ ne pouvaient cependant qu’éloigner ce mouvement des centres d’intérêt de Ratier.
Deuxième aspect important du leg d’Emmanuel Ratier : la documentation. Dès la disparition du journaliste, elle a attisé la fièvre des spécialistes de l’extrême droite qui se sont tous demandés ce qu’elle allait devenir. Il se trouve qu’Emmanuel Ratier y avait pensé puisqu’il avait fondé ce printemps avec d’anciens compagnons de route de toujours, y compris de sa dernière expérience politique avec le MNR (Eric Delcroix, Anne Brassié, Francis Bergeron et Philippe Asselin), une association intitulée Archives associatives du Vexin dont la raison sociale est la « sauvegarde de la mémoire française et européenne ». Les archives existantes vont donc être conservées, Francis Bergeron ayant une petite expérience dans ce domaine. Mais notre expérience, après la disparition de notre vieux camarade Maurice il y a de cela quelques années, nous enseigne qu’il est très difficile de remplacer un documentaliste, a fortiori lorsqu’il pouvait avoir la capacité de travail d’Emmanuel Ratier, sans parler des liens individuels tissés par le journaliste. Imagine-t-on par exemple certains franc-maçons qui, pour des motivations variées, distillaient leurs informations à E. Ratier continuer à le faire avec des inconnus ou du moins des militants n’ayant pas la réputation de secret et de fiabilité du journaliste décédé ?
Dernier point : la librairie Facta qui est l’une des dernières existant sur Paris et sur laquelle toutes les conjectures sont possibles.
Au delà de tous ces aspects, le coup est dur pour l’extrême droite radicale qui perd, deux ans après le suicide de Dominique Venner, l’une de ses figures les plus essentielles.
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