REFLEXes

Notes de lecture

5 février 2003 Ouvrages, revues et médias

Auschwitz und die «Auschwitz Lüge» de Michel Taubmann

Extrangeros en el paraiso (collectif)

Le Pen biographie de Gilles Bresson et de Christian Lionet

Les associations familiales de Frédéric Brunnquell

Auschwitz und die «Auschwitz Lüge»
Massenmord und Geschichtsfälschung

de Till Bastian Beck’sche Reihe 1058 Munich, 1994 103 pages 12,80 DM

Till Bastian, un chercheur spécialisé dans l’histoire de l’Holocauste, rassemble dans ce livre un grand nombre d’informations sur le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Comme il le précise avant même le début du livre, en guise d’avertissement en quelque sorte, cet ouvrage veut être un «contrepoison» capable d’agir contre les insinuations des soi-disant «experts» qui voudraient falsifier la réalité des camps de concentration et d’extermination mis en place par le régime nazi — et en particulier celle d’Auschwitz.
La première partie du livre est donc consacrée au camp d’Auschwitz : Till Bastian montre comment Auschwitz était en quelque sorte programmé dans l’esprit des dirigeants nazis depuis le programme du NSDAP en 1926, comment ce camp s’insère dans le système ccncentrationnaire nazi et dans la volonté d’extermination de ce régime, et surtout, il montre (et il anticipe en cela sur la suite) que l’histoire même réfute toute thèse visant à dire que les nazis en sont arrivés «par hasard» à exterminer les Juifs ; Bastian s’attache à montrer l’enchaînement terriblement logique des faits qui ont conduit à Auschwitz, où, en l’espace de 1689 jours, plus de 1 200 000 personnes ont trouvé la mort. Le chapitre consacré exclusivement à Auschwitz livre une somme d’informations considérable, mais il est, du fait même des horreurs qu’il décrit, extrêmement éprouvant.
La deuxième partie du livre est consacrée au révisionnisme1. Bastian s’y emploie à démonter point par point les pseudo-théories des révisionnistes ainsi que leurs «arguments» souvent contradictoires. Le chapitre consacré à la «littérature révisionniste» revient constamment sur les questions suivantes : comment analyser le révisionnisme ? Cela vaut-il la peine de démonter les pseudo «rapports» et autres «mémoires» des révisionnistes comme par exemple le rapport Leuchter2 ? Même si rien ne convaincra jamais les révisionnistes, il faut continuer à parler pour ceux qui peuvent être ébranlés, pour tous ceux qui ne sont pas sûrs, pour tous ceux qui veulent laisser parler les révisionnistes sous prétexte de la liberté d’expression. C’est tout l’intérêt de ce petit livre, dont notre seul regret est qu’il n’est disponible qu’en allemand, et qui dit comme Brecht : Redisons une fois encore ce que nous avons déjà dit mille fois afin de ne pas regretter un seul de nos silences.
1 «Auschwitz-Lüge», d’après le titre de la brochure révisionniste de Thies Christophersen, SS à Auschwitz.
2 Ce rapport prétendument scientifique a été rédigé en 1988 par Fred A. Leuchter, un Américain (qui n’a pas le titre d’ingénieur, soit dit en passant) qui s’occupe de l’installation des chambres à gaz pour l’exécution des condamnés à mort. Son édition anglaise a été préfacée par David Irving.

Extrangeros en el paraiso

ed. Virus Barcelone, 306 pages

Il n’y a plus nulle part où fuir, et pourtant malgré cela, tous les ans des milliers de personnes prennent la route pour chercher un lieu où vivre mieux, ou tout simplement pouvoir survivre. Au Nord riche parviennent seulement quelques-uns, ceux qui peuvent et comme ils le peuvent. À leur arrivée, ils trouvent principalement le rejet, la méfiance et l’incompréhension, et puis bien sûr l’exploitation. Ce sont des étrangers dans un «paradis» qui n’en a jamais été un, et qui chaque jour l’est de moins en moins et pour moins de gens.
Ce livre édité par le collectif Virus de Barcelone réunit quelques vingt-cinq articles autour de l’immigration, du racisme (celui de la rue et celui des institutions). Les nombreuses contributions examinent le sort des étrangers dans les pays industrialisés du Nord.
Une série d’articles examine sous différents éclairages l’état actuel de l’immigration dans le monde mais essentiellement dans l’Europe de l’Union européenne et ses politiques en matière d’accueil des étrangers. Des articles font état de l’immigration en Espagne et montrent comment ce pays d’immigrants est devenu cette dernière décennie une terre d’immigration.
Il y a un article sur les centres de rétention de Barcelone, un autre sur la double peine en Espagne. Il y a un article sur la migration ouvrière dans le Sud-Est asiatique et un sur l’évolution historique du marché mondial. On l’aura compris, ce livre est une mine de contributions, de réflexions et d’expériences, mais ce n’est pas tout : ce livre se termine par cinq articles de réflexion sur la nation, l’identité culturelle, le racisme différentialiste et l’universalisme, inégaux mais passionnants, notamment celui de Verina Stolcke (traduit de l’anglais) qui s’intitule «Europe : nouvelles frontières, nouvelles rhétoriques d’exclusion».
Ce livre ne propose pas un discours didactique mais un débat où des articles se répondent, se complètent et donnent un contrepoint. Par sa diversité, ce recueil parvient à faire entendre des voix de protestations, qui, plurielles, n’en forment pas moins une unité qui a la force polyphonique : celle de la différence.

Les associations familiales, combien de divisions ?

de Frédéric Brunnquell, Éditions Dagorno, 1994, 144 pages, 90 francs

Les éditions Dagorno viennent de publier un véritable guide des associations qui militent pour le retour de l’ordre moral : Les associations familiales. Combien de divisions ?. L’auteur Frédéric Brunnquell examine les différentes associations familiales qui forment un lobby familialiste, réactionnaire, religieux et moraliste dans des domaines comme la politique familiale, l’avortement, la contraception, le Minitel rose… Retraçant le reflux des associations de famille laïques ou proches de la gauche, il démontre que les associations familiales de la droite et de l’extrême droite ont dans les institutions une voix beaucoup plus importante que leur représentativité réelle. L’enquête porte essentiellement sur la Fédération des Familles de France, les Associations familiales catholiques, mais évoque aussi Laissez-les-vivre, la Communauté de l’Emmanuel, Provie, le Cercle de la Cité vivante. On s’aperçoit à la lecture de ce livre que les frontières entre la droite et l’extrême droite sont très poreuses puisqu’on retrouve dans les mêmes associations des personnalités conservatrices comme Christine Boutin ou Philippe de Villiers, des responsables du FN, des représentants de la secte Moon, ou d’Ictus…

Le Pen, biographie

de Gilles Bresson, Christian Lionet, éditions du Seui, 1994l, 480 pages, 140 francs

Cela fait plus de dix ans que nous attendions une biographie de Jean-Marie Le Pen qui ne soit pas une hagiographie. Ce sont deux journalistes du quotidien Libération, Gilles Bresson et Christian Lionet, qui la publient cette année aux éditions du Seuil. Ils retracent la vie du leader du Front national de sa naissance le 28 juin 1928 dans une famille de pêcheurs de La Trinité-sur-Mer aux présidentielles de 1988.
Jean-Marie Le Pen (qui perd son père très jeune) a une scolarité très agitée : il fréquente de nombreuses écoles privées ou publiques avant de rejoindre Paris où il fait les quatre cents coups. C’est à Paris qu’il entre en politique via le syndicalisme étudiant dans la Corpo de Droit. Violent, jouisseur, grande gueule, son passage dans le syndicalisme étudiant est émaillé de nombreux coups d’éclats. À 25 ans, en novembre 1953, il signe avec Jacques Peyrat (ancien leader du FN à Nice et aujourd’hui dissident du Front) un contrat d’engagement pour faire la guerre en Indochine. À son retour d’Indochine en novembre 1955, il participe à l’aventure du poujadisme, devenant rapidement le numéro deux du mouvement de Pierre Poujade (UDCA). Le 2 janvier 1956, Le Pen est élu avec 37 000 voix député de la Seine. Les tensions croissantes entre Le Pen et Poujade, dues à des divergences politiques et à des rivalités de personnes, entraînent l’exclusion de Le Pen de l’UDCA. Le Pen se réengage dans l’armée en octobre 1956, il participe à l’expédition de Suez, puis à la guerre d’Algérie dans la Légion (1er Régiment étranger parachutiste).
Six mois plus tard, il rentre en France et crée le Front national des combattants qui participe à l’agitation politique en faveur de l’Algérie française. Après la défaite des «ultras», Le Pen se lance dans l’édition phonographique en créant la SERP avant de reprendre l’action politique, cette fois-ci derrière l’avocat Tixier-Vignancourt.
Après l’échec de son candidat aux présidentielles de 1965, Le Pen n’a eu de cesse de créer son propre mouvement. Ce sont les dirigeants d’Ordre nouveau, à la recherche d’une figure connue pour leur nouvelle étiquette électorale, qui, en choisissant Le Pen, lui ont fourni une nouvelle chance de faire de la politique. Le Pen s’est ensuite débarrassé de ces possibles rivaux, et après une traversée du désert de plus de dix ans, accède de nouveau au devant de l’actualité.
Les auteurs examinent les zones d’ombre de la biographie du leader du Front national : «sa résistance», les accusations de tortures pendant la guerre d’Algérie, sa fortune, la succession Lambert. Ils apportent de nombreux témoignages croisés mais ne concluent pas toujours. Leur livre est très détaillé sur sa vie, ses amis, ses relations, mais manque un peu de détails sur le Front national, surtout sur la période récente. Un livre indispensable.

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